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Depuis l'annonce de ce concert, j'ai été dubitatif à l'idée de m'y rendre.

Comme tout passionné de rock progressif je possède dans ma discothèque "In The Court Of The Crimson King", un superbe album communément reconnu comme fondateur du rock progressif. Cependant, je savais que le reste de la discographie est … difficile d'accès et de fait je n'ai jamais su prendre le temps de m'y pencher davantage. Mais cet opus reste un de mes favoris ; je l'écoute souvent.

Mon hésitation à acheter le ticket était encore alimentée par le journaliste Eric Delhaye qui a publié le 19/09/2015 un article qui débutait ainsi : "Le groupe est culte, tout en cumulant les handicaps : on peut ne rien comprendre à sa musique ; son personnel change constamment ; toute logique commerciale lui est étrangère ; et l'un de ses batteurs qualifia son leader de croisement entre Staline, Gandