Eté 1973, j'ai réussi à obtenir la moyenne à l'écrit et à l'oral de mon Bac de Français. Mes Oncles et Tantes, de passage à Pau, font montre de générosité en m'offrant un peu d'argent de poche en guise de récompense. Il n'en fallait pas plus pour que j'investisse le magasin de mon Disquaire habituel afin d'y découvrir les dernières nouveautés, et, revenir chez moi avec, sous le bras, les quelques galettes en vinyle dont voici les détails...
- JUILLET
QUEEN "Queen"
En cette deuxième semaine de Juillet 1973, en guise de "Disque de la Semaine", mon Disquaire avait élu le premier album d'un nouveau groupe Anglais, à savoir QUEEN. Rien de tel pour éveiller ma curiosité maladive en matière de musique. Dès la première écoute, porté par une rythmique solide (John Deacon/Roger Taylor), on est agréablement surpris par ce Hard Rock à la fois Glam et Baroque, nourri de mélodies travaillées, de solos de guitare échevelés distillés par Brian May, le tout porté par la voix haute et puissante de Freddy Mercury. Il suffit d'écouter des titres tels que "Keep Yourself Alive", "Great King Rat", "Son And Daughter" ou, encore, le vigoureux "Modern Times Rock'n'Roll" pour en être convaincu. On savoure, également, des titres plus Progressifs à l'esprit baroque, tous dotés de multiples mélodies qui s'entremêlent avec des changement de rythmes soudains et des chœurs qui foisonnent à tout va, comme, par exemple, "Doing Allright", "Liar" ou "My Fairy King". On apprécie, aussi, le coté enlevé et mélodieux de morceaux comme "Jésus" ou "Seven Seas Of Rhye". Enfin, on trouve le pale "The Night Comes Down", un titre qui semble marquer le pas, car très loin d'être conçu au même niveau que les autres morceaux déjà cités. Au final, ce premier album de QUEEN, élaboré dans un style Hard Rock, aussi original qu'inattendu, atteindra la 24ème place en Angleterre et la 83ème aux Etats Unis.
ZZ TOP "Tres Hombres"
Fin Juillet 1973, les rares émissions de Radios, dites "Périphériques", consacrées à la Pop Music dans l'Hexagone, à savoir "Poste Restante", animée par Jean Bernard Hebey (RTL), ou encore, "Campus" présentée par Michel Lancelot (EUROPE 1) diffusent, tard le soir, un titre au riff imparable, joué par un groupe Américain qui fait taper du pied et dodeliner de la tête. Il s'agit de "La Grange" interprété par ZZ TOP. Le groupe vient de sortir son troisième opus, baptisé "Tres Hombres", et, ce "La Grange", au style Boogie façon John Lee Hooker, était en train de devenir un tube planétaire qui allait propulser le Trio Texan vers les sommets. Outre "La Grange" qui résume parfaitement l'album, on découvre, également, d'autres très bons moments, avec le cinglant "Beer Drinkers And Hell Raisers", le quasi Funky "Waiting For The Bus", le bien Heavy "Shiek", le très Progressif "Precious And Grace", ou, encore, le très Bluesy "Jesus Left Chicago". Bref, un Blues Rock sobre, brut et envoutant, reposant sur les tempos implacables de Franck Beard, la guitare magique de Billy Gibbons avec ses riffs à couper au couteau et ses solos incendiaires, sans oublier les rondeurs chaleureuses des lignes de basse distillées par le désormais regretté Dusty Hill. Aux Etats Unis, dès sa sortie, "Tres Hombres" se classera à la 8e place du BILLBOARD 200, et, le 45 Tours, "La Grange", atteindra la 41e place au fameux HOT 100.
- AOUT
LYNYRD SKYNYRD "Pronounced Leh-Nérd Skin Nérd"
C'est un camarade de lycée qui, cet Eté là, m'apprit l'existence d'un groupe au nom imprononçable. "Connais tu Linird Skinird?" me demanda t-il d'un ton goguenard. Je lui réponds par la négative et lui demande de m'épeler le nom. Pour l'anecdote, ce nom adopté par les membres du groupe fut celui d'un ancien Prof de Gym à eux qui se nommait LEONARD SKINNER. Originaire du Sud des Etats Unis, et, dès ce premier album, LYNYRD SKYNYRD invente un nouveau style musical, le Southern Rock. Un subtil mélange mélodique alliant Rock, Folk, Blues et Country. Dès "I Ain't The One", le morceau qui ouvre l'album, on trouve un riff de guitare ensorcelant qui rappelle ZZ TOP, la voix rauque de Ronnie Van Zandt, et un solo à deux guitares, bien chromé, signé Gary Rossington et Allen Collins. Dans le même esprit, on trouve les très réussis "Gimme Three Steps" et "Things Going On". Parmi, les autres moments forts de l'album, on se régale avec trois savoureuses Ballades particulièrement mélodiques. En premier lieu, l'excellent "Tuesday's Gone", puis, le superbe "Simple Man", et, enfin, le sublime "Free Bird", tous trois jalonnés de solos de guitares remarquablement ciselés par Gary ROSSINGTON, Allen COLLINS et Ed KING qui rivalisent de virtuosité. A sa sortie, "Pronounced Leh-Nérd Skin Nérd", bénéficia d'un très bon accueil et grimpa à la 27ème place des Charts Américains.
