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scorpions amon amarth et blind guardian parmi les premiers groupes confirmes pour l edition 2024 du wacken open air
Wacken. Une fois par an depuis 1990, ce paisible village du nord de l’Allemagne se transforme en capitale mondiale du metal, passant de 1800 à 85000 habitants pendant une semaine, pour le plus grand bonheur des commerçants et des autorités (car si une telle organisation mobilise énormément de monde, c’est pour gérer une population somme toute très pacifique et conviviale) du coin.

Au même titre que le Hellfest en France ou le Graspop en Belgique, ce festival est une véritable institution, un lieu de pèlerinage à une date fixe (soit le premier week-end d’août et les jours qui précèdent) faisant venir des metalleux du monde entier. 

Sur plus de 360 hectares de terrain, environ 85 000 festivaliers ont foulé les plaines du Schleswig-Holstein pour assister à une édition d’une richesse exceptionnelle. Plus de 200 groupes se sont produits sur sept scènes, offrant une diversité musicale fidèle à l’esprit du Wacken Open Air : du heavy traditionnel le plus true aux musiques extrêmes les plus obscures, en passant par le folk, le power, l’indus ou encore le metal symphonique. Et aussi une dizaine de groupes modernes qui n’auraient pas été imaginables à une certaine époque, avec du néo et du metalcore bien placés et des groupes comme Korn et Architects parmi les têtes d’affiche.

Alors c’est sûr que ces gros festivals peuvent ne pas convenir à tous : ça fait un certain trajet, un budget non négligeable, il y a énormément de monde, et c’est souvent impossible d’assister à tous les concerts que l’on voudrait voir entre la distance à parcourir, la fatigue et les clashs de running order. Je le constate chaque année moi-même en faisant en parallèle des festivals plus petits à taille plus humaine, avec moins de groupes, souvent avec des affiches plus spécialisées aussi, et que j’apprécie de plus en plus
D’un autre côté, à Wacken, le terrain est bien adapté au nombre de festivaliers. Le site est immense mais très bien foutu et étudié pour la circulation piétonne. Il y a certes de la foule mais on a rarement la sensation de surpopulation. Et avec son ambiance allemande si particulière qu’on retrouve toujours, le festival garde cet état d’esprit et cette atmosphère qui font sa force et le distinguent des autres gros événements.
Les concerts sont d’une qualité exceptionnelle, durent plus longtemps que dans les autres festivals (au moins sur les scènes principales) et les groupes y jouent souvent des concerts spéciaux.
Il y a aussi une diversité de programmation qui va crescendo d’année en année et qui est très appréciable quand on aime plusieurs styles. Si cette année, il y a un peu moins de groupes à nos goûts dans les gros (je n’ai pas sauté de joie à l’annonce de Korn en tête d’affiche, par exemple…), il y a quand même largement de quoi faire : un show spécial d'Amon Amarth, les retours de Blind Guardian, Scorpions, d’Accept et d’In Extremo, Behemoth, Alcatrazz, Testament, Armored Saint… C’est quand même bien bon, tout ça !

Ce 33e Wacken Open Air de 2024 succède aussi à une édition 2023 profondément marquée par des conditions météorologiques extrêmes et s’est déroulée sous des auspices bien plus favorables, permettant au festival de retrouver toute son envergure. La météo, cette fois, n’a pas volé la vedette aux artistes. Il faut dire que les souvenirs de 2023 restent vivaces : l’année dernière, on a quand même eu droit à des pluies diluviennes, des terrains impraticables, des files d’attente interminables… et surtout, des milliers de fans contraints de rebrousser chemin malgré un billet en poche. 20 000 festivaliers se sont retrouvés ainsi à la porte car l’accès au village était impossible. D’un autre côté, d’un point de vue purement égoïste de personne qui avait pu entrer à temps sur le site, c’était appréciable de faire Wacken avec 20 000 personnes en moins ! Même si les flaques de boue de plus de trente centimètres de profondeur ralentissaient considérablement les trajets, on sentait quand même bien la différence en termes de fluidité. Après, pour revenir sur cette fameuse édition 2023 dont les gros médias français comme TF1 ou France Info ont parlé sans y avoir mis les pieds, ce n’était vraiment pas la plus extrême que j’ai pu faire. Oui, les terrains étaient impraticables (et notamment les campings et l’Infield) avec un niveau de gadoue impressionnant. Oui c’était dur et on a laissé quelques affaires là-haut parce qu’elles étaient irrécupérables après cinq jours dans ces conditions. Mais il faut relativiser. Les intempéries avaient eu lieu avant le festival. Sur place, nous n’avons pas reçu une seule goutte d’eau sur la tête et avons plus été arrosés par des verres de bière renversés que par la pluie ! Et nous n’avions pas eu particulièrement froid non plus. En plus, l’organisation avait été hyper réactive, avec une aide de nombreux habitants et agriculteurs du coin pour rendre tout ça vivable. On va dire que c’était une édition extrême light 😀 

Pour 2024 en revanche, la question de la météo et des conditions du terrain (sauf pour planter les piquets de tente parce que le sol était dur) ne s’est jamais posée. Les conditions d’accueil ont été optimales, redonnant à l’événement sa fluidité, sa densité artistique et son ambiance unique. A tous les détracteurs du festival qui n’y ont jamais mis les pieds ou plus depuis longtemps : arrêtez d’associer systématiquement Wacken à la boue ! Certes quand ça arrive, c’est violent mais ça n’arrive pas tout le temps. Et cette année, la question a plutôt été de se protéger du soleil et de la poussière. 

Le Wacken 2024 a été en fait l’occasion de tester l’organisation prévue l’année précédente dans de bonnes conditions. Et ce fut plus que concluant. Avec un ajout non négligeable : l’optimisation de la circulation ! A ce niveau, cette année, le mot d’ordre semblait clair : anticiper plutôt que subir. Dès le lundi matin, on observe les premiers effets du nouveau système d’arrivée échelonnée. Sur les routes menant au village, les colonnes de voitures sont fluides, les accès bien balisés. Chaque festivalier avait reçu, plusieurs semaines avant l’événement, un créneau horaire d’arrivée personnalisé, à respecter scrupuleusement. Contraignant sur le papier, mais redoutablement efficace dans les faits : fini le chaos du “tout le monde arrive mardi à midi”, place à une répartition homogène des flux sur plusieurs jours. Les points de contrôle ont été déplacés en périphérie, loin du cœur du village, évitant ainsi les engorgements critiques des éditions précédentes. Les festivaliers sont dirigés vers leur zone de camping pré-attribuée, et l’installation se fait dans une ambiance détendue, méthodique. Les zones potentiellement boueuses sont renforcées, les engins agricoles de secours sont déjà prêts… mais cette fois, ils n’auront pas à intervenir. Côté transports en commun, la gare d’Itzehoe voit défiler ses navettes toutes les quinze minutes, dans un ballet bien rodé entre le centre-ville, les parkings relais et le site du festival. 

Même les piétons bénéficient d’un traitement de faveur : chemins balisés, corridors piétonniers élargis, panneaux d’indication lumineux indiquant les temps de marche entre scènes et zones clés… tout semble pensé pour fluidifier l’expérience. Et ça fonctionne. Pour la première fois depuis longtemps, on circule sans stress, sans se perdre, sans se battre avec le GPS ou un bénévole débordé.
En somme, l’organisation de Wacken a offert une démonstration logistique et montré sa capacité d’adaptation et de résolution des problèmes d’une année à l’autre.

Depuis 2023, et comme maintenant tous les gros festivals, Wacken dure quatre jours, du mercredi au samedi. Ça commence même, en fait, dès le dimanche précédant le festival (puisque le camping est officiellement ouvert dès le dimanche si on paie un supplément) avec quelques groupes qui jouent au Landgasthof, taverne locale du village appréciée des habitués et qui fait désormais office de huitième scène. Les organisateurs y ont fait jouer beaucoup d’artistes underground cette année, et ce donc dès le mardi. J’avoue ne pas y avoir été car nous étions arrivés en milieu d’après-midi après avoir récupéré nos pass à un guichet VIP qui a changé d’endroit (désormais dans une ferme avec des vaches mais à quelques kilomètres du village). Comme toujours à l’arrivée, on profite surtout de l’arrivée pour s’installer tranquillement, profiter des amis et, bien entendu, boire !

MERCREDI 31 JUILLET 2024 

Le mercredi est donc, depuis 2023, une vraie journée complète de festival avec les grosses scènes ouvertes. La programmation est quand même moins dense que les autres jours. Une petite présentation des lieux s’impose au préalable.

Le cœur du site reste l’Infield, avec ses deux scènes principales – Faster (à gauche) et Harder (à droite) – qui accueillent les plus grosses productions et les têtes d’affiche dans des conditions techniques irréprochables. 

La troisième grande scène, la Louder, est excentrée (trop, car il faut faire quelques milliers de pas pour y accéder !) à l’extérieur de l’Infield, à côté d’un Biergarten sympa. Le mercredi depuis 2023 et le concert des 60 ans de Doro, ce sont uniquement des groupes avec des membres féminins qui y jouent. Je suis assez partagé sur cette démarche. D'un côté, ça met en avant de nombreuses musiciennes talentueuses qui ont droit à une superbe scène. De l’autre, est-ce que ces groupes méritent tous une place aussi haute de par le fait de leur simple talent musical ? Est-ce que ça n'aurait pas valu le coup de les placer au milieu de groupes 100% masculins au succès incontestable ? Est-ce que ça ne risque pas d’avoir aussi pour effet de braquer une partie du public peu client de chant féminin ? Ça pose beaucoup de questions et j’avoue ne pas avoir de réponse… Je pense malgré tout que la démarche est positive et que c'est une bonne chose de mettre les metalleuses en valeur. En tout cas, il y a quand même un beau plateau avec au programme Suzi Quatro, les Butcher Babies, The Warning, Crystal Viper, Girlschool… Je ne verrai dans le lot, au final, qu'un bout de Suzi Quatro car il y avait d’autres choses qui m’intéressaient plus au même moment (le cruel dilemme des gros festivals)

On trouve également l’espace Bullhead City avec ses deux scènes parallèles Headbangers et W.E.T., très prisées pour leurs concerts plus intenses, parfois plus extrêmes. Ces deux scènes accueillent en fait des groupes d’un statut moins important que ceux des trois main stages. Mais c’est un espace un peu à part, avec son Biergarten et ses stands de merchandising, et on s’y sent bien. A titre personnel, j’y ai d’ailleurs vu plus de concerts que dans l’Infield cette année. 

Deux scènes thématiques complètent ce dispositif impressionnant. La Wackinger Stage, installée dans un décor d’inspiration médiévale, est le point de ralliement des amateurs de folk, de pagan, et parfois de power metal. Les cornemuses croisent les riffs et on y mange bien, leurs brochettes étant fameuses !
À l’autre extrémité du spectre, la Wasteland Stage s’adresse aux adeptes de sons plus sombres, dans une esthétique post-apocalyptique : des petits groupes de black, thrash (en particulier le mercredi avec la thématique du Wasted Wednesday), indus, parfois de heavy, s’y succèdent dans un cadre digne de Mad Max et Walking Dead agrémenté par des pyros et par les spectacles de danse des Wasted Warriors.

Au-delà de la musique, le festival déploie un écosystème complet. Le Farmer Market propose tout ce dont un festivalier peut rêver : nourriture en tout genre, crème solaire, accessoires en tout genre, produits de toilette… et même des parfums estampillés Wacken ! Il y a quatre eaux de parfum Wacken, j’ai pris le Rain et ça sent vraiment bon. Certes ce n’est pas Dior ni Acqua di Parma et ça tient moins longtemps que chez les parfumeurs réputés mais c’est un bon rapport qualité prix. J’ai en tout cas toujours plaisir à le mettre. 

Et dans le village de Wacken lui-même, toujours actif pendant la semaine, on retrouve des animations, des installations artistiques, ainsi que des lieux emblématiques comme la Metal Church, où ont lieu des concerts acoustiques comme celui d’Anneke van Giersbergen, ou le Landgasthof, dont je parlais plus haut.

Le mercredi à Wacken, c’est également le jour de la Metal Battle sur les scènes de la Bullhead City. Véritable tremplin international, l’édition 2024 du Wacken Open Air marque son vingtième anniversaire. La Metal Battle permet à des groupes émergents venus de plus de 30 pays de se produire à Wacken. Le prix : la reconnaissance internationale, du matériel professionnel, un contrat avec un label, et surtout, une carrière possiblement boostée.
Plusieurs formations aujourd’hui reconnues ont été révélées par cette compétition, parmi lesquelles Battle Beast, Crisix, Hamferð, Aephanemer, Auðn ou encore les regrettés Tengger Cavalry. L’édition 2025 comptait plus de 30 finalistes, représentant aussi bien des scènes bien établies (Allemagne, Brésil, Japon) que des pays émergents dans le paysage metal (Indonésie, Tunisie, Inde, Kazakhstan…). Tous se sont affrontés sur les scènes de la Bullhead City dans une ambiance à la fois survoltée et bienveillante.

Le premier groupe que nous voyons sur scène est le vainqueur de la Metal Battle 2023 : les excellents Japonais de PHANTOM EXCALIVER. Sous un soleil de plomb, les Nippons vont retourner la Bullhead. Costumés comme des héros sortis d’un animé de dark fantasy, armés de guitares en forme d’épées et d’une énergie qui semble tirer directement ses racines d’un volcan tokyoïte, les Japonais frappent fort, très fort. C’est du metal moderne mais épique, théâtral, dopé aux stéroïdes et aux harmonies ultra catchy. Les riffs sont ciselés, les solos totalement décomplexés, et le tout est servi par un frontman qui harangue la foule comme s’il commandait une armée avant la bataille finale. Et sous l’exubérance visuelle se cache une sacrée maîtrise musicale. Chaque morceau est une fresque, entre metal moderne barré dans le style de leurs compatriotes de Maximum The Hormone, power à la Galneryus et refrains à la Manowar version kabuki. Ils jouent comme si leur vie en dépendait, et le public, au départ un peu surpris, se laisse vite embarquer dans cette furie épique où tout est plus grand, plus fort, plus flamboyant. Même les sourires des roadies ! Et malgré la chaleur (l’Allemand du Nord ayant souvent du mal lorsqu’il fait plus de 21° !), on aura droit à de magnifiques pogos et circle pits. Une belle prestation pour bien commencer le festival, donc. S’ils avaient fait une prestation similaire en 2023, on peut comprendre qu’ils aient ramassé tous les suffrages. 

On reste à la Metal Battle un peu par patriotisme : c’est en effet le représentant français qui investit la WET Stage. En plus on avait sympathisé avec eux en début d’après-midi à l’espace VIP. Ils viennent du Havre, ils s’appellent CARBONIC FIELDS et ils n’ont clairement pas volé leur place ici. En plus leur batteur n'est pas un débutant ni un inconnu puisqu'il s’agit de Francky Costanza (Black Rain, Blazing War Machine, Les Tambours du Bronx, ex-Dagoba entre autres). Leur death metal progressif, moderne et mélodique, évoque par moments Soilwork ou Dark Tranquillity, mais va chercher ailleurs, dans des sonorités plus sombres, plus expérimentales, parfois limite black. C'est parfaitement carré, exécuté à la perfection et bien mis en valeur par un très bon son. De plus, les tenues de scène futuristes et les corpsepaints donnent un côté théâtral très appréciable. Ce n’est pas parce qu'ils sont français et sympas que j’en dis du bien : objectivement, le groupe est bon et a une vraie personnalité. Ils n’ont pas gagné la tremplin (c'est le groupe danois Thus qui l’a remporté) mais j’espère que ça leur aura ouvert des portes, parce qu'ils ont le potentiel pour faire une bonne carrière. Avec ce qu'ils ont montré en vingt minutes, Carbonic Fields n’étaient pas là pour faire de la figuration. On n’a plus qu'à souhaiter qu’ils rejoignent dignement la lignée des Battle Beast, Crisix ou Aephanemer, autres révélations passées par la Metal Battle avant de s’imposer sur la scène internationale.

Après tout ça, direction la Wasteland pour y voir les Espagnols de HITTEN. C'est la troisième fois que je les vois : je les avais découverts en 2015 à l’occasion de la première édition du Pyrenean Warriors Open Air et je les avais revus à Dijon au Rising en 2018. Les deux fois j’avais aimé. Et comme on dit : jamais deux sans trois ! Quand les Murciens déboulent, il ne fait aucun doute que le heavy metal traditionnel a encore de très beaux jours devant lui. Eux sont bien true : look de cuir et de clous impeccables, guitares levées haut, et une énergie qui transpire la passion pour les années 80… mais sans tomber dans la copie creuse. D’ailleurs à ce propos, le virage plus hard rock pris sur leur dernier album “While passion lasts” (par ailleurs fort bien intitulé) me plait bien et montre que sur une scène où l’évolution n’est pas la caractéristique première, Hitten sait s’affirmer.
Dès les premiers riffs de “Built to Rock”, le ton est donné : riffs acérés, solos virtuoses, et un sens du refrain digne des plus grands. La voix aiguë et percutante d’Alexx Panza, frontman survolté à la tignasse flamboyante, est projetée à pleine puissance vers un public qui n’attendait que ça pour headbanguer. Le groupe enchaîne les morceaux comme des coups d’épée bien placés : “Eyes Never Lie”, “In the Heat of the Night”, “Final Warning”... autant d’hymnes à une époque révolue, mais qui, entre leurs mains, paraît furieusement actuelle. Hitten a compris une chose essentielle : il ne suffit pas de ressembler aux anciens, il faut jouer avec les tripes, avec sincérité et puissance et y croire à 200 %. Et c’est exactement ce qu’ils font. Après tout, true, ça signifie avant tout authentique, et les Espagnols le sont.

On reste dans l’espace Wasteland pour une pause restauration, avant de voir le groupe suivant. HELLRIPPER est l’un des groupes qui me plaisaient le plus de la journée Wasted Wednesday. Je les avais loupés lors de leur passage à Toulouse à l’Engrenage de Balma quelques mois plus tôt et j’aime beaucoup ce mélange de black et de thrash. Le projet solo de l’Écossais James McBain, étoffé pour la scène par des musiciens de très bon niveau, déboule sur scène comme une meute de loups affamés. Pas d’introduction. Pas de chichis.  Juste une salve brutale et on enchaîne ! “The Nuckelavee” explose, et avec elle, les cervicales des premiers rangs. La Wasteland, déjà bien chauffée, entre en ébullition. Hellripper, fidèle à sa réputation, mélange la crasse du black metal et celle d’un Motörhead sous acide, et la puissance du thrash. Tout ça avec une précision chirurgicale. James, vêtu de noir, crache ses chansons avec une rage froide, tout en enchaînant des riffs acérés, tranchants comme une faux écossaise en pleine messe noire. Le son est massif, mais clair (une constante à la Wasteland), et chaque morceau semble frapper plus fort que le précédent. “Goat Vomit Nightmare”, “All Hail the Goat”, “Warlocks Grim & Withered Hags”… la setlist pioche dans toute sa discographie, avec une nette préférence pour les titres de l’album Warlocks Grim & Withered Hags. Avec tout ça, l’ambiance est électrique avec slams et jolis pogos. Derrière, les flammes qui ornent la Wasteland créent un tableau digne d’un Mad Max sous invocation satanique et se prêtent parfaitement à la musique de Hellripper. On n’a en tout cas jamais l’impression d’avoir affaire à un one man’s band tant le groupe a l’air soudé. À la fin du set, les visages sont marqués, les T-shirts détrempés de sueur (après, indépendamment de la prestation, il faisait chaud !), les sourires extatiques. Hellripper est venu, a vu, et a vaincu. Et dans une scène aussi compétitive que celle du black/speed underground (entre les Midnight, Bütcher, Solicitör, Hellbutcher, Indian Nightmare… et plein d’autres, il y a de la concurrence), il s’impose plus que jamais comme l’un des leaders de la meute.

