Dans le milieu des années 1990, alors que le death metal semblait amorcer son déclin, le label Earache surprenait son monde en incorporant dans son écurie At the Gates, fraîchement démissionnaire de Peaceville après deux albums ("The red in the sky is ours" et "With fear, I kiss the burning darkness" respectivement en 1992 et 1993) et un mini LP, "Terminal spirit disease" en 1994.
Ce dernier amorçait déjà un virage beaucoup plus technique et mélodique. En cela aidé par l'inévitable producteur suédois de l'époque, Fredrik Nordström, le groupe accouchait d'un recueil de titres aussi percutants et accrocheurs les uns que les autres « Slaughter of the soul », qui reste toujours une référence dans le genre. Les suédois avaient réussi à épurer leurs morceaux et réussissaient l'exploit de proposer des structures basées autours de riffs simples mais diablement précis et rapides, au profit de tessitures aisément mémorisables que certains se risquaient même à chantonner sous la douche. Cette patte mélodique allait d'ailleurs faire école à l'époque auprès des voisins de Göteborg (Dark Tranquillity et autres In Flames).
Mais malgré le succès rencontré par la galette, le groupe allait se séparer en 1996 et les différents musicos intègreraient divers autres projets musicaux. Malgré une temporaire reformation courant 2008 pour la participation à des festivals, il n’était plus question alors d’envisager de nouvel album…Et pourtant, après de nouvelles apparitions en festivals entre 2011 et 2013 (dont un passage à Clisson), le groupe surprendrait tout le petit monde du death metal en annonçant la sortie de « At war with reality » en 2014, chez Century Media Records. Ce retour fut…gagnant ! A l’instar d’un Carcass dans un style moins mélodique (parution d’un splendide « Surgical steel » en 1993 après un break de 17 ans), les suédois réussissaient l’exploit de mettre tout le monde d’accord avec un LP splendide et inspiré, comme si les presque 20 années le séparant de son prédécesseur s’étaient évaporées…
En 2018 At The Gates publia « To drink from the night itself » confirmant alors une créativité toujours présente dans un style que d’aucuns s’étaient mis à qualifier d’un néologisme parlant : mélodeath ! L’effet de surprise était quand même passé, et quelques critiques tombaient çà et là sur un possible essoufflement à moyen terme. En 2021, est-ce que le groupe de Tomas Lindberg a encore des choses à dire ?
Soyons franc ! Avec ce 7ème LP studio intitulé « The nightmare of being » (toujours chez Century Media), At The Gates recadre les critiques ébauchées après leur précédent album. Que ce soit avec les singles comme « The abstract enthroned » ou « Spectre of extinction » à la brutalité mélodique nettement plus léchée, ou dans les tentatives d’ouvrir leur musique vers des contrées parfois prog-metal (« The fall of time » et son intro heroic-fantasy avant l’apparition d’une abasourdissante rythmique pulsatile et des soli de grattes que ne renierait pas Dream Theater), voire post-metal surprenante comme sur « Cosmic pessimism » dans un style à la légèreté absolument miraculeuse, s’éloignant du style death pour entrer dans une sorte de post-death (ou appelez-le comme vous le voulez) diablement séduisant (au moins pour qui accepte les incartades vers d’autres horizons musicaux). Parallèlement, le disque est empreint d’une mélancolie voire d’un désespoir omniprésent, que le chanteur et leadeur explique bien dans les quelques interviews promotionnelles qu’il a pu donner (conceptualisation philosophique de la notion de créativité artistique pour inconsciemment tenter d’échapper à notre condition humaine mortelle ["The nightmare of (human)being"]).
Homogène dans sa structure et magnifiquement produite (Jens Bogren [Opeth, Amon Amarth] aux studios Gröndahl à Arsta, Suède) cette magnifique livraison d’At The Gates permettra-elle au groupe d’élargir son auditoire y compris (peut-être) aux adeptes d’un rock plus léger voire académique ? Espérons-le car les mélodies et la structure des compositions qui la façonnent sont généreusement et intelligemment tournées vers l’ouverture, sans pour autant renier une base death- metal omniprésente. Pour moi un des albums de l’année, ni plus ni moins !
Tracklist :
Spectre of extinction
The paradox
The nightmare of being
Garden of cyrus
Touched by the white hands of death
The fall into time
Cult of salvation
The abstract enthroned
Cosmic pessimism
Eternal winter of reason
Line Up :
Tomas Lindberg – chant
Jonas Björler – basse
Adrian Erlandsson – batterie
Martin Larsson – guitare
Jonas Stålhammar – guitare
Label : Century Media Records
Sortie : 02/07/2021
Discographie :
The Red in the Sky Is Ours (1992)
With Fear I Kiss the Burning Darkness (1993)
Terminal Spirit Disease (1994)
Slaughter of the Soul (1995)
At War with Reality (2014)
To Drink from the Night Itself (2018)
The Nightmare of Being (2021)
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