- SEPTEMBRE
STATUS QUO "Hello"
C'est la rentrée de Septembre. A l'Internat, je retrouve, avec plaisir, Denis et Jeannot, mes camarades les plus branchés. Chacun évoque avec enthousiasme ses dernier coups de cœur musicaux. Nous programmons une visite au Magasin de Disques de la Rue Joffre à Pau pour découvrir les dernières nouveautés. Sur place, dans la sono, nous entendons les premières notes du vinyle posé sur la platine par Michel, notre Disquaire. Il s'agit du nouvel opus de STATUS QUO, baptisé "Hello". Dès "Roll Over Lay Down", un Boogie bien rugueux particulièrement efficace, il nous prend l'envie de taper du pied et de hocher la tête. Mêmes sensations avec le très Progressif "Softer Ride", le bien Heavy "Forty Five Hundred Times", ou, encore, le très fédérateur "Caroline" qui deviendra un tube planétaire qui propulsera STATUS QUO vers les plus hauts sommets. Pour finir, ajoutons, également, le coté enlevé et joyeux de morceaux tels que "A Reason Of Living", avec sa guitare en Slide, mais, aussi, "Blue Eyed Lady", avec sa longue suite de gimmicks de guitare à l'intro. Deux autres titres plus calmes, à savoir "Claudie" et "And It's Better Now" finissent de compléter cette galette que l'on peut considérer comme la meilleure de STATUS QUO. Et, c'est à juste titre, qu'au Royaume Uni, "Hello" culmina à la première place des Charts pendant 28 semaines. Sans parler du 45 Tours "Caroline" qui atteignit la 5ème place dans la catégorie Single.
- OCTOBRE
MONTROSE "Montrose"
Alors que le Hard Rock était, jusqu' alors, dominé par les Anglais, l'année 1973 fut une année faste pour le Hard U.S. En effet, après les albums de Blue Oyster Cult, ZZ TOP, Aerosmith ou Lynyrd Skynyrd, voilà qu'arrive MONTROSE, avec un album qui met tout le monde d'accord. Dès l'entame, sur "Rock The Nation", on est saisi par le riff de guitare nasillard de Ronnie Montrose, le tempo fortement appuyé de Denis Carmassi, la basse bien ronde de Bill Church qui s'enroule autour et la voix rauque de Sammy Hagar (futur Van Halen) qui vient se greffer tout en puissance. Même approche, d'abord sur "I Don't Want It", avec son riff ensorcelant, puis, sur "One Thing On My Mind" au refrain fédérateur. En plus rapide, on se régale sur "Bad Motor Scooter", avec son solo de guitare en acier trempé, puis, sur le superbement revisité "Good Rockin' Tonight", un titre de Roy Brown, jadis repris par Elvis Presley. Coté Progressif, on est happé par le sublime "Space Station n° 5", avec son riff imparable et son alternance de climats très réussie. Enfin, en plus Heavy, on savoure l'envoutant "Rock Candy", avec son riff plombé en mode Bluesy, mais, aussi, l'excellent "Make It Last", avec son solo de guitare finement ciselé. Du coté des Charts, le public ne suit pas. Aux U.S.A, l'album, qui méritait mieux, se classera 133ème pendant 12 semaines et, au Royaume Uni, 43ème l'espace d'une petite semaine. Mais, le temps a fini par faire son œuvre pour, enfin, reconnaitre ce premier album de MONTROSE, comme une des plus belles Pépites de l'Histoire du Hard Rock. Voilà qui est dit!
- NOVEMBRE
PINK FLOYD "Dark Side Of The Moon"
A sa sortie, en Mars 1973, j'ai de suite regretté la tournure commerciale de "Dark Side Of The Moon", à juste raison, car parfaitement résumée sur le titre "Money", mixé avec des sons de pièces de monnaie et de caisse enregistreuse. En effet, le paradoxe a voulu que ce soit avec ce titre critiquant le consumérisme, que PINK FLOYD devienne, en quelques semaines, fortuné et adulé par un très large public. Huit mois après sa sortie, en Novembre 1973, je décide, enfin, de me procurer ce chef d'œuvre absolu. Fruit d'un véritable travail d'orfèvre mené en studio par le magique Alan Parsons, ce n'est pas pour rien si ce disque a longtemps été utilisé pour tester la qualité sonore des chaines HI-FI. Outre sa beauté sonore expérimentale, il faut, également, saluer la qualité des compositions, des arrangements et de l'interprétation. Après "Money", tube planétaire s'il en est, et, "Us And Them", tous deux entrecoupés d'inoubliables solos de saxophone, on est, aussi, saisi par le mythique "Time", une merveille de Rock Progressif Spatio-temporel, par la puissance émotionnelle de "Great Gig In The Sky”, par les envolées multicolores d' “Any Colour You Like”, ou, encore, par "Eclipse", aux allures de Happy End flamboyant. A ce jour, avec ses 45 Millions de disques vendus dans le monde, et, après une quinzaine d'années passées dans les Charts Américains, "Dark Side Of The Moon", devenu un Must, fait entrer PINK FLOYD dans la légende.