On quitte alors la Wasteland pour la Louder. Cela prend pas loin de dix minutes car ce sont en fait les deux scènes les plus éloignées l’une de l’autre. J’avais envie de voir SUZI QUATRO, du moins en partie car je ne voulais pas louper In Extremo après et la prestation de Suzi mordait d’une demi-heure sur les Allemands. Mais je suis content de l’avoir vue : à 74 ans, l’icône glam rock américaine n’a rien perdu de son mordant ni de sa prestance. En combinaison de cuir noir, basse solidement accrochée à la hanche, elle arrive avec la démarche assurée d’une pionnière qui n’a plus rien à prouver mais encore tout à donner. Suzi est là pour jouer, pour partager, et surtout pour mettre une claque à toutes les idées reçues sur l’âge et le rock. Bien sûr, l’état de forme de certains vieux groupes qu’on ne citera pas et qui entachent leurs propres légendes incite parfois à l'âgisme. Mais pas Suzi Quatro ! Sa voix est toujours tranchante, légèrement éraillée mais parfaitement maîtrisée, et son jeu de basse reste précis et solide. Après, c’est vraiment elle et le reste du groupe. Ses musiciens sont bons, carrés, il n’y a pas de fausse note… Mais ce sont ses employés, quoi. Le public, mêlant vétérans chevelus dégarnis, jeunes curieux et gens entre les deux comme moi, entre rapidement dans la danse. “48 Crash” et “Can the Can” sont reprises en chœur, pendant que Suzi, sourire aux lèvres, harangue la foule avec l’aisance d’une vétérane du rock qui a traversé toutes les époques. 

Tout ça c’est bien sympa mais j’allais voir Suzi Quatro en curieux. IN EXTREMO, j’en suis fan ! Un groupe que je vois pour la septième fois, toujours avec le même plaisir… et toujours dans le même festival ! En effet, malgré le fait que ce soit l’un des seuls groupes de folk metal germanophones à jouer parfois hors d’Allemagne, je n’ai pu les voir qu’à Wacken (la première fois en 2002 !). Alors des fois, j’aimerais les voir dans un autre cadre. Mais en même temps, quel cadre peut être meilleur que de nuit sur une des Main Stages de Wacken (en l’occurrence la Faster) ? Bon il y a vraiment, mais alors vraiment beaucoup de monde. Limite trop d’ailleurs. C’est rare que je ressente de la surpopulation à ce qui est pourtant le plus gros festival de metal d’Europe. Mais là, c’est le premier jour, c’est le seul concert sur l’une des grandes scènes de l’Infield et c’est un groupe qui cartonne en Allemagne donc tout le monde se presse pour voir ça. On a eu un peu de mal à circuler mais finalement on est bien placés. Il est 22h, la nuit tombe sur le nord de l’Allemagne et le crâne de vache entre les deux grandes scènes s’allume : le spectacle peut commencer ! Les maîtres allemands du metal médiéval font leur entrée dans un fracas de cornemuses, de tambours et de guitares saturées, comme s’ils venaient tout droit d’un autre temps… mais armés jusqu’aux dents pour botter les fesses du XXIe siècle. Dès les premières secondes de “Troja”, le public exulte. La voix rocailleuse de Michael Rhein, alias "Das letzte Einhorn" (la dernière licorne !), résonne comme un appel à la révolte à travers la plaine de Wacken. Autour de lui, ses compagnons manient flûtes médiévales, bombardes et instruments traditionnels avec autant de dextérité que leurs guitares et batteries. Et le mix fonctionne toujours à merveille : un son massif, chaud et organique, qui donne envie de boire, danser… ou charger un château !
In Extremo, fidèles à leur réputation, livrent un show calibré mais habité. Le feu jaillit des canons, les étincelles pleuvent sur scène, et les musiciens jouent avec une joie communicative. Le groupe enchaîne les tubes : “Sternhagelvoll”, “Frei zu sein”, “Feuertaufe”, “Herr Mannelig”, “Vollmond”… autant de morceaux repris en chœur par les 85000 festivaliers, même ceux venus d’ailleurs, tant les refrains sont fédérateurs et galvanisants. Et puis contrairement à ce qu’on peut croire, toutes les chansons d’In Extremo ne sont pas dans la langue de Goethe !
Et In Extremo, ce n’est pas que l’ambiance fête de la bière. C’est aussi un groupe qui sait créer une atmosphère. “Liam”, joué avec intensité, crée un moment suspendu, presque intime malgré l’immensité de la foule. Les ballades s’enchaînent avec les morceaux plus martiaux ou festifs, dans un équilibre qui évite tout temps mort.
Les musiciens échangent souvent entre eux et avec le public, le tout dans un humour typiquement berlinois, un brin grinçant mais toujours chaleureux. Pour clore leur set, le groupe choisit l’inévitable “Spielmannsfluch”, qui transforme l’Infield en un vaste bal médiéval moshpit. Torches levées, chants à pleine gorge, cornes de bière brandies haut : Wacken est en transe, comme plongé dans une nuit de Walpurgis païenne et joyeusement bruyante.

En quittant la scène, In Extremo laisse derrière lui un public comblé, qui repart avec des étoiles dans les yeux et l’impression d’avoir vécu quelque chose de profondément germanique (mais qui peut être apprécié aussi par des personnes qui ne comprennent pas l’allemand), festif, et furieusement metal. Une prestation qui rappelle pourquoi ce groupe, malgré les années, reste une institution. Les deux heures sont passées en tout cas en cinq minutes. Ca me confirme In Extremo comme faisant partie de mes groupes préférés. J’attends maintenant de les revoir à Toulouse pour Echos et Merveilles ! 

Ce mercredi a été une belle mise en bouche avec un temps radieux et des concerts de grande qualité. La suite va être bien aussi !

JEUDI 1er  AOÛT 2024 

Après ce mercredi introductif de qualité, le jeudi est parti pour être sur la même lignée. Le jeudi à Wacken, c’est souvent le jour où les choses sérieuses commencent mais encore de manière allégée car les concerts se terminent à minuit. Mais c’est l’ouverture de toutes les grandes scènes, les têtes d’affiche débarquent, et les pépites underground côtoient les vétérans. Deux thématiques traditionnelles, respectivement à l’Infield et à la Bullhead : la Night To Remember avec des groupes de heavy et hard rock cultes, et la Night To Dismember pour des groupes de black et de death tout aussi cultes. Bien que je sois à la base un gros fan de heavy metal traditionnel, je ne suis pourtant pas emballé par le programme Night To Remember cette année : Scorpions, Accept, Kk’s Priest, Dokken, Axel Rudi Pell… Seul Accept m’aurait fait envie s’ils ne passaient pas à Toulouse quelques mois après et s’ils sortaient encore de bons albums. Quant à Scorpions, ils avaient annoncé au Wacken 2012 à ce qui était censé être leur tournée d’adieu que ce serait leur dernier festival en Allemagne. Il y a treize ans, donc… J’avais trouvé leur prestation par ailleurs lamentable. J’ai eu l’occasion de les revoir à trois reprises depuis (c’était bien meilleur) et j’aurais pu y aller trois autres fois encore. Mais je n’aime pas les fausses promesses, ni les vieux groupes qui ne jouent plus que pour le fric sans savoir s’arrêter donc ça se fera sans moi.

Malgré un programme relativement léger, on part un peu tôt à la Louder car ARMORED SAINT y joue à midi. Groupe formé dans la première moitié des années 80, c’est un peu bizarre de les voir jouer sur cette scène alors qu’ils rentraient complètement dans le programme Night To Remember de l’Infield. Ils y avaient tout à fait leur place.
Il fait déjà bien chaud, mais la chaleur ne rivalise pas avec la puissance et la classe de John Bush et sa bande. En activité depuis plus de 40 ans, les Californiens prouvent qu’ils n’ont pas besoin d’artifices pour captiver. Habillés simplement, sans décorum particulier, les saints en armure déboulent. Le son est carré, net, les riffs de Phil Sandoval tranchent l’air comme un glaive, et Bush livre une prestation impeccable, toujours aussi charismatique. Blouson noir, lunettes fumées, micro en main comme une torche, il fait chanter la foule à chaque refrain. Sa voix est intacte malgré les décennies:  puissante, chaude, avec ce grain si particulier qu’on reconnaît immédiatement – le même qui l’avait porté à assurer le chant pendant une dizaine d’années chez Anthrax dans les années 90.
La setlist fait la part belle aux classiques : “Can U Deliver”, “March of the Saint”, “Symbol of Salvation”, mais aussi quelques titres plus récents comme “Standing on the Shoulders of Giants”. La foule est compacte, respectueuse, et réagit avec ferveur. C’est un pur moment de heavy metal à l’américaine que nous livrent là les Californiens : honnête et massif, à l’image du groupe lui-même.


On part ensuite manger et boire à l’espace VIP (alias Wacken United !) et se promener un peu partout dans les différents et nombreux coins du festival. C’est quand même très agréable et bien foutu par un beau temps comme ça. La chaleur incite par contre plus à se poser qu’à enchaîner les concerts, mais c’est bien aussi. 


