Rhapsody a un historique assez compliqué. Après cinq albums sous ce patronyme entre 1997 et 2005, le groupe passe sous la férule du management de Joey De Maio et change de nom, devenant ainsi Rhapsody Of Fire.
Bien payés mais en liberté artistique surveillée, les Italiens n'en sortiront pas indemnes. Après un procès entre eux et ce bon Joey, le groupe se sépare en deux en 2011 : d'un côté Rhapsody Of Fire avec Alex Staropoli et Fabio Lione (qui quittera le groupe en 2016) qui continuent sous ce nom sur le label AFM ; de l'autre Luca Turili's Rhapsody avec, donc, Luca Turili et les deux musiciens français Patrice Guers et Dominique Leurquin. Et puis fin 2016, Fabio Lione, Luca Turilli, Dominique Leurquin, Patrice Guers et Alex Holzwarth annoncent une tournée de reformation de Rhapsody tout court (sans Alex Staropoli) pour fêter les vingt ans de leur premier album "Legendary tales", et qui serait également une tournée d'adieu. ça va, pas trop perdus ? En tout cas ça m'a beaucoup fait rire ! Malgré tout, j'étais curieux de voir ça, au moins en festival. Finalement de festival il n'y aura pas (en tout cas aucun où j'allais) mais ce sera encore mieux : une date est programmée à Toulouse pour la deuxième partie de leur tournée, et en plus dans une salle bien sympa comme le Metronum ! Par contre si la salle est effectivement sympa, sa capacité est réduite à 600 personnes maximum et la date est sold out dès décembre, soit trois mois à l'avance. C'est d'autant plus remarquable que le public toulousain, s'il répond souvent bien présent aux concerts de metal, a plutôt tendance à prendre sa place au dernier moment.
Pour ma part, j'y allais avec plaisir alors que j'avais lâché l'affaire depuis bien longtemps. De manière générale, le speed mélodico-symphonique n'est plus trop ma tasse de thé depuis une bonne dizaine d'années. Et puis Rhapsody, j'ai bien eu une courte période où j'aimais beaucoup le groupe (les quatre premiers albums) mais le côté pompeux de leur musique me lassait rapidement. Ce qui fait que si j'adorais aux premières écoutes, ça n'avait pas une grande longévité chez moi. En plus à l'époque, ils n'étaient pas très bons en live. Après, avec l'histoire du management par Manowar, la baisse de qualité des albums et le changement de nom ridicule en Rhapsody Of Fire, j'ai fini par me désintéresser complètement de ce groupe qui avait perdu tout crédit à mes yeux.
Mais d'un autre côté, ce retour du Rhapsody des origines me fait plaisir et éveille en moi une certaine nostalgie. J'avais une petite vingtaine d'années à l'époque de "Symphony of Enchanted lands". Je n'ai pas découvert le metal avec eux, j'avais déjà de bonnes bases depuis six ou sept ans, mais c'était l'époque où j'approfondissais mes connaissances et où j'étais à l'affut de toutes les nouveautés. Et à cette époque, c'était ce style qui avait le vent en poupe. Rhapsody, comme Angra, Edguy, Hammerfall ou Stratovarius au début des années 2000, en est l'un des groupes emblématiques. Je n'en écoute quasiment plus rien maintenant (il y en a même dans le lot que je n'aime plus du tout), mais c'étaient des groupes que j'adorais avant et qui représentent une belle période de ma vie. Bref, j'ai à nouveau 22 ans quand j'arrive sur le parking du Metronum et que je mange les crêpes des citrouilles ! Une grosse partie du public est d'ailleurs venue avec cet état d'esprit, la moyenne d'âge étant entre 35 et 45 ans (les gens avaient donc comme moi entre 15 et 25 ans à la sortie de "Symphony of Enchanted Lands"). Au programme donc, de la nostalgie, des coeurs, des paillettes, des confetti, du metal, de la passion et de la banane flambée... et de la Guinness aussi parce que c'est quand-même le soir de la saint Patrick !
Il n'y a pas que Rhapsody au programme puisque deux groupes assurent la première partie. Cela commence avec les Roumains de SCARLET AURA. Bien que d'habitude curieux, j'avoue ne pas en avoir écouté une seule note avant le concert. J'ai vu que c'était un groupe à chanteuse et je n'étais pas sûr de les voir... Et en fait c'est sympa ! Le nom du groupe vient d'Aura Danciulescu, qui est la chanteuse blonde aux faux airs de Doro Pesch version fille de l'Est avec vingt-cinq ans de moins. Elle a en tout cas une bonne voix, loin du chant lyrique que j'imaginais / craignais. Son registre est bien metal et justement assez proche de celui de Doro. Et le groupe a vraiment la patate. Ils sont heureux d'être là, devant un public nombreux qui est plutôt réceptif à leur musique. Ca joue bien, le son est excellent comme toujours au Metronum et les riffs sont accrocheurs à souhait. Des claviers samplés donnent une petite touche de kitsch mais ça rajoute au côté catchy de l'ensemble. A signaler une reprise sympa et inattendue de "Wasting love" d'Iron Maiden qui a eu du succès auprès du public.