- DECEMBRE
BLACK SABBATH "Sabbath Bloody Sabbath"
Fan de BLACK SABBATH depuis le début, c'est en toute logique que je me procure ce nouveau vinyle dès sa sortie. En premier lieu, je découvre le recto/verso de la pochette avec son design démoniaque, signée Drew Struzan. On y voit des scènes à caractère Sataniques, mais, on est, aussi, saisi par la façon provocatrice dont sont dessinés les S du nom du groupe, rappelant certaines heures sombres de notre Histoire. Dès la première écoute, je note une nette évolution, déjà amorcée dans l'album précédent (Vol.4), concernant l'ajout d'instruments supplémentaires donnant à l'ensemble une touche plus mélodique et enlevée. Ainsi, on trouve une inattendue guitare acoustique sur le refrain de "Sabbath Bloody Sabbath" qui paradoxalement débute avec un riff ravageur bien Heavy. Autres exemples, le refrain de "Looking For Today" où l'on entend une flute traversière, l'excellent "Spiral Architect" avec ses arrangements de cordes, ou, enfin, l'instrumental "Fluff", doté, aussi, de piano et de clavecin. On trouve, encore, du mellotron sur "Who Are You", ou du piano sur "Sabbra Cadabra, joué par le claviériste de YES, un certain Rick Wakeman. Seul le sublime "National Acrobat", plus Heavy, élaboré en forme de suite progressive, reste dans la couleur sobre des premiers albums. "Sabbath Bloody Sabbath" grimpa à la 4ème place des Charts Britanniques et y resta 11 semaines. Et du coté U.S, ce fut la 11ème place pendant 32 semaines.
BACHMAN TURNER OVERDRIVE "II"
Moins d'un an après la sortie du premier opus de cette formation Canadienne créée par Randy Bachman, (ex guitariste des GUESS WHO), voilà que, dans les bacs, je découvre ce deuxième album avec sa pochette grise très originale. Je demande à l'écouter avant un achat éventuel. Dès l'entame, avec le très efficace "Blown", je me laisse porter par ce titre entrainant qui sent bon la cote Californienne. Même approche cote Ouest Américaine, sur, d'abord, "Welcome Home", avec son coté soft, quasi Jazzy, mélangé à des passages plus Hard, mais, également, sur "Let It Ride", avec son chant hargneux et son refrain accrocheur. En tout aussi intéressant, j'apprécie "Stonegates" qui me rappelle quelque peu l'univers musical de Creedence Clearwater Revival. Je savoure, aussi, le coté tribal Amérindien, façon Red Bone, suggéré sur des titres bien solides tels que "Give It Time", ou bien, "I Don't Have To Hide". On trouve, également, l'excellent "Tramp", subtil mélange de Hard Rock et de Rock Mélodique réalisé dans un style très Marshall Tucker Band. Arrive le dernier titre du disque, le fameux "Takin Care Of Business", sorti en 45 Tours, avec son excellent riff de guitare et son refrain fédérateur qui propulsa le groupe vers les sommets. Au final, ce deuxième opus de BACHMAN TURNER OVERDRIVE fut bien accueilli et obtint un succès majeur aux Etats Unis en atteignant la 4ème place des Charts. Au Canada, l'album culminera à la 6ème place.
ALBUMS EGALEMENT SORTIS LORS DU SECOND SEMESTRE 1973:
- JUILLET
FOGHAT “Foghat” - MOTT THE HOOPLE: “Mott The Hoople” - NEW YORK DOLLS “New York Dolls” - GENESIS: “Live”
- AOUT
THE ROLLING STONES ”Goat's Head Soup“ - NAZARETH ”Razamanaz".
- SEPTEMBRE
URIAH HEEP “ Sweet Freedom” - THIN LIZZY “Vagabonds Of The Western World” - ATOMIC ROOSTER: "Nice 'n' Greasy“ - GENESIS ”Selling England By The Pound"
- OCTOBRE
DAVID BOWIE "Pin Up's" - LOU REED “Berlin”
- NOVEMBRE
NAZARETH "Loud'n'Proud" - ALICE COOPER "Muscle Of Love” - THE WHO "Quadrophénia" - ROXY MUSIC "Stranded"
- DECEMBRE:
WISHBONE ASH "Live Dates Live" - YES "Tales From Topographic Oceans" - Paul MC CARTNEY And The WINGS " Band On The Run"
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