Les activités musicales reprennent à la Bullhead à 16h15 sur la Harder avec des habitués du coin : RAGE. Sous un ciel sans nuage et une chaleur écrasante, le groupe allemand monte est là pour célébrer 40 ans d’une carrière emblématique du heavy metal allemand. Wacken est l’endroit idéal pour ça, le festival offrant la possibilité de faire des concerts spéciaux. J’ai souvent vu Rage, et ils ont fait plusieurs concerts avec orchestre ici. Ce ne sera pas le cas cette fois-ci, le groupe se contentant de produire un concert normal, à trois : l’emblématique Peavy Wagner, seul membre originel,  flanqué de ses fidèles compagnons Jean Bormann à la guitare et Vassilios "Lucky" Maniatopoulos à la batterie, Peavy entame un set taillé pour condenser quarante ans d’histoire musicale en une petite heure. Mais au final ce sera un concert à peu près ordinaire. Ca commence avec deux extraits du dernier double album en date, le sympathique “Afterlifelines”. Je n’ai rien contre, ce sont de bons titres… Mais pourquoi annoncer un concert spécial anniversaire alors ? Ils auraient mieux fait de piocher plus dans leurs anciens morceaux, ce n'est pas les hymnes qui leur manquent. Pour moi, toute leur période des années 90 jusqu'au début des années 2000 est excellente. Alors j’avoue que je suis heureux de réentendre “Solitary man “ et “Refuge”, “Straight to Hell” ou “Black in mind”. Sans compter que l’inévitable finish sur “Don’t fear the Winter” et “Higher than the slay” au refrain toujours repris en choeur par la foule fait toujours son petit effet. Mais c'est quand même le service minimum. Peavy ne s'est pas trop foulé sur le choix des morceaux et, je ne comprends pas que des albums comme “Unity” ou “XIII” qui contiennent leur lot de classiques soient complètement passés à la trappe. Après, c'est un bon concert de Rage. Peavy est content, assez communicatif et le son est bon. Les morceaux s'enchaînent bien et s'ils ne sont pas originaux, ça reste de la bonne came. Le public réagit bien, dans la limite de se capacités du moment : il fait grand soleil et grande chaleur et si ça dépasse 25°, l’Allemand moyen est assommé ! Bref ça chante bien mais ça ne bouge pas trop. Au final, c'est un bon moment mais j’attendais autre chose. Quand un groupe annonce un concert anniversaire à un festival, ce serait bien qu'il fasse VRAIMENT quelque chose de spécial…

On traverse ensuite tout le terrain : sur la Headbanger Stage, on va voir un autre groupe qui fête ses 40 ans d’activité : les Suisses de MESSIAH ! 40 ans de thrash/death chaotique (et catholique, car ils ont toujours revendiqué leur foi chrétienne dans leurs textes !) d’une grande efficacité. Lorsqu’ils tournaient avec Therion (Christoffer Johnsson ayant même assuré l’intérim au chant pendant quelque temps) ou qu’ils participaient à une émission de télé-crochet sur la télévision suisse romande dans les années 90, on pensait à l’époque qu’ils allaient faire une grosse carrière. Ils se sont finalement confinés à l’underground, on connu une longue période d’interruption mais ils ont quand même sorti des albums de belle qualité, notamment le très bon “Fracmont” qui marqué leur grand retour discographique en 2020.
Le groupe, toujours emmené par R.B. Broggi, guitariste et membre fondateur, affiche une forme impressionnante. Les Suisses vont livrer un set à la fois massif, abrasif et sans concession. Le chant, désormais assuré depuis 2018 par Marcus Seebach, se fait caverneux et vindicatif, sans tomber dans l’imitation : il ne cherche pas à copier feu Andy Kaina (mort en 2022), mais insuffle une énergie nouvelle. Les classiques comme “Extreme Cold Weather”, “Total Maniac” ou “Choir of Horrors” prennent une teinte légèrement différente, plus actuelle dans l’interprétation. En tout cas, pas de grands discours entre les morceaux : le groupe joue comme s’il avait une revanche à prendre, et le public lui rend bien. Côté son, c’est cru mais audible, un équilibre difficile dans ce genre de configuration. On entend chaque riff tranchant, chaque contretemps, chaque martèlement de double pédale. Rien de surfait, juste du vrai metal extrême à l’ancienne. Et quand le groupe termine son set avec un “Hymn to Abramelin” d’anthologie, la foule explose. Certains hurlent “Messiah lives!”, et à juste titre : quarante ans après leurs débuts dans l’ombre, ils prouvent qu’ils n’ont rien perdu de leur pouvoir de nuisance sonore.


On enchaîne sur la scène d’à côté avec les Américains de UADA sur la WET Stage. Parmi les groupes d’extrême, c’était l’un de ceux que j’attendais le plus. J’adore leur black metal mélodique teinté de death dans la veine d’un Dissection. Le quatuor de Portland a un aspect très rituel sur scène : capuches noires, pas un mot, pas un sourire, juste la musique et la tension palpable qui précède l’explosion. Lorsque retentissent les premières notes de “The Purging Fire”, l’ambiance bascule. Les lumières blafardes, les machines à fumée et les stroboscopes blancs transforment ce coin de Wacken en autel du black metal moderne. Uada mise sur la sobriété visuelle et la puissance musicale. On en oublie qu’on est en extérieur. Le groupe reste figé, comme sculpté dans la pénombre. Uada transforme l’espace vide en théâtre d’ombres, magnifiquement sinistre.
Le son est clair, voire cristallin, les guitares s’entrelacent dans des harmonies douloureuses. Le chant de Jake Superchi, hurlé mais articulé, tranche dans l’air tiède de la fin d’après-midi. Les Ricains enchaînent des morceaux issus de l’ensemble de leur discographie. Le public, hypnotisé, écoute religieusement. Loin du chaos festif des scènes principales, la WET Stage accueille ici une liturgie noire, épurée, sans esbroufe.
La setlist se clôt avec “In the Absence of Matter”, long crescendo qui mêle mélancolie et puissance, avant un départ aussi silencieux que l’arrivée. Aucun mot au public. Juste un salut de dos, les guitares encore résonnantes. UADA n’a pas besoin d’effets spectaculaires pour s’imposer. Ce côté froid et sans interaction avec le public fait partie de leur mise en scène et n’est donc pas choquant. Et le concert a été bien top !


Après une pause miam, on fait une petite incursion dans l’Infield pour voir à quoi ressemble KK’s PRIEST sur la Faster. J’ai un gros préjugé contre le projet de KK Downing, entre le nom et le fait qu’il y ait Tim Ripper Owens au chant… Bien sûr, KK a le droit de continuer la musique après Judas Priest. Mais un nom aussi connoté avec un ancien chanteur de son groupe d’origine, ça a vraiment tout du projet purement mercantile en mode “puisqu’ils ne veulent plus de nous, on va se venger en se faisant un peu de fric sur leur dos”. Et outre la médiocrité de la démarche, je déteste vraiment Tim Ripper Owens. Il est très doué techniquement, certes, mais complètement dépourvu de feeling et je n’ai jamais aimé un seul projet auquel il a participé. J’ai été ultra-fan d’Iced Earth à l’époque de Matthew Barlow, idem pour Judas Priest. Et à chaque fois que je l’ai vu avec ces groupes, j’ai eu l’impression de voir un mauvais tribute band à cause d’un chanteur qui massacrait des morceaux initialement sublimes. Je n’ai pas non plus aimé ses autres groupes. Ses screams me hérissent tout simplement les poils, et pas de plaisir. Mais voir KK’s Priest à un festival ne coûte finalement pas grand chose: si c’est mauvais, on peut partir et si c’est bon, ça peut être une agréable surprise. Et en fait j’ai trouvé ça plutôt plaisant. Ripper n’en fait pas des tonnes, screame normalement et son chant dans un registre médium s’avère même plutôt agréable. Le groupe bénéficie des moyens que met Wacken sur les main stages à la disposition de ses artistes, à savoir un beau décorum et un son énorme. On a aussi l’impression d’avoir un groupe soudé sur scène et pas un assemblage de musiciens venus pour prendre leur cachet. Après, seul KK Downing est vraiment charismatique. Mais il l’est naturellement et c’est son groupe à lui, donc c’est normal qu’il prenne la vedette. Et puis même blindé de préjugé, ça reste agréable d’entendre des “The green Manalishi”, “Diamonds and rust”, “Night crawler”, “Hell patrol” et l’inévitable “Breaking the law” dans une belle ambiance. Pas un concert d’anthologie, donc, mais un moment sympa.


Changement de cadre et d’ambiance à la tombée de la nuit pour GAUPA sur la Wasteland : beaucoup moins de monde, un cadre beaucoup plus intimiste pour une musique qui ne l’est pas moins. Je voulais voir ça suite à la recommandation d’un pote qui avait découvert ce groupe suédois au Hellfest et me l’a chaudement recommandé. Je lui en suis bien reconnaissant. 
Gaupa (suédois pour "lynx") a offert un moment de grâce mystique et planante. Le groupe suédois emmené par la fascinante Emma Näslund a su imposer son univers onirique et électrique. Dès l’ouverture avec “Diametrical Enchantress”, le décor est posé : stoner rock halluciné, ambiances brumeuses, rythmiques tournoyantes, le tout porté par la voix ensorcelante d’Emma. Elle oscille entre murmures cristallins et montées puissantes, rappelant parfois une Björk version occulte parachutée dans un power trio fuzzy.
Visuellement, le groupe joue la carte du contraste : sobriété instrumentale d’un côté, intensité scénique de l’autre. Les musiciens restent concentrés, presque statiques, pendant qu’Emma virevolte, esquisse des gestes de danse rituelle, complètement possédée par la musique qu’elle incarne. Le public, curieux ou conquis d’avance, se laisse entraîner dans cette spirale sonore.
Le groupe enchaîne des titres issus de “Myriad”, leur dernier album en date sur Nuclear Blast, mais aussi quelques pépites de leur premier EP éponyme. Le son est ample, chaleureux, avec des relents de doom, de psyché et de folk, le tout mêlé dans un chaudron très personnel. Une version épurée mais captivante de “Moloken” viendra d’ailleurs sceller le set dans un silence quasi-méditatif. Et on en ressort complètement ensorcelé.  Une prestation magique qui se prête parfaitement au cadre de la Wasteland !


Encore une petite pause avec du Scorpions en musique de fond (et ils n’ont pas l’air en mauvaise forme) pour se remettre de cette claque émotionnelle avant d’aller terminer la journée des concerts à la Bullhead.


Ce sera donc côté Night To Dismember avec leur tête d’affiche : les Norvégiens de TRELLDOM, formation culte du black metal norvégien, emmenée par un Gaahl aussi impassible que impressionnant. Ce projet existe depuis 1994 mais n'avait jamais donné de concert avant cette année. Leur présence à Wacken est un événement, une convocation du passé le plus occulte du black norvégien. C’est l’une des quatre seules dates du groupe. Et pour l’occasion, on fait dans la sobriété et le dépouillement fidèles au black metal des origines.  Pas de projection, pas de décor numérique, pas de décor tout court : la scène est nue, le son cru, les lumières minimalistes. C’est le black metal dans son expression la plus austère, mais joué avec une précision glaciale. Et avec un saxophone ! Mais pas un saxo pour donner un côté jazz dissonant à la musique comme le fait le Shining norvégien. Non, chez Trelldom le saxo est là pour renforcer les riffs de guitare et accentuer le côté malsain du black metal.

