Cette série d’interviews met en lumière des personnes exerçant une activité en rapport avec le milieu musical. Cet épisode est consacré à Guillaume Bernard, connu pour être le guitariste de KLONE, mais aussi responsable du label KLONOSPHERE.
Nom : Bernard
Prénom : Guillaume
Tu es principalement connu en tant que guitariste de KLONE mais tu as aussi un rôle au sein de Klonosphère. Quelle est l’histoire de ce label et quelles sont tes activités ?
Tout a commencé en 2001 avec l’organisation de concerts, un peu de booking et d’aide à la promotion. Vers 2009, on a commencé à développer des deals pour la distribution de musique aux formats physique et numérique. Klonosphère n’est pas vraiment un label car on ne produit pas de disques mais davantage une structure dédiée au développement de projets. Aujourd’hui, je m’occupe d’une dizaine de groupes par an avec l’aide de Patricia Agaoua. Cela consiste à gérer leur promotion, les aspects relationnels et artistiques et il peut aussi m’arriver de prodiguer quelques conseils par rapport à mon expérience en tant que musicien.
Comment est venue l’idée de créer ce label ?
Au commencement, nous étions quelques groupes réunis au sein d’un collectif artistique et plusieurs autres souhaitaient nous rejoindre. Lorsque j’ai pris conscience que les activités que je réalisais au sein du collectif intéressaient d’autres groupes, j’ai réfléchi au moyen de proposer une formule qui leur permettrait de se développer et de les aider dans leurs recherches de label. C’est arrivé par hasard car je n’avais pas le projet de monter un label.
As-tu suivi une formation spécifique ?
Non, je ne suis pas diplômé d’une école de communication ou autre. J’ai tout appris sur le tas, petit à petit, à force de m’occuper des affaires de mon groupe et aux contacts des gens qui nous entourent et que je côtoie.
Combien de groupes sont sur le label et quels sont leurs profils ?
Depuis l’origine, cela doit représenter une centaine de projets sur lesquels nous avons travaillé. Le panel musical est assez large puisque nous avons eu des groupes de Rock, de Metal y compris extrême et parfois Pop. Peu importe l’étiquette si le projet nous plaît et si nous sentons les groupes motivés et professionnels dans leur démarche. Mais il faut aussi qu’il y ait une affinité sur le plan humain, c’est indispensable. Je suis vigilant sur ce point car cela peut vite devenir une source d’embrouilles et tout le monde sortirait déçu de cette collaboration. Mieux vaut aussi éviter de travailler avec un groupe trop lunaire qui pense devenir le prochain METALLICA en un album.
Comment se traduit l’accompagnement des groupes ?
De plusieurs manières. Cela peut être un accompagnement pour financer leur projet via la plateforme Ulule. Une campagne de crowdfunding va permettre au groupe de fabriquer ses disques, d’en être propriétaire et de gagner plus d’argent qu’un contrat de licence avec un label. Je ne fais pas de licence car il faut avoir les reins solides financièrement mais nous proposons une offre qui combine la promotion et la distribution. Notre structure permet aux groupes d’avoir de la com’ en France, à l’étranger mais aussi d’avoir leur musique distribuée et référencée correctement.
Beaucoup pensent que c’est plus rentable d’être signé par un label mais mieux vaut être autoproduit la plupart du temps. Certes, cela peut te décharger d’un certain travail mais si tu arrives à le faire toi-même, tu peux t’y retrouver facilement. Un label te verse une avance d’argent sur les futures ventes d’albums qu’il faut ensuite rembourser. C’est normal de s’endetter quand tu lances un projet mais il faut savoir que nous gagnons seulement 1€ par cd vendu. Comme nous ne sommes pas propriétaires de nos disques avec KLONE, le label nous les vend 8€ l’unité. Quand j’en achète 100, ça me coûte aussi cher qu’un pressage de 1000 disques. Alors que si tu as ton propre stock de disques que tu vends lors des concerts, tu récupères 15€ à chaque vente de cd. Peu de gens savent comment cela fonctionne, c’est pourquoi je conseille toujours aux groupes de s’autogérer sur les premiers disques afin d’engranger de l’expérience et comprendre les rouages du système.
