L'année 2023 aura été riche en émotions musicales. MARILLION y avait déjà fortement contribué avec sa convention biennale de Port-Zeland (Pays-Bas). Et pourtant, leur annonce d'une tournée intitulée "A Tour before it's Christmas" ne pouvait qu'enthousiasmer les admirateurs. Il est des plaisirs dont on ne se lasse pas…
Leur étape parisienne leur permet de revenir, plus de dix années après le vendredi 18 janvier 2013, au Trianon de Paris. Ma p'tite Fée, elle aussi enrôlée dans notre communauté depuis 2013, nous avait procuré nos tickets d'entrée depuis le 9 aout dernier. Depuis, de nombreuses autres émotions ont détourné notre attention, mais ces derniers jours l'impatience grandit ! Le concert est annoncé complet, mon fils a pu in extremis obtenir son ticket et beaucoup de nos amis viennent ; la fête se présente bien !
Nous sommes toujours émerveillés par ce petit théâtre parisien bâti en 1894, au 80 boulevard Rochechouart dans le 18ème arrondissement de Paris, au pied de la butte Montmartre. Complètement restauré en 2009, et rouvert au public en 2010, il est doté d'une capacité théorique de 1 091 spectateurs, qui peuvent se répartir entre la fosse et les deux étages de balcons. Son espace salon est particulièrement apprécié pour les après-concerts.
Avec ma p'tite Fée nous parvenons à nous placer à proximité de la scène, face au pied de micro du chanteur.
IAMTHEMORNING [19h00-19h30]. https://kscopemusic.com/artists/iamthemorning/
Je suis ravi de retrouver ce duo, russe mais anglophone, qui tente depuis 2010 d'emmener son auditeur dans ses volutes harmoniques de ce que certains osent nommer "prog de chambre". Leur musique douce, voire éthérée, m'a séduit une première fois le vendredi 1er juillet 2016, lors du Be Prog, My Friend Festival à Barcelone. Les deux fois suivantes (Convention Marillion de 2017) m'ont confirmé leur talent, impressionné par les accords virevoltant du pianiste virtuose Gleb Kolyadin, mais aussi par la voix fluette et enivrante de la chanteuse Marjana Semkina.
Un quatrième album "The Bell" est paru le 2 août 2019. Bien que sincèrement séduit par leurs concerts, je n'ai acheté aucun de leurs quatre albums, excepté celui en solo de son clavier, paru le 1er septembre 2018 et que j'écoute occasionnellement avec plaisir.
Le décor pour le duo est sobre ; à gauche pour le public, le piano électrique de Gleb Kolyadin fait face à Marjana Semkina dont le pied de micro est garni de torsades de feuilles de fougères et de fleurs. Toute la superficie du fond de scène montre une illustration évocatrice du groupe ; un piano enveloppé de vagues sous une voute étoilée. La sonorisation fut parfaitement équilibrée pour percevoir le frêle timbre de la chanteuse accompagné des sonorités classiques du piano.
Comme pour rassurer son auditoire et coller à l'actualité, Marjana ponctue la fin du premier titre par un message visant à préciser que leur identité russe ne les assimile pas à leur gouvernement. Je ne suis pas sûr d'avoir tout compris, mais il semble qu'elle soit soulagée de demeurer en Angleterre ce qui leur évite la prison (sous réserve de ma traduction).
Je retrouve avec bonheur mes sensations antérieures en assistant à leur prestation. Certes, l'attitude très juvénile de Marjana peut agacer les plus endurcis. Mais c'est son personnage, et elle joue cette carte à fond avec conviction et légèreté. Pieds nus, et drapée de noir, elle confesse elle-même abuser de sujets morbides. Mais cet aspect gothique n'est pas pour me déplaire. Toutefois, pour le seul titre un peu plus guilleret du répertoire, elle parvient avec charisme à se faire accompagner du public, qui est invité à battre des mains à son rythme. Et puis, elle n'est pas laide ce qui ne gâche rien. Cependant, comme d'habitude en ce qui me concerne, c'est le pupitre de Gleb qui me sidère toujours autant. Modeste, il laisse Marjana s'exprimer et pourtant son seul talent pourrait me suffire.
Le public leur accorde de belles ovations admiratives, sans excès mais suffisamment sincères pour satisfaire le couple qui quitte la scène avec le sourire.