Le set tire largement sur les albums “Til et annen verden” (1998) et “Til minne…” (2007), avec ces riffs dissonants, ces blast beats impitoyables, et la voix glaçante de Gaahl, tantôt gutturale, tantôt criée dans un souffle presque spectral. Son charisme est intact : raide, le regard fixe, les bras tendus comme en transe, il incarne cette présence inquiétante et magnétique qui a fait de lui une figure à part du black metal norvégien. Par contre, il n’adresse aucun mot au public. Juste ce mur de son, ce chaos millimétré, cette noirceur rituelle qui semble hors du temps. Et le public est captivé, pris dans une sorte de transe collective. Quand le dernier morceau se termine, Trelldom disparaît comme il est venu, sans salutation, sans lumière, laissant derrière lui un vide sonore… C’était particulier mais génial. 

Et c’est ainsi que se terminent les concerts du jeudi !


VENDREDI 2 AOÛT 2024 

Le ciel est un peu gris ce matin. Mais ça a un gros avantage : le soleil ne cogne pas et la température baisse de quelques degrés. En plus, il n’y aura pas de pluie au programme. De quoi se plaindre, donc ? En tout cas, je commence la journée par un tour au village car je dois passer à la pharmacie. C’est l’occasion de profiter de l’ambiance de kermess metal qui y règne et de bières beaucoup moins chères que dans l’enceinte du festival. Ca me fait en tout cas une bonne marche qui me fait arriver juste à temps pour le premier groupe que je voulais voir à midi.

Ce premier groupe, c’est BETONTOD. Ce n’est pas du metal mais du punk allemand, mon plaisir coupable ! En fait je les avais découverts ici-même en 2012, j’avais aimé et depuis, je les suis de manière assez assidue. Ça fait une vingtaine d’années que ce quintette originaire du bassin de la Ruhr existe et ils ont le sens de l’hymne, aussi bien pour ce qui est des morceaux anarchistes revendicatifs que des chansons à boire. Ils jouissent d’un bon succès en Allemagne et se trouvent donc là en terrain conquis (les metalleux les plus true qui rejettent le punk dorment encore à cette heure-ci !). Le public, mélange de punks chevronnés et de metalleux curieux (comme c’était mon cas en 2012) répond présent dès les premières notes de “Das Kapital” suivi de “Keine Popsongs” repris en chœur comme un hymne de camping militant. Sur scène, le frontman Oliver Meister mène la danse entre slogans, appels à la solidarité, et petites piques adressées aux politiciens de tout bord et plus particulièrement de droite. A ce propos, leur décor de scène avec une voiture de police renversée est sans équivoque ! Musicalement, Betontod ne révolutionne pas sa formule (c’est du punk, quoi !), mais l’exécute avec une redoutable précision : riffs simples et accrocheurs, refrains fédérateurs scandés avec conviction et repris en choeur par la foule… Il y a aussi de vraies influences du heavy metal chez eux : certaines mélodies, les solos sont directement inspirés d’Iron Maiden. Pour varier les plaisirs, ils ont aussi fait un “Tanz in Algorithmus” electro et très dansant mélangeant punk rock et eurodance.
Betontod est en tout cas un groupe parfait pour bien commencer une journée de festival. Avec leurs hymnes punk bien entraînants, ça met en forme pour la journée. 


Pas vraiment motivé par d’autres groupes de ce début d’après-midi, je retourne au camping pour manger. Puis on va se poser au bar VIP pour boire, assis confortablement, et aller voir la suite. 


A 15h, c’est BEAST IN BLACK qui vient investir la Faster. Je parlais de plaisir coupable pour le punk allemand, on peut dire pareil pour ce style de power metal ultra synthétique, ultra kitsch et mâtiné d’eurodance avec toutes les manettes poussées à fond les ballons. Je les avais vus une fois sur scène à leurs débuts, en 2018. Ils ouvraient alors pour Rhapsody et c'étaient leurs débuts. Ils ne m’avaient clairement pas convaincus. Là, six ans après, je veux bien leur laisser une chance mais j’y vais surtout pour accompagner un pote fan du groupe… Il y a en tout cas bien du monde dans l’Infield pour voir les Finlandais. L’ambiance monte d’un cran dès l’intro : des lumières flashy, des intros samplées comme un opening d’anime de science-fiction, et l’entrée en scène théâtrale des cinq musiciens emmenés par le très bon chanteur grec Yannis Papadopoulos. Le groupe enchaîne rapidement avec “Blade Runner”, et le ton est donné : voix stratosphérique, riffs heavy à l’ancienne, refrains ultra-catchy, et claviers 80’s à fond les ballons. Le public reprend chaque refrain comme dans un karaoké de power metal, les bras levés et les sourires jusqu’aux oreilles. Sur scène, c’est carré, très calibré, mais diablement efficace. Anton Kabanen, riffmaster en chef et cerveau du groupe, affiche un sérieux de samouraï, tandis que le reste du groupe multiplie les poses héroïques. C’est grandiloquent, c’est kitsch, mais totalement assumé, et surtout : ça fonctionne.
La setlist set fait la part belle à leur dernier album “Dark Connection”, avec des titres comme “Highway to Mars” et “One Night in Tokyo”, mais n’oublie pas les classiques comme “Blind and Frozen”, qui fait exploser la foule. Mention spéciale au son, parfaitement mixé, qui permet d’apprécier les arrangements sans sacrifier la puissance des guitares.
En quittant la scène, Beast in Black laisse derrière lui un public ravi, les oreilles pleines de mélodies synthétiques et de refrains chevaleresques. Et je l’avoue : j’ai bien aimé !


Pendant que Spiritbox (vus et détestés en première partie de Ghost un an auparavant !) enchaîne sur la Harder, on va au calme à l’espace VIP pour manger, boire et se poser en attendant de revenir sur la Faster pour FEUERSCHWANZ. Eux aussi sont kitsch, mais je les adore ! Ils ont un succès incroyable dans leur pays et même au-delà puisqu’ils n’hésitent pas à jouer à des festivals étrangers et à faire des tournées dans des pays non germanophones. Pourtant la première fois que je les avais vus, au Wacken 2009 sur la petite scène de la Wackinger, je n’aurais jamais imaginé qu’un groupe dont le nom signifie “la queue en feu” irait aussi haut. L’entrée en matière est spectaculaire : feux d’artifice, costumes moyenâgeux, catapulte gonflable, et une chorégraphie savamment absurde.
On entame avec “SGRFD Dragonslayer” enchaîné sur “Memento Mori” et “Untot im Drachenboot” pour mettre une ambiance pas possible : une déferlante de refrains scandés, de riffs épiques, de flûtes endiablées et d’énormes sourires. Sur scène, Hans Platz alias Hodi (chant) alterne entre posture de barde de taverne et frontman conquérant, secondé par Prinz R. Hodenherz III, toujours aussi théâtral. Le public entre immédiatement dans la danse, avec des pogos bon enfant, des farandoles, des gobelets lancés en l’air et des refrains repris en chœur qui résonnent jusqu’à la Louder Stage. Feuerschwanz livre un spectacle calibré pour les festivals : l’humour grivois et les gimmicks médiévaux se mêlent à des compos folk power metal solides et de plus en plus ambitieuses depuis “Das Elfte Gebot”. La reprise de “Dragostea tin dei” et 40 000 metalleux reprenant en choeur les “numa numa yeah” valait à elle seule le déplacement. Mais l’apothéose du concert est une autre reprise d’anthologie : celle de “Warriors of the World United” de Manowar, en collaboration avec les membres de Saltatio Mortis.
Feuerschwanz a l’art de mettre le feu. Ils ne portent pas leur nom pour rien ! Et on ressort de leur prestation le sourire aux lèvres. 


Direction la Wackinger maintenant pour pour un autre groupe de folk allemand, beaucoup plus dark et moins drôle : NACHTBLUT ! C’est le premier groupe que je vois sur cette scène (si l’on ne compte pas ceux que j’avais vus de loin en me baladant ou en allant prendre à manger ou à boire dans cet espace médiéval bien agréable et hors du temps) pour ce Wacken 2025. Le style de Nachtblut fait un peu décalé sur cette scène et je les aurais plus imaginés sur le pendant post-apocalyptique de la Wackinger, à savoir la Wasteland. Mais après tout, il y a quand même aussi des éléments folk dans leur musique…. Dès “Leierkinder”, le chanteur Askeroth, tout maquillé de blanc comme ses acolytes, impose sa présence sinistre et théâtrale, maniant le micro comme un prêcheur d’apocalypse, tandis que les riffs lourds et les claviers lugubres plantent un décor sonore dense, pesant, presque claustrophobe. Ça fonctionne bien : les festivaliers, venus d’abord pour jeter un œil, finissent pour beaucoup scotchés devant cette parenthèse ténébreuse au milieu de l’euphorie païenne.
Avec des morceaux comme “Antik”, “Lied für die Götter”,  ou le plus rentre-dedans “Multikulturell”, Nachtblut déroule un set solide, bien rodé, mêlant critique sociale, symbolique morbide et ironie noire. Le public se prend bien au jeu : pogos, headbangings synchronisés, et une bonne dose de hurlements cathartiques.
Côté mise en scène, le groupe a gardé une certaine sobriété comparé à ses shows en salle ou à la Wasteland, mais la force évocatrice de leur univers a largement suffi à transformer cette fin d’après-midi en messe noire imprévue, mais redoutablement efficace.