Bref, Scarlet Aura a bien réussi son examen de passage et je reverrais les Roumains avec plaisir.
C'est ensuite au tour des Finlandais de BEAST IN BLACK. "Nightcrawler" de Judas Priest est diffusée en intro avant l'arrivée du groupe. Pourquoi cette chanson ? Parce que Rob Halford y chante "beware the beast in black" dans le refrain ! Sauf que Beast In Black n'a pas trop de points communs avec le Priest puisqu'on est dans le registre de Battle Beast. Ce qui est logique puisque le groupe a été fondé par l'ancien guitariste et fondateur de Battle Beast, Anton Kabanen, après qu'il ait été viré de son propre groupe par les autres membres pour cause de divergences insurmontables. En tout cas, ces divergences n'étaient clairement pas musicales. Disons-le clairement : Beast In Black n'est rien d'autre que du Battle Beast avec du chant masculin ! C'est tout aussi kitsch avec des sonorités de claviers Bontempi prédominantes qui donnent une touche diso /pop des années 80 à leur heavy. Sur album, je n'ai pas accroché (alors que si j'aime Battle Beast à toutes petites doses, ils ont quand même fait quelques trucs sympas). En live, c'est drôle. Les tut-tut du clavier sont samplés et diffusés sur bandes, les membres du groupe sont dans de belles tenues à la Matrix. La palme du kitsch sera sur le morceau "Crazy mad insane" où les deux guitaristes et le bassiste arborent des lunettes noires électroniques sur lesquelles défilent, pour chacun d'entre eux respectivement, les mots "crazy", "mad" et "insane". Fou rire assuré ! Le groupe est en tout cas bien motivé et prend un plaisir évident sur scène. Reste que musicalement, ça ne casse quand même pas trois pattes à un canard. Mais c'est tout de même bien distrayant et rigolo et c'est donc un bon moment, sans prise de tête.
Après des amuse-gueules sympas, ça va être une énorme claque ! Je m'attendais surtout à passer un bon moment, avec la nostalgie de la belle époque de RHAPSODY. Et encore, je n'ai pas de nostalgie particulière de leurs prestations scéniques, qui n'ont jamais été mémorables. En fait je ne les avais vus que deux fois et ça remonte à fort longtemps. Tout d'abord en mai 2000 en première partie de Stratovarius à Toulouse, à l'ancien Bikini, où ils n'avaient pas été bons, entre un son pourri, des approximations musicales et des poses ridicules. Puis en mars 2001 au festival NTS à Colombes, dont ils étaient la tête d'affiche. C'était mieux mais pas mémorable. Je n'ai pas eu d'autres occasions de les revoir depuis dix-sept ans et ça ne m'a pas manqué. Mais là, c'est autre chose.
Dès que retentit l'intro "In tenebris" et l'annonce de l'arrivée des "five valiant warriors", la salle entre en transe et c'est l'explosion sur le fabuleux "Dawn of victory" sur lequel le groupe arrive et dont le refrain est repris en choeur par tout le public. Et le groupe va mettre tout le monde d'accord pendant 1h45. On est à des années lumières du groupe approximatif et limite amateur que je connaissais. Après dix-sept ans de carrière et des parcours divers et variés, les cinq membres du groupe sont de vrais pros. Le groupe est très soudé et parfaitement en place. Et surtout, ils ont Fabio Lione, il maestro ! J'ai toujours trouvé que c'était un excellent chanteur mais ses prestations de frontman n'étaient pas forcément à la hauteur de son talent vocal. Il avait notamment une tendance assez ridicule à jouer avec son pied et micro et à bien en abuser. Il l'a abandonnée puisqu'il chante sans pied de micro. Il occupe parfaitement la scène et est extrêmement communicatif. Il a en fait progressé dans tous les domaines et a désormais une aisance et une classe naturelles impressionnantes. Il en éclipse même ses camarades. Rhapsody était à l'origine le groupe d'Alex Staropoli et Luca Turili. Suite au split, ça s'appelle même Luca Turili's Rhapsody. Eh bien cette version de reformation d'origine pour une tournée d'adieu avant un vrai split qui ne se produira pas, elle pourrait tout à fait s'appeler Fabio Lione's Rhapsody tant le chanteur a pris de l'importance. D'autant que les autres membres du groupe se mettent vraiment en retrait par rapport à lui (je ne pensais pas que Luca Turili serait aussi effacé en live, d'ailleurs). Ils se contentent en fait d'avoir le sourire et de bien jouer (ce qui n'était pas toujours le cas avant). Quand Fabio fait des speeches, il est même souvent seul sur scène. Et en bon Italien, il parle beaucoup ! Il a toujours un mot gentil ou une anecdote pour le public, pour ses camarades de jeu, et il n'oubliera pas de rendre un hommage appuyé à Christopher Lee. C'est vraiment la grande classe ! Sans compter que vocalement, Fabio est au top aussi bien dans un registre heavy que lyrique (comme il le prouve sur "Lamento eroico" et la reprise de "Con te partiro" d'Andrea Bocelli). Il a vraiment su se mettre tout le public dans sa poche.