MARILLION [20h20-22h20] https://www.marillion.com/
Les disciples de MARILLION contribuent tout particulièrement aux ambiances réussies de leurs concerts. Ce soir encore personne ne ressort insensible de cette messe émouvante en tous points.
Il convient de préciser que les fidèles se trouvent autant sur la scène que dans son auditoire. MARILLION, qui a débuté à Aylesbury, Royaume-Uni, brille en effet par sa stabilité ; Steve Rothery (guitares depuis 1979), Pete Trewavas (basse, depuis 1981), Mark Kelly (claviers, depuis 1981), Ian Mosley (batterie, depuis 1984) et Steve Hogarth (chant, depuis 1989). Notons que le percussionniste Luis Jardim semble s'installer durablement au sein du groupe sur scène. Quant aux auditeurs, il suffit de les entendre chanter les paroles pour comprendre leur ardeur à suivre ce groupe britannique si attachant.
Leur vingtième album "An Hour Before It's Dark" est paru le 4 mars 2022 ; il avait déjà justifié une tournée l'an dernier, dont un concert au Zénith le dimanche 23 octobre 2022.
Comme pour leur concert du samedi 10 décembre 2016 à l'Elysée Montmartre, celui-ci débute par la diffusion sur l'écran du visage tourmenté de Steve H, prélude à l'interprétation de "The Invisible Man". L'enchainement avec "Easter" nous a convaincu d'un excellent concert en cours !... Le public participe, chante à gorge déployée, … l'émotion est là !
La sonorisation s'avère rapidement parfaitement équilibrée, dans ce théâtre dont l'acoustique est excellente. A cet effet, notons que la batterie d'Ian Mosley placée au fond mais sur la gauche pour le public, demeure protégée d'une cage transparente, ce qui atténue l'impact de ses frappes sur les auditeurs des premiers rangs ! J'ai tout particulièrement apprécié de pouvoir ainsi distinguer clairement les accords de basse de Pete durant toute la prestation ! Cette notion d'équilibre est également entretenue par un éclairage bien étudié pour soutenir les atmosphères des chansons. Des tubes fluorescents et multicolores sont plantés à plusieurs endroits de la scène, délivrant ainsi des lumières indirectes du plus bel effet. Le large écran de fond de scène contribue aussi par ses illustrations à entretenir un sentiment d'immersion.
Ce soir constitue leur deuxième date de la mini-tournée. Les musiciens nous semblent heureux, détendus et au meilleur de leur forme artistique.
A l'instar de la voix de Steve Hogarth qui n'a jamais fait défaut. Il s'investit corps et âme dans chacune des chansons avec l'éloquence des meilleurs comédiens, accoutré de plusieurs costumes au cours de la soirée. Son charisme puissant accapare souvent l'attention de l'auditoire. Sa sensibilité habituelle fut encore davantage ressentie et partagée lorsqu'il rendit hommage à ce huitième triste anniversaire de l'attaque terroriste du Bataclan que constitue malheureusement ce 13 novembre ; j'ai nettement distingué les larmes dans ses yeux lors de cette évocation.
La guitare de Steve Rothery demeure une source d'émerveillement pour tous les mélomanes. Là aussi, on peut parler de grande délicatesse exprimée dans les accords si subtilement posés dans un tourbillon d'harmonies enivrantes. Son faciès "so british", laisse toutefois transparaitre ses émotions notamment comme pour accentuer l'intensité de ses notes, ou encore pour esquisser un sourire complice et amusé lorsque Mark Kelly derrière lui se trompe sur sa partition (une fois ce soir).
J'ignore si la modestie de Pete Trewavas qu'il affiche est réelle, mais son talent n'en est que plus admirable. Ses interventions, au sein de MARILLION mais aussi au sein de TRANSATLANTIC sont empreintes d'un subtil mélange de finesse et de puissance à la basse, et de justesse aux chœurs. Cette fois un peu éloigné de son pupitre, je n'ai cependant pas manqué de poser mon regard sur son jeu.
De son socle surélevé, Mark Kelly délivre discrètement mais efficacement toute l'étoffe mélodique requise. Juste un petit bémol d'admiration ; à mon humble avis, compte tenu du matériel dont il dispose, j'estime qu'il s'honorerait de remplacer quelques-unes des bandes sons préenregistrées par ses propres interventions. Souvent souriant, et réceptif, il m'a parfois semblé qu'il recherchait dans nos regards admiratifs de quoi entretenir son entrain.