L’heure avance et un retour vers l’Infield s’impose : ça va être l’heure des têtes d’affiche ! Ca se ressent d’ailleurs en termes d’affluence. Les touristes en festival sont différents en Allemagne et en France. Ainsi au Hellfest, ce sont les gens qui y vont parce que c’est “the place to be” alors qu’ils ne s’intéressent pas particulièrement au metal. A Wacken, ce sont les gens qui passent leurs journées au camping à boire, manger, bronzer et qui ne viennent que pour les têtes d’affiche… Et il y en a un sacré paquet ! En plus, la première tête d’affiche du jour est BLIND GUARDIAN, groupe mythique en Allemagne. Un concert de Blind Guardian outre-Rhin, c’est un public à fond en mode karaoké. Et donc il y a plein de monde pour les voir. Pas autant que pour In Extremo deux jours auparavant, mais il faut quand même se frayer un bon passage pour être bien placé. A 20 mètres de la scène légèrement à gauche, on va être pas mal ! Dois-je préciser qu’ils font partie de mes groupes préférés ?
Dès l’intro de “Imaginations from the Other Side”, le décor est planté. Hansi Kürsch rayonne, sobre et précis, dans une forme vocale impressionnante. Le son est clair, puissant, les guitares de André Olbrich toujours aussi tranchantes, virevoltantes, presque héroïques. Les morceaux s’enchaînent avec maîtrise, naviguant entre les époques : “Nightfall”, “The Script for My Requiem”, “Violent Shadows” et bien sûr le magistral “The Bard’s Song-In the Forest”, repris en chœur par tout le festival dans un moment suspendu.
Le set mêle les hymnes de l’âge d’or et des extraits plus récents de The God Machine, reçus avec enthousiasme. Blind Guardian prouve qu’ils n’ont rien perdu de leur verve narrative, ni de leur puissance scénique. L'interprétation est rigoureuse, mais jamais froide, toujours habitée — comme si Tolkien, Moorcock et George R. R. Martin jammaient ensemble quelque part dans les nuages au-dessus de la Harder Stage.
Le final, “Mirror Mirror”, est un finish en apothéose : c’est épique, galvanisant, fédérateur, exactement ce qu’on attendait d’eux. Blind Guardian n’a pas besoin d’en faire trop. Ils sont chez eux ici.
Cependant, j’y mettrais un petit bémol. Il n’y a rien à reprocher à la prestation du groupe. Mais les ayant vus en salle en octobre 2023, il n’y a pas de surprise. J’aurais espéré une setlist spéciale “Somewhere far beyond” comme ils l’avaient faite au Keep It True (plus quelques dates en Allemagne en tournée) l’année précédente. Surtout qu’avec un temps de jeu de 1h45, il y avait la place pour placer l’album entier et mettre des titres plus récents et des extraits d’autres albums cultes. Là, c’est exactement la même chose qu’au Bikini mais avec un visuel amélioré (les écrans géants et les animations des Main Stages sont fantastiques) et un public plus nombreux. De ce fait, l’effet de surprise n’est pas trop là. Le concert a été très bon. Avec des bonus et des exclusivités, il aurait été fabuleux. 


Je suis quand même content de mon concert de Blind Guardian. Par contre la suite c’est Korn et ce n’est vraiment pas pour moi donc je laisse ça à ceux qui aiment. Je détestais ce groupe dans les années 90. J’ai essayé de réécouter récemment pour voir, et ça ne passe toujours pas. J’ai quand même été faire un tour au milieu du concert pour voir ce que ça donnait. Musicalement ça ne me parle pas mais ils avaient quand même le gros show et un son de folie. Les fans ont dû kiffer ! Et n’étant définitivement pas fan d’Avantasia qui a suivi Korn, on déserte l’Infield pour des scènes plus petites. Et avec tout le monde qui est devant les grosses scènes le soir, c’est particulièrement agréable de se retrouver sur les scènes annexes.



Sur la Wackinger, il y a en effet un concert à voir absolument pour les amateurs de pagan metal : VREID qui vient célébrer ses 30 ans de “Sognametal”. Autrement dit : c’est un concert de pur Windir auquel on va avoir droit ! Loin des artifices de la grande scène, c’est dans une atmosphère intimiste et recueillie que ce concert-hommage a pris vie, devant un public aussi fidèle que passionné. Des extraits de l’œuvre de Windir (“1184”, “Arntor”, “Journey to the End”...) se sont mêlés aux compositions les plus puissantes de Vreid comme “Milorg”, “Pitch Black” ou “One Hundred Years”. Le tout formant un voyage musical entre black metal mélodique, passages heavy et influences folkloriques norvégiennes.
Visuels projetés, extraits d’archives de Windir, paysages du Sogn og Fjordane : l’expérience était immersive, presque cérémonielle, et la performance du groupe, sobre mais intense, témoignait de toute leur implication émotionnelle. Le charisme de Sture, le jeu de guitare fluide et précis de Hvàll, tout sonnait juste, profondément authentique.
Le public, d’abord attentif, s’est peu à peu laissé emporter, entre cris, poings levés. Un moment suspendu, à la fois mélancolique et porteur d’une grande fierté. Vreid n’a pas seulement joué un concert ce soir-là : ils ont rallumé une flamme, honoré dignement la mémoire de Valfar (déjà 20 ans qu’il est mort…)  et transmis un héritage, en plein cœur de la scène la plus folk du festival. Et c’était bon !


Après l’hommage viking, la soirée goth ! THE 69 EYES se produisent en effet à la Bullhead. Minuit approche et à l’heure où beaucoup commencent à sombrer dans la fatigue ou l’ivresse voire les deux, les Finlandais viennent nous rappeler que la nuit leur appartient. Sur cette scène en plein air, éclairée de rouge et de bleu sous un ciel nocturne, les vampires d’Helsinki débarquent comme s’ils sortaient d’un vieux club de Sunset Boulevard, version cimetière nordique. Je ne suis pas forcément ultra-fan sur album, même si j’aime beaucoup certains morceaux. En fait je trouve leurs compos assez irrégulières en termes de qualité, avec du bon et du moins bon. Mais ils ont une bonne réputation scénique et sont assez rares en France, donc j’avais envie de les voir.
Toujours impeccablement vêtus, Jyrki 69 déboule dans son style inimitable de crooner dark, lunettes noires de rigueur, pendant que ses acolytes — Bazie à la guitare en tête — balancent leurs riffs au groove sombre et voluptueux. Tel un Type O Negative en plus dansant et plus sucré, le groupe déroule avec assurance ses classiques intemporels : “Brandon Lee”, “Feel Berlin”, “The Chair”, “Gothic Girl” ou encore “Lost Boys”, repris par un public conquis. On note aussi quelques touches plus modernes, comme “Drive” ou “Two Horns Up”, qui prouvent que les Finlandais savent actualiser leur son sans trahir leur ADN. Entre fans de longue date et curieux comme moi, le public se laisse emporter, les bras levés dans une atmosphère presque cinématographique. The 69 Eyes n’en font jamais trop, mais tout est pensé, pesé, maîtrisé. Et pour des Finlandais, ils sont malgré tout relativement expressifs sur scène. Bref, je valide !


La journée va se conclure également à la Bullhead sur la scène d’à côté (la Headbanger, donc) où un autre groupe estampillé goth conclut les débats : UNTO OTHERS.  Il est tard, mais l’atmosphère ne faiblit pas. Bien au contraire : le groupe qui se faisait originellement appeler Idle Hands avant de changer pour Unto Others s’installe sur la WET Stage pour un des sets les plus intenses (et paradoxalement les plus retenus) de cette journée. Le quatuor de Portland, mené par Gabriel Franco, incarne cette nouvelle vague qui fusionne le heavy metal traditionnel, le post-punk et le goth rock avec une classe glaciale. Pour mon plus grand plaisir personnel, car j’adore tout ce qui est wave (new, cold ou dark !) et post-punk et ce sont mes styles préférés en dehors du metal. Et ça me fait d’ailleurs toujours rire de voir des true metalleux de mon âge, ayant grandi dans les années 80 ou 90, aimer ces groupes alors qu’il a été de bon ton de casser du sucre sur Depeche Mode ou The Cure lors de nos jeunes années. A titre personnel j’écoutais ces groupes à mes 15 ans avant de découvrir Metallica et AC/DC et de basculer dans le côté obscur du metal. Je n’ai jamais renié ce que j’écoutais avant et je n’ai jamais considéré ça comme un plaisir coupable. Juste un plaisir ! Je ne suis visiblement pas le seul à avoir aimé la new wave quand je vois le nombre de vestes à patchs qui s’amassent avec enthousiasme devant la scène à cette heure tardive. Mais tant mieux !
Les Américains investissent la scène de manière très simple, sans effets particuliers : ils n’ont même pas de backdrop. Mais la musique importe plus que le visuel.
Dès les premières notes de “Nightfall”, la tension émotionnelle est palpable. Franco, silhouette noire et raide, chante d’une voix grave et hantée, qui rappelle autant Peter Steele que Robert Smith, mais avec une sécheresse metallique toute personnelle. Il y a quelque chose de profondément mélancolique et résigné dans leur musique : une mélodie élégante et mélancolique, encadrée de riffs tranchants, mais jamais démonstratifs.Le public, clairsemé au départ, est peu à peu aspiré dans ce tourbillon de spleen électrique. Les morceaux de leur premier album “Mana” tels “Give Me to the Night”, (propice à un bon headbanging avec un refrain à chanter à tue tête) ou “Jackie” se mêlent à ceux de “Strength”, plus durs, plus tendus, comme “Downtown” ou “When Will Gods Work Be Done”. On sent le groupe à la fois concentré et envoûté, comme s’il récitait un rituel, et c’est précisément ce qui fonctionne : une musique en clair-obscur, jamais tapageuse, toujours habitée. Pas de grands discours, peu de lumières flamboyantes — seulement un mur de son crépusculaire et une authenticité touchante. Un final sur “It Doesn't Really Matter”, chanté d’une voix presque tremblante, vient conclure ce set comme une confession à voix basse, devant ceux qui sont restés jusqu’au bout de la nuit. Le visuel et certaines poses restent à travailler mais en tout cas, Unto Others aura réussi à convaincre tout le monde ce soir.

Il est maintenant 2 heures du matin et les concerts se terminent. Avant le vendredi était la journée la plus chargée avec les concerts qui allaient jusqu’à 3h. Au fond ce n’est pas plus mal que ça se termine plus tôt car ça laisse une heure de plus pour récupérer avant la dernière ligne droite.