Question setlist, c'est un bon best of des quatre premiers albums de plus d'une heure quarante-cinq. Ne manquent pour moi que "Eternal glory" et "March of the swordmaster". Autrement, c'était parfait !
Voilà donc une superbe soirée, qui parle peut-être plus aux gens qui ont connu le début des années 2000, mais vu la qualité de la prestation, tous les gens présents y ont trouvé leur compte !
Pierre
Le live report par Romain Reaper :
Juin 1997. Après avoir été bercé aux sons de Scorpions, Deep Purple et autres Led Zeppelin dans notre enfance, on se cherche musicalement quand on a une quinzaine d’années. C’est alors que le Power metal arrive dans notre vie sans crier gare. Les Gamma Ray, Helloween, Angra, Manowar et autres Stratovarius tournent en boucle dans notre platine à cd. Parmi eux, Rhapsody, groupe émergent de la scène, pointe le bout de son nez à l’automne de cette année la. Et quand Land Of Immortals apparaît sur un sampler de Metallian ou Hard N Heavy, c’est la consécration pour nos oreilles, les hormones sont en ébullition.
Janvier 2000. On apprend par le biais de la presse spécialisée que le Bikini (à l’époque chemin des Étroits, le long de la Garonne) produit un concert Stratovarius – Rhapsody – Sonata Arctica le 2 mai. Une date immanquable à l’époque et improbable de nos jours. Un concert magique avec un Stratovarius au sommet de son art, promouvant l’album Infinite, Rhapsody pour Dawn Of Victory et Sonata Arctica, groupe débutant, jouait Ecliptica presque en entier. Un beau moment inoubliable.
2011, Le groupe se scinde en 2, Luca Turilli continue de son coté sous le nom de LT Rhapsody et Alex Staropoli du sien sous le nom de Rhapsody Of Fire.
Été 2016, le groupe décide de se reformer sous le nom de Rhapsody Reunion, avec le line up original mais sans Staropoli, refusant d’y participer.
17 octobre 2017. Spm Prod (dont votre serviteur fait parti) annonce le retour de Rhapsody Reunion au Métronum le 17 mars, accompagné de Beast In Black et Scarlet Aura, date qui aura vu la vente de tous les billets la veille de Noël.
Jour J, quasiment 18 ans plus tard, nous y sommes, les tourbus arrivent, tout se passe merveilleusement bien, que ce soit avec le tour-manager, le crew, les groupes, la journée se déroule parfaitement sans couacs, ça promet une bien belle soirée. Les portes s’ouvrent, les 500 personnes convergent vers la grande salle. Nous passeront sur les prestations Scarlet Aura et Beast In Black, sans grand intérêt personnel.
Le grand moment arrive. Lux Triumphans résonne dans la sono, les fans ayant compris que Dawn Of Victory sera joué en premier. Et le public est déjà dans l’ambiance ainsi que les 1ers rangs qui reprennent le morceau à l’unisson. Le son est ultra propre, carré, les musiciens en place, pas de fausses notes. Wisdom Of The King nous tirera des larmes de bonheur tant c’est magnifiquement interprété. On pourrait se poser la question de savoir si ça sonne bien sans claviériste (donc avec toute les orchestrations samplées), il n’en est rien, cela passe comme une lettre à la poste.
Luca Turilli, master magique de la 6 cordes, ne tient jamais en place et saute dans tous les sens. Patrice Guers et Dominique Leurquin, nos deux frenchies, respectivement à la basse et à la 2e guitare, ne sont pas en reste et affichent des sourires victorieux et un plaisir de jouer radieux. Alex Holzwarth, Deutsche Qualitat à la batterie, est métronomique. Mais la palme d’or revient sans équivoque à Fabio Lione, dont la voix se bonifie avec l’âge, un cador de la scène et une des meilleures voix qui puissent exister, sans hésitation. Ce timbre vocal est vraiment exceptionnel.
Pour le reste, la setlist est un best of des années 1997 à 2002, donc une série de tubes sans exception : Land Of Immortals, Power Of The Dragonflame, Riding The Winds Of Eternity, le dansant The Village Of Dwarves, la ballade Wings Of Destiny, bref que du bonheur. Mentions spéciales à Lamento Eroico, sublimement interprété par un Fabio Lione qui nous met carrément en transe ainsi que la magnifique reprise Con Te Partiro à cappella, du ténor Andrea Bocceli, nous faisant pleurer une fois de plus. Au bout d’1h20 de show, Holy Thunderforce nous hypnotise une fois de plus et c’est sur l’énorme Emerald Sword, repris en chœur comme un seul homme, que le groupe nous quitte après de longues minutes à remercier le public comme il se doit.
Après avoir tout rangé et nettoyé, ce sont sous des adieux plein d’humilités et d’amitiés que nous disons au revoir à toute l’équipe, qui nous remerciera plusieurs fois pour l’accueil, la bouffe, l’aide apportée afin de passer une soirée optimale. Merci à vous, Rhapsody, c’est un rêve devenu réalité de vous avoir organisé dans notre belle ville rose. Nous citerons Luca Turilli, qui, après avoir conversé avec lui et un gros câlin : « la boucle est bouclée ».
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