Placé en bordure de scène et entouré de ses plaques transparentes, Ian Mosley se distingue davantage qu'il ne se voit. Son style de frappe est raffiné et nuancé ; juste ce qui est requis pour MARILLION. Il est désormais soutenu par les nombreuses interventions de Lewis Jardine, placé au centre du fond de scène, dont les percussions contribuent à enrichir encore la rythmique déjà puissamment exprimée par Pete et Ian.
L'ensemble de ses talents réunis aura procuré à l'auditoire sa dose de bonheur qu'il était venu chercher en ces temps agités. Les deux Steve furent éblouissants dans leurs interprétations, et plus globalement le groupe retransmet avec précision et efficacité toutes les émotions intrinsèques aux compositions.
L'opus "An Hour Before It’s Dark" rend décidément aussi bien sur disque qu'en concert. Pourtant, les bandes sons préenregistrées m'agacent toujours, malgré tout ce qui pourrait en justifier l'usage. Lorsque je regarde le taux d'occupation de Mark Kelly, sur ce passage (ainsi que sur le magnifique "The Crow and the Nightingale"), je me dis qu'une nappe aux sonorités "chœur" serait la bienvenue. Mais bon, je peux paraitre sans doute trop vieille école ; un musicien pour un instrument, tout ça… Mais, j'estime que mon opinion ne vaut pas moins qu'une autre, alors j'assume.
L'interprétation de titres rarement joués à Paris ne pouvait que nous satisfaire ; "Lucky Man" (depuis 2013 ?) "Beyond You" (depuis 2019 ?) et "Quartz" (depuis 2011 ?) ou encore le magnifique "Splintering Heart" (depuis 2007 ?). Tous les titres m'ont ravi, mais "Neverland" en rappel fut un sommet !
Le public, exalté par ce programme magnifique n'aura pas été parfaitement récompensé puisque le concert est hélas écouté de trois titres, par rapport à la veille. Nous aurons été privés de "Living in F E A R" "Hotel Hobbies" et "Slàinte Mhath", exclus soit disant pour ne pas déranger le voisinage … Mais sacré bon sang, sachant qu'il y aurait une heure butoir, pourquoi ne pas avoir débuté la soirée plus tôt ? Je ne prétends pas avoir de grandes compétences en matière d'organisation de concerts, m'enfin faut pas être un grand stratège pour prévoir cela !! Très frustrant en tous cas, même si le surlendemain (15) à Utrecht (PB) ce fut la même pénalité.
Disposant d'une discographie aussi fabuleuse, le choix d'une programmation peut être frustrant pour une partie de l'auditoire. Sur leurs vingt opus, sept ont donc été sélectionnés. Parmi douze titres, trois sont issus de An Hour Before It’s Dark, 2022, deux de Afraid of Sunlight, 1995, deux de Marbles, 2004, deux de Sounds that Can't Be Made, 2012, un de Anoraknophobia, 2001, un de Holidays in Eden, 1991, et un de Seasons End, 1989.
PROGRAMME
1. The Invisible Man (Marbles, 2004)
2. Easter (Seasons End, 1989)
3. Reprogram the Gene (I) Invincible (An Hour Before It’s Dark, 2022)
Reprogram the Gene (II) Trouble-Free Life
Reprogram the Gene (III) A Cure for Us?
4. Lucky Man (Sounds that Can't Be Made, 2012)
5. Beyond You (Afraid of Sunlight, 1995)
6. Sounds That Can't Be Made (Sounds that Can't Be Made, 2012)
7. Quartz (Anoraknophobia, 2001)
8. The Crow and the Nightingale (An Hour Before It’s Dark, 2022)
9. Care (I) Maintenance Drugs (An Hour Before It’s Dark, 2022)
Care (II) An Hour Before It's Dark
Care (III) Every Cell
Care (IV) Angels on Earth.
RAPPEL :
10. Splintering Heart (Holidays in Eden, 1991)
11. Neverland (Marbles, 2004).
RAPPEL 2 :
12. King (Afraid of Sunlight, 1995).
Mon dix-neuvième concert de MARILLION entretient ainsi mon admiration et mon impatience d'assister à d'autres prestations. On pense déjà à la prochaine Convention en 2025. Gageons que d'ici là il y aura d'autres occasion de les revoir… Et pourquoi pas le prochain et ultime Loreley !? A ce jour, le programme laisse encore des options, même si le Steve Rothery Band y figure déjà…
PATRICE DU HOUBLON Plus d'infos à propos de l'auteur ici |
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