Il est de notoriété publique que nombre de musiciens, parfois piqués au vif par des propos journalistiques faisant passer la gifle pour une démonstration de tendresse, lancent à qui veut l’entendre que les chroniqueurs sont des artistes ratés.
La frustration engendrée par la réussite de leurs pairs serait à l’origine de certains mots assassins. Le mythe de l’ange déchu revisité… Force est de mettre au crédit des premiers que chroniquer un album a toujours été plus confortable que d’en faire un. C'est sur la base de ce constat que je m'empare fébrilement de ce High n' Dry sévèrement burné. Vintage mais pas dépassé, cet album mérite bien mieux que le fond de tiroir dans lequel il est systématiquement relégué. Pour avoir fait partie de la génération de fans ayant soutenu à bout de bras les formations issues de cette mouvance salvatrice que fût la NWOBHM, je me trouve en position de pouvoir affirmer la proéminence musicale de cette galette au sein de la fournée estampillée early 80's. A l'amorce de cet article, j'étais persuadé de ne pas avoir à déshabiller Paul pour habiller Jacques (ou éviter un travail de sape entre le Lep’ d’hier et celui d’aujourd’hui). La noblesse de la démarche me semblait pourtant séduisante avant... Avant ?... Mais avant, quoi ?... Avant de me faire cramer les pavillons auditifs par ce brûlot inextinguible. Plus de 25 ans après sa sortie, on mesure à son écoute combien le groupe à perdu une bonne partie de ses attributs entre 1981 et 1987 et ne les a depuis jamais retrouvés. Let It Goet son riff meurtrier ne cèdent que sous les coups de boutoir d'un Another Hit And Runterrifiant d'efficacité. La voix de Joe Eliott éventre tout sur son passage, s'offrant le luxe de chasser sur les terres de sa seigneurie Brian Johnson, et le refrain scandé par le quintet de Sheffield vous aspire littéralement la cervelle à la paille. Le son est à la fois massif et aiguisé comme une lame de couteau (merci Robert "Mutt" Lange). Un Bringin' On The Heartbreak somptueux ouvre la voie à Switch 625, instrumental au titre mystérieux débouchant sur des chœurs angéliques et une mélodie sublime. Ce qui fût la face B du vinyle ne connaît elle non plus aucune baisse de régime. Entre un You Got Me Runnin' irrésistible et le bourre-pif final qu'est No, No, No, Heavy Rock déjanté dont la sauvagerie a dû faire pisser dans leur froc plus d'un Punk de l'époque, point de salut. Les félins avaient faim. Ils en voulaient et cela s'entend. C'est donc la larme à l'œil que je repose ce florilège d'hymnes ravageurs car ce DEF LEPPARD là, Mesdames, Messieurs, fait place aujourd'hui à cinq musiciens dont la contribution musicale se doit d'évoquer le respect (ils ont carrément inventé un style ! Ce disque en est la genèse) mais, souhaitons que cela ne soit pas immuable, dont la créativité est malheureusement en berne. A qui la faute ?... A un Steve Clarkparti (trop tôt) pour cause de mal-être inexprimé ? A un bras laissé par Rick Allen dans une Corvette un jour de janvier 1985 ? A un Pete Willis resté embourbé au fin fond d'une bouteille d'alcool ? Il y a certainement une part de vérité dans tout cela. Une de ces vérités qui vous colle deux grosses boules de pétanque dans le gosier et vous essore le cœur jusqu'à la dernière goutte de sang. Une de ces vérités qui mêle douleur et clairvoyance, vous faisant réaliser que certains moments du passé qui ne pourront plus jamais être retrouvés doivent être choyés comme de véritables trésors....
Post-scriptum : deux titres ne faisant pas partie de l'édition originale ont été rajoutés après coup sur le CD. Me & My Wine (remix), inédit de piètre qualité, et Bringin' On The Heartbreak (remix) qui n'apporte vraiment rien (trois notes de keyboard inutiles et faméliques) à un morceau déjà parfait à l'origine. Ces deux greffons font donc figure de tache sur une œuvre immaculée.
Highlights : Another Hit And Run, Mirror Mirror (Look Into My Eyes ), No No No
Tracklist : 01. Let It Go 02. Another Hit And Run 03. High 'n' Dry (Saturday Night) 04. Bringin' On The Heartbreak 05. Switch 625 06. You Got Me Runnin' 07. Lady Strange 08. On Through The Night 09. Mirror Mirror (Look Into My Eyes) 10. No, No, No
Line Up : Joe Elliott (chant) Pete Willis (guitare) Steve Clark (guitare) Rick Savage (basse) Rick Allen (batterie)
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