SAMEDI 3 AOÛT 2024 

Le samedi à Wacken, c’est toujours un peu particulier. On sent bien que c’est le dernier jour dans ce monde parallèle, certains préparent leur départ dès le soir, et en même temps on veut aussi en profiter à fond avant le retour dans le monde réel. Par contre, trois jours s’étant déjà écoulés, et même si le nombre de concerts par jour est mieux dosé, on ressent beaucoup plus la fatigue qu’auparavant lorsque le festival commençait le jeudi. La formule à quatre jours est désormais le modèle économique pour tous les gros festivals, et il faut faire avec, mais ça fait quand même beaucoup.
Tankard ouvrait les hostilités sur la Faster à 11h30 en mode Tankard-Frühstück (“le petit déjeuner Tankard”) : c’est le réveil et ils viennent donc jouer en pyjama sur scène. Le délire est sympa et j’aime bien le groupe mais je préfère quand même me lever tranquillement et prendre des forces !

Les hostilités commenceront pour moi avec OOMPH! C’est leur grand retour après une période d'incertitude liée au départ de leur emblématique chanteur Dero Goi. Celui-ci est remplacé par Daniel Schulz, ancien frontman de Unzucht, au micro, et il s’en sort très bien. Ils ont d’ailleurs fait un bon album avec cette nouvelle formation. Le groupe déboule sur scène avec une énergie renouvelée, ouvrant sur “Wem die Stunde schlägt”, tandis que le public de l’Infield découvre un nouveau charisme scénique, moins théâtral que Dero, mais puissant, direct et très metal. Les classiques comme “Augen auf!” et “Labyrinth” sont repris à tue-tête, et les nouveaux titres, plus modernes, ne détonnent pas dans ce set industriel, carré et solide. Voilà donc un retour en forme pour une formation qui refuse de se fossiliser. Par contre, je trouve ça un peu tôt pour vraiment les apprécier : ils ne jouent qu’à 13h, il fait beau et chaud et ça jure un peu avec leur musique froide et industrielle. Mais j’ai bien aimé quand même, d’autant que le public était bien réactif (un groupe allemand devant son public qui chante, tout ça tout ça…).

Je ne retournerait pas à l’Infield avant le concert de clôture. Cette année, la plupart des groupes qui m’intéressaient étaient vraiment sur les scènes annexes…


Direction la Bullhead et plus particulièrement la WET Stage pour y voir les excellents thrashers de HIRAX ! Je les avais vus une fois à Toulouse en 2015 et c'était dans un squat, aux Pavillons Sauvages. Là on passe dans une autre dimension, même si ce n'est pas la plus grosse scène. Le soleil cogne encore fort sur le terrain poussiéreux qui entoure l’espace Bullhead. Mais l’ambiance, elle, est bouillante pour une tout autre raison : Hirax s’apprête à faire parler la poudre. Et dès les premières secondes, on comprend que le thrash n’a pas pris une ride dans les veines de Katon W. De Pena et sa bande. S'il n’a plus vraiment une coupe à la Jackson Five, il est toujours aussi charismatique et furibard. Il surgit sur scène vêtu de cuir noir.  Il harangue la foule avec la fougue d’un prêcheur enragé : « WACKEN! Are you ready for some real thrash metal?! » – cri aussitôt suivi par une déferlante de riffs tranchants comme des lames. Le groupe attaque sec avec “Bombs of Death”, immédiatement enchaîné avec “Hostile Territory” et “El Diablo Negro”. Autant de missiles sonores envoyés avec une vitesse d'exécution et une hargne à faire pâlir des groupes deux fois plus jeunes. La fosse, très réceptive, se transforme en maelström de pogos, de circle pits et de cris rauques. Ce sera d’ailleurs la plus belle ambiance de la journée. Plusieurs fans brandissent fièrement des vinyles usés de “Raging Violence”, d’autres portent des patchs du groupe rapiécés sur des vestes qu’on devine âgées d’au moins trois décennies. Hirax ne se contente pas de jouer ses vieux titres. Avec quelques morceaux plus récents comme “Hellion Rising” ou “Lucifer’s Infierno Reprise”, le groupe prouve qu’il sait toujours composer et n’a rien à envier aux groupes de thrash underground plus récents. La prestation est incisive, frontale et ponctuée d’interactions chaleureuses entre Katon et le public, d’appels à l’unité de la scène metal, et même d’un petit mot touchant dédié « aux frères tombés au champ d’honneur du metal ». Quand on parle d’esprit metal, on pense instinctivement aux discours de Manowar. Mais Hirax ne font pas que prôner des valeurs : ils les incarnent avec sincérité et simplicité.

Par contre la pluie se met à tomber peu après le concert. Pas assez pour qu'il y ait de la boue mais à gouttes suffisamment grosses pour que ce soit bien désagréable. Heureusement, le Biergarten de la Bullhead est abrité. C'est de là que nous assistons au concert de THE BLACK DAHLIA MURDER. Pure curiosité de ma part car je n’en ai écouté que quelques morceaux. Pourtant, moi qui aime beaucoup les romans de James Ellroy, j'aurais dû être attiré au moins par leur nom. Mais je les ai sans cesse assimilés à la scène metalcore américaine du milieu des années 2000 et je n’ai donc jamais été tenté de les découvrir. J'aurais peut-être dû, car j’écoutais beaucoup de death mélodique à la suédoise à cette époque et le style de The Black Dahlia Murder en est très proche. Bref, je suis passé à côté. Vu en live assis et d'un peu loin de la scène, en parfait touriste, j'ai bien aimé. Le groupe revient fouler les planches du Wacken dans un contexte particulier, marqué par la disparition tragique de leur chanteur Trevor Strnad en 2022. Ils ne manqueront pas de lui rendre un digne hommage. Son remplaçant fait en tout cas bien le job avec une bonne présence scénique et un growl puissant. C'est donc un bon moment. Je retournerai voir le groupe à l’occasion.

Le thrash continue dans l’Infield avec Testament qui doit faire un show old school. Mais je ne suis pas très motivé pour les revoir. J’adore ce groupe à la base mais je les ai beaucoup vus et la dernière fois, c'était bien mais en mode pilote automatique. En plus,.il continue de pleuvoir. Mais finalement ce temps maussade se prête plutôt bien à l’ambiance de BRUTUS. Les Belges jouent sur la Headbangers et ça faisait quelque temps que je voulais les voir. Je les verrai donc en poncho de pluie mais ça va être bien quand même !
Le trio flamand, mené par l'impressionnante Stefanie Mannaerts, montre qu'il n’y a besoin ni d’artifices ni de line-up à rallonge pour délivrer un concert puissant et profondément sincère, donc trippant.  Dès les premières notes de "War", le ton est donné : tension, montée progressive, explosion cathartique. Stefanie, derrière sa batterie tout en assurant le chant principal, dégage une énergie quasi surnaturelle avec son petit gabarit. Sa voix oscille entre fragilité et hargne, avec une justesse émotionnelle rare qui hypnotise autant qu'elle secoue. Le son est massif, parfaitement mixé, et permet de saisir chaque nuance entre les lignes de basse de Peter Mulders et les boucles de guitare aériennes de Stijn Vanhoegaerden. Des morceaux comme "Victoria" ou "Liar" captivent la foule, qui se laisse rapidement embarquer par la puissance dramatique du set. Brutus transforme une scène plutôt brutale en cathédrale émotionnelle, en se positionnant à la croisée des genres – hardcore, punk, post-punk, metal, shoegaze – sans jamais trahir leur singularité. En moins d’une heure, ils auront conquis les curieux comme moi, ravi les fans et laissé une empreinte durable sur cette édition 2025. Clairement le style des Belges n’est pas ce qui est le plus représentatif de Wacken . Mais quand on tombe sur un OVNI musical pareil, on se fait happer.

Après ça on va se poser au Biergarten pour regarder au sec la prestation de VIO-LENCE. Comme Hirax quelques heures auparavant, c'est là un groupe culte de l’underground san franciscain des années 80 et c'est quand même le groupe d'origine de l’ex-guitariste de Machine Head Phil Demmel. Il y est d’ailleurs revenu. J'aime bien les vieux albums de Vio-Lence, j'aime bien le thrash Bay Area en général… mais là je ne rentre pas vraiment dans le concert. Ça joue bien mais c'est un peu monotone et on ne sent pas un groupe très uni et investi. Je peux cocher Vio-Lence à la liste déjà nombreuse des groupes cultes que j'ai vus en live. Mais ça ne me fait pas plus d'effet que ça.

La pluie s’arrête, la soirée approche et les touristes affluent vers l’Infield… ça invite donc à rester sur les petites scènes. Mais c'est normal puisque c'est l’heure des têtes d'affiche avec Amon Amarth qui annonce un show spécial. Vu leur succès en Allemagne et leur passé à Wacken, ça attire du monde. Mais pas moi ! Anciennement grand fan des Vikings, je trouve qu'ils tournent en rond depuis une dizaine d’années. A force de sortir un album tous les deux ans, l’inspiration s'est épuisée. Je sais bien que ce sera bon sur scène, aussi beau qu'efficace… mais la motivation me manque. Je n’aurais jamais imaginé ça il y a quelques années. Des échos que j’en ai eu, le concert était très bon, spectaculaire mais assez prévisible. Et puis niveau playlist, avec trop de nouveaux morceaux un peu fades et surtout l’absence des incontournables “Death in fire” et “Victorious march”, ça ne me donne aucun regret.

Et puis juste avant les Suédois, il y a un groupe de black metal à la Wasteland qu'on voulait tous voir : les Néerlandaises de ASAGRAUM. Il s’agit d'un groupe 100% féminin qui pratique un black metal traditionnel dépouillé et sans concessions. Entre carcasses de voitures calcinées, échafaudages métalliques et ambiance post-apocalyptique, la Wasteland offre un écrin idéal à un groupe de true black comme ça. Dès l’arrivée sur scène, les silhouettes encapuchonnées imposent une tension immédiate. Bougies noires, pentacles discrets, riffs sinistres : la cérémonie peut commencer. Les premiers morceaux s’enchaînent dans un déluge de blast beats, de riffs tranchants et de hurlements déments. Le tout porté par une précision clinique, servie par un son étonnamment clair pour ce style et cette scène. La chanteuse guitariste Obscura occupe la scène avec une présence glaciale. Sa voix, grave et possédée, semble invoquer les ténèbres elles-mêmes. Derrière elle, la batteuse enchaîne les rafales avec une rigueur terrifiante, donnant aux morceaux une énergie  guerrière qui évoque parfois les vieux albums d’Immortal avec un aspect occulte renfocé. On assisté là à une messe noire sous les feux rouges et les volutes de fumée, entre fascination et suffocation.
Sans artifice, sans compromis, Asagraum a rappelé que le black metal peut être à la fois furieux, authentique et habité, même en 2025, même sur une scène en plein air au cœur d’un festival géant. Une heure d’intensité pure, qui a laissé la Wasteland couverte de cendres.