Effectivement, de nombreux groupes publient leurs albums en indépendant par choix ou par défaut. Alors en quoi un label est indispensable dans la carrière d’un groupe ?
Un label est intéressant à partir du moment où il investit beaucoup d’argent sur un projet pour le faire grandir. Des sommes que tu ne peux pas te permettre d’investir lorsque tu sors ton disque en indépendant et qui sont nécessaires pour financer les coûts liés à l’enregistrement du disque, le pressage, la pochette, le merchandising, la promotion, une vidéo et d’autres dépenses annexes. C’est compliqué si tu n’as pas le fonds de roulement nécessaire pour financer tous ces postes. Si je prends l’exemple de Kscope (ndr : label anglais de KLONE depuis l’album « Le Grand Voyage »), ils nous ont permis de franchir une étape en nous apportant une avance de trésorerie et des moyens que nous ne pouvions pas nous permettre. A terme, mon idéal est de pouvoir gérer en solo et de capitaliser sur ce qui a été fait. C’est mieux de gérer nous-mêmes l’argent qui est généré et de pouvoir décider d’investir dans ce que nous voulons.
Quels conseils donnerais-tu à un jeune groupe en quête d’un label ?
Je conseille toujours de ne pas hésiter à démarcher des labels même si c’est voué à l’échec. Il faut qu’un jeune groupe insiste et montre qu’il existe, se fasse connaître des labels et les invite à venir à des concerts. A la longue, c’est un travail qui finit par porter ses fruits. C’est ce qui s’est produit avec KLONE lorsque nous avons signé une licence avec Season Of Mist en 2008 pour l’album « All Seeing Eye ». Michael Berberian, le responsable du label, s’est intéressé à nous parce qu’il n’arrêtait pas d’entendre circuler le nom du groupe. Ils nous ont aidé à un stade de notre carrière comme d’autres labels ensuite même si je critique le mode de fonctionnement du système.
Je dis toujours aux groupes de ne pas hésiter à démarcher des labels ou des tourneurs. Cette première prise de contact, même si elle se solde par un refus, n’est que le début d’autre chose. Les portes fermées finissent par s’ouvrir à force de persévérance. Il faut y croire, beaucoup travailler, faire ses preuves et avoir un tempérament de guerrier.
KLONE est signé sur le label Kscope mais figure aussi sur Klonosphère. Comment se répartissent les rôles ?
Je gère toute la communication autour du groupe sur la France car je connais tous les circuits, il n’était donc pas nécessaire de faire appel à quelqu’un d’externe. En revanche, la communication à l’étranger reste du ressort des attachés de presse de Kscope.
En quoi ton vécu avec KLONE avec un autre label influence ta manière d’accompagner les groupes de Klonosphère ?
J’ai travaillé quelques fois pour des labels étrangers qui m’ont demandé de faire la promotion de leurs groupes en France. Les échanges que j’ai eus, dans ce cadre, avec des attachés de presse m’ont aidé dans l’organisation de mon activité ou d’évènements avec tel ou tel media. Mais je ne travaille pas différemment que les autres attachés de presse que je connais.
Mon vécu avec KLONE est globalement satisfaisant. Il y a toujours des raisons pour expliquer l’absence de résultat escompté sur un pays. En fait, je n’attends tellement rien que je suis toujours très satisfait de ce qui arrive. J’avais beaucoup d’attente aux débuts notamment après avoir été signé sur un label pour la première fois et je me suis rendu compte que les résultats ne sont pas toujours là. Si ça marche tant mieux sinon tant pis. Quand tu débutes, tu t’imagines qu’un papier dans Rock & Folk ou les Inrocks va te permettre de faire un bond en avant alors que ça ne change rien.
Le vinyle est revenu en force ces dernières années. Comment se répartissent les ventes entre les différents supports numériques et physiques pour les artistes du label ?
C’est très aléatoire. Les ventes physiques peuvent représenter 500, 700 voire 1000 disques pour un groupe autoproduit qui parvient à faire 15-20 dates par an, ce qui est un bon chiffre pour une première réalisation. Par rapport au numérique, tout dépend du style de musique mais il y a de bonnes surprises comme PATRÓN, le nouveau projet de Lo du groupe LOADING DATA. L’album est sorti en plein confinement sans aucune date de concert mais on a réussi à le placer sur de grosses playlists en France et à l’étranger ce qui a permis de toucher 400 000 auditeurs potentiels. Toutes les écoutes lui ont permis de constituer une fan base importante dès le premier album. Mais il arrive qu’un projet soit mal accueilli, ça ne prend pas sans savoir pourquoi alors que la musique est excellente.
Pour continuer, je te propose de répondre à un questionnaire de Proust revisité afin d’apprendre à te connaître.
Quelle expérience a été la plus enrichissante au sens propre et figuré ?
Toutes les expériences acquises grâce à mon côté « Do It Yourself » car je ne connaissais rien du milieu musical. En plus d’être musicien et compositeur, j’ai touché à toutes les branches d’activités que ce soit l’organisation de concerts, le travail de booking, la recherche de financements pour la réalisation d’un disque, l’enregistrement en studio, ou la distribution et la promotion d’un album. Toutes les activités que j’ai fait par défaut, parce qu’il fallait bien que quelqu’un le fasse, me permettent, si je veux sortir un disque plus tard, de pouvoir le faire sans dépendre de quiconque. Je suis très content de pouvoir être indépendant par rapport à tous ces aspects.
Quand et comment es-tu tombé dans la marmite du Metal ?
Je devais avoir 11 ou 12 ans. Mon père n’écoutait pas de hard rock mais il avait tout de même des vinyles de TRUST, DEEP PURPLE et THE WHO. Chaque année, j’allais aussi avec mes parents à une fête du parti communiste qui se tenait à Châtellerault. Il y avait plusieurs scènes, une principale sur laquelle se produisaient des artistes très variétés et, à côté, une petite scène sur laquelle j’ai découvert des groupes de brutal death. Ce monde que je découvrais m’a fasciné.
Au même âge, j’ai découvert AC/DC, METALLICA, NIRVANA, IRON MAIDEN, SCORPIONS ou RATM qui passaient sur les grosses radios type NRJ ou FUN et dont les clips étaient diffusés sur M6. Vers 12-13 ans, j’ai acheté mes deux premiers disques : « Bleach » de NIRVANA et « Rust In Peace » de MEGADETH.
J’étais très curieux alors je me suis à fouiller dans tous les styles de Rock et de Metal, j’ai écouté tout ce que j’ai pu. Aujourd’hui encore, je vais écouter un nouveau disque d’un groupe que je n’aime pas juste pas curiosité et me tenir au courant. Je découvre aussi de nouveaux noms grâce aux propositions de groupes que je reçois comme HAMASAARI qui joue avec nous ce soir (ndr : interview réalisée le 15 avril avant le concert de HAMASAARI et KLONE à l’Empreinte -77-)
Quel a été ton premier concert ?
J’avais 8-9 ans lorsque mes parents m’ont emmené voir Bernard Lavilliers à Tours. Je me souviens que je ne voyais rien alors une personne m’a fait passer par-dessus la barrière pour m’installer sur une caisse près de la table de mixage. Ma mère voulait que Bernard Lavilliers me fasse une bise, on est resté un moment après le concert mais il n’est jamais venu (rires). Vers 16 ans, j’ai vu LOFOFORA à Poitiers sur la tournée de l’album « Peuh ! » et MACHINE HEAD / ENTOMBED à Nantes sur la tournée « The More Things Change ». Ces concerts m’ont vraiment marqué.
Les groupes que tu préfères ?
J’ai envie de te répondre Devin Townsend parce qu’on vient de tourner avec lui pendant un mois et que je n’arrête pas de l’écouter (rires). Ça dépend surtout de mes envies et, en ce moment, j’écoute Ihsahn, le nouveau METALLICA, Frank Zappa, SUICIDAL TENDENCIES, CORONER et RADIOHEAD par exemple.
Ta pochette d’album préférée ?