A la fin de cette messe noire, au lieu d’aller voir la deuxième partie du concert d’Amon Amarth, on va voir sur la Wackinger un groupe au style proche de ces derniers (les joies du running order intelligent), suédois comme eux : THYRFING ! Eux ne sortent pas un album tous les deux ans. Groupe assez discret mais culte dans la sphère pagan metal, ils viennent défendre "Vanagandr", leur dernier album paru en 2021 après huit longues années de silence. Le public est peu nombreux vu le gros concurrent qui joue en face, mais fervent. Porté par un son massif et une mise en lumière dramatique (torches, brumes, teintes rouge sang), Thyrfing pose une atmosphère aussi sombre qu’épique. Les morceaux sont des incantations, lents, puissants, parfois martiaux, parfois presque contemplatifs, mais toujours portés par une tension émotionnelle palpable. Le chant de Jocke Kristensson est tantôt rugueux, tantôt déclamatoire, presque théâtral, comme un skald hurlant les exploits perdus d’un peuple disparu. Les guitares, épaulées par des nappes de claviers discrètes mais essentielles, tissent des mélodies nordiques qui évoquent à la fois le froid des forêts scandinaves et la fureur des drakkars. Parmi les moments les plus marquants : "Jordafärd", hymne funèbre, et "Storms of the Netherworld", qui embarque la foule dans un headbang collectif quasi hypnotique. 

A la fin du show de Thyrfing, il fait faim et il fait nuit. On aperçoit donc le dernier quart d'heure de la prestation d’Amon Amarth, de loin. Il faut reconnaître que c'est beau avec tous ces pyros et ce light show de folie. Mais on reste sur la Wackinger car sa tête d’affiche arrive avec les Irlandais de PRIMORDIAL. La dernière fois qu'ils étaient venus ici (la seule, d’ailleurs), ils avaient joué en début de journée en 2018 sur une scène de la Bullhead quand celle-ci était encore un chapiteau. Là ils ont donc une belle petite promotion. Même si cette position est aussi un piège car juste avant la fin d'une tête d’affiche des grosses scènes au style relativement proche et au moment de la cérémonie d’annonce des groupes de l’année prochaine avec un magnifique spectacle de drones. Même si c'est dommage de louper ça, la prestation de Primordial valait le coup.
Alan Averill "Nemtheanga" est un frontman exceptionnel. Silhouette imposante, visage blafard et regard de prophète. Avec ses longues tirades entre les morceaux, sa posture tragique et sa gestuelle théâtrale, il est autant orateur antique que chanteur de metal. Tel un barde exalté, il harangue la foule comme s’il l’appelait à reprendre les armes ou à se souvenir de ses morts. Et Primordial, c’est lui ! Musicalement, c’est toujours un mélange unique de black metal atmosphérique, de doom et de folk celtique chargé de rage, de mélancolie avec un chant plein d’emphase. Les titres choisis ce soir proviennent à la fois des albums récents (Exile Amongst the Ruins, How It Ends) et de classiques absolus comme "Empire Falls", "Where Greater Men Have Fallen", ou "The Coffin Ships".

Chaque morceau est une litanie portée par les vents d’Irlande, où les guitares solennelles et les roulements de batterie dessinent les contours d’un paysage de ruines (non pas les lacs du Connemara !) et de batailles perdues. Il ne s’agit pas ici de divertissement : Primordial est une expérience émotionnelle, presque spirituelle. La Wackinger Stage, avec sa taille plus humaine et son ambiance plus intime, s’est révélée être le cadre parfait pour ce concert intense et trippant. Primordial offre là une conclusion grandiose pour cette scène, dont c’était le dernier concert de tout le festival. 

En repartant vers l’espace VIP, on fait un détour par l’Infield pour avoir un aperçu d’Architects qui joue sur la Faster. Sur un malentendu, on pourrait accrocher. Bah j’aime toujours pas ! Mais pour les fans, le concert est génial. Le light show et les pyros sont fabulissimes, le son d’une puissance et d’une clarté impressionnantes. Simplement, je n’aime pas le metalcore. Après, leur présence aussi haut à l’affiche d’un tel festival laisse s'interroger sur l’évolution du metal. Cela montre qu'actuellement, ce sont ces styles de metal moderne qui ont le vent en poupe.

On va donc finir tranquillement en VIP pour débriefer les concerts vus ce jour et les premières annonces de l’année prochaine. Ca laisse aussi le temps de reprendre un peuj de forces pour le dernier concert du festival. 

Pour conclure cette édition 2025 du Wacken Open Air, les organisateurs ont misé sur une affiche aussi improbable que festive : les masqués de HÄMATOM, piliers du metal allemand moderne, épaulés par le rappeur allemand Finch, ex-Finch Asozial, figure désormais incontournable de la scène teutonne déjantée. Autant dire que l’attente était aussi curieuse. Curieusement pour quelqu’un qui n’est pas fan de metal moderne, j’adore Hämatom. Ils mélangent allègrement metalcore, neo metal, indus, heavy, punk, folk, pop et plein d’autres choses, avec un chant en allemand et une bonne dose de kitsch délicieusement germaniques. Comme une pâtisserie allemande, c’est improbable, pas toujours fin, mais c’est délicieux ! Je les avais écoutés un peu par hasard il y a une dizaine d’années parce que je trouvais leur nom rigolo, et j’ai continué à écouter parce que ça m’a vite plu. Et ça a été validé en live quand je me suis pris deux claques en les voyant à Wacken en 2019 puis en 2022. Et donc, j’assume et je le revendique : je suis fan ! Par contre voir une battle avec un groupe de rap allemand, ça me laissait quelque peu dubitatif… Mais il y a encore bien du monde à minuit et demi sur la Harder pour assister à ça. C’est évidemment beaucoup moins international mais nous ne sommes pas non plus les seuls étrangers à y assister.
Dès les premières minutes, le ton est donné : explosions pyrotechniques, lumières agressives, confettis, fumée, le tout enveloppé dans une ambiance de fête industrielle post-apocalyptique. Hämatom débarque armé jusqu’aux dents, avec la puissance scénique qu’on leur connaît. Le public, déjà chauffé à blanc par une journée riche, se laisse emporter sans résistance. Puis arrive Finch, survêt' fluo, micro à la main, sourire carnassier. La rencontre entre son univers mi-rave mi-Proll-rap et le metal groovy de Hämatom pourrait sembler étrange… sauf qu’à Wacken, plus rien n’étonne vraiment après quatre jours de folie. Et surtout : ça fonctionne !
Le groupe pioche dans ses classiques tout en intégrant des morceaux communs retravaillés avec Finch. Ce dernier joue à fond la carte de la provocation bon enfant, n’hésitant pas à lâcher quelques punchlines bien grasses entre deux refrains scandés avec une énergie punk. C’est sûr que ce sont des délires en allemand mais ça ne me dérange pas trop : j’en comprends 90%. Le public suit avec enthousiasme, des circle pits se forment même sur les titres les plus directs. Un grand moment est aussi la reprise de “Looking for freedom” de David Hasselhoff. On sent une réelle complicité entre le groupe et leur invité qui vient pourtant d’un milieu totalement étranger au metal. Hämatom, loin de jouer les figurants, met le paquet pour offrir un final démesuré à un Wacken déjà lessivé mais encore debout. Le concert s’achève sur un feu d’artifice monumental (même si c’est sans comparaison avec celui du Hellfest), accompagné d’un "Es regnet Bier" avec des “da da da da da dad” scandés par 40 000 poings levés. Un final aussi délirant qu’inattendu, fidèle à l’esprit ludique, libre et sans étiquette qui fait de Wacken un festival à part. Ce festival met à la disposition de ses artistes des moyens conséquents pour faire un show mémorable, et Hämatom s’en est emparé. Il appartient aux autres groupes plus prestigieux ou plus true (cf. Rage ou Blind Guardian et quelques autres qui ont livré des concerts ordinaires) dont plus de monde attend des choses d’en faire de même !
Voilà pour ce beau final festif à souhait en mode grande foire à la saucisse. Ainsi se termine le Wacken Open Air 2024, 33e du nom !

Le lendemain, c’est toujours le grand plaisir de remballer les affaires de camping et de repartir fourbus après quatre jours dans un univers parallèle. C’était en tout cas une bonne édition. L’organisation était absolument parfaite, ayant appris des différents problèmes et erreurs passées. La circulation est fluide, le festival est très propre (j’ai rarement vu aussi peu de déchets par terre à un festival, et ça n’a clairement pas toujours été le cas), on n’a jamais l’impression d’une surpopulation… Niveau affiche, ce n’était clairement pas leur meilleure programmation et à un moment, en préparant mon running order, je me suis demandé si je n’allais pas m’ennuyer, entre les groupes vus et revus et ceux dont je ne suis pas fan… Et en fait non : j’ai quand même vu une trentaine de groupes dont la moitié que je voyais pour la première fois. Je n’ai pas non plus eu de longs temps morts. Et quoi qu’on pense des groupes programmés, la qualité des concerts était la plupart du temps exceptionnelle. Donc au final, c’est une belle édition à tous les niveaux : même la météo a été sympa ! Et pour la prochaine édition, le niveau de l’affiche ne se posera pas car avec Gojira en tête d’affiche, les 45 ans de Grave Digger, un concert spécial UFO de Michael Schenker, les 25 ans de Saltatio Mortis, King Diamond… et plein d’autres encore, il y aura du bon !

See you in 2025, rain or shine !!!

Alexis, Estelle, Pierre 

walt
Pierre31

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alexis
Alexis Psycho Killer

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