Ce sont plutôt les pochettes des vinyles de mon père qui m’ont marqué comme celles de PINK FLOYD qui faisaient travailler l’imaginaire ou bien « Who’s next » de THE WHO. Il y a eu aussi celles d’IRON MAIDEN car, enfant, leur univers m’intriguait et j’étais impressionné par les visuels qui étaient sur les t-shirts du groupe.
Dans la rubrique Meet and Greet, cite une rencontre qui t’a marqué et pourquoi ?
Steven Wilson au Koslow à Bordeaux. Je suis allé le voir après le concert pour lui remettre le premier album de KLONE. Je ne sais pas trop ce que j’espérais mais je me souviens qu’il a été très froid et qu’il m’a envoyé bouler très poliment, à l’anglaise (rires).
Pour en revenir à Devin Townsend, j’aurais été impressionné si on avait tourné avec lui à l’époque où je l’écoutais en boucle car j’ai toujours été fan, et ce, depuis l’époque de STRAPPING YOUNG LAD. Mais c’est un gars très gentil, avenant et tu ne te sens pas inférieur à lui. Contrairement à mon expérience avec Steven Wilson (rires).
Une rencontre que tu aimerais faire et pourquoi ?
Je ne suis pas trop dans le trip fan même si je serai content de jouer avec un groupe que j’apprécie. Mais là, je n’ai pas de noms précis en tête.
Bernard Lavilliers peut-être (rires) ?
(rires) Non même si j’aime bien ce qu’il a fait dans les années 70. J’aimerai bien rencontrer les mecs de RADIOHEAD pour échanger sur leur méthode de travail et la façon dont ils se sont détachés de l’industrie musicale.
Au rayon souvenirs, cite un grand moment de satisfaction ?
Le moment où, avec KLONE, j’ai senti que nous avions un public à Paris. C’était à la Boule Noire pour la tournée « Black Days » en 2010. J’ai des souvenirs de débuts compliqués à l’espace Curial (ndr : le 27 octobre 2005) face à une rangée de dix personnes dont quatre potes. Là tu te dis que tu n’es vraiment pas grand-chose (rires).
Beaucoup de personnes ont commencé à s’intéresser au groupe avec notre reprise de Björk, « Army Of Me », qui est sur « Black Days ». Je me suis dit que tout le travail que nous avions fait jusque-là commençait à payer.
Un grand moment de solitude ?
Le concert à l’espace Curial que je viens d’évoquer et tous les concerts où tu te tapes 800 bornes pour jouer devant 2 pelés et 3 tondus. Tu as tout le temps du trajet pour te poser des questions existentielles du genre ‘Qu’est-ce que je fais là ? Pourquoi je fais ça ?’. Heureusement, il y a longtemps que cela ne nous est pas arrivé (rires).
Rayon ménagerie. Le milieu Metal aime bien les dragons, les phénix et les bestioles couvertes d’écailles mais comme animal de compagnie, es-tu plutôt chat ou chien ?
Chien évidemment (rires). J’ai une chienne qui s’appelle Lula.
Le Metal c’est vital mais as-tu une passion ou un passe-temps favori ?
Je fais de longues promenades avec mon chien (rires). Sinon, j’aime bien regarder des documentaires ou des conférences sur l’astronomie.
Es-tu plutôt du genre à avoir des remords ou des regrets ?
Ni l’un, ni l’autre. Si, des remords quand même lorsque j’ai joué au con.
Ce que tu détestes par-dessus tout ?
L’administration au sens large.
Le mot ou la phrase que tu emploies souvent / ou une devise en particulier ?
Je dis souvent que je vais sauver la planète en ne prenant pas de douche même si je pue (rires).
Es-tu plutôt « c’était mieux avant » ou « le meilleur est à venir » ?
C’était mieux avant sans hésitation.
Quels sont tes espoirs pour les mois à venir ?
J’ai surtout envie de rentrer à la maison me ressourcer après un mois passé sur la route. J’habite à la campagne où je vois assez peu de gens. Je suis donc bien content de retourner chez moi car je croise sans cesse du monde en tournée, d’autant plus que je m’occupe du merchandising chaque soir. J’aime énormément cela mais ça demande beaucoup d’énergie alors j’aspire juste à prendre un peu de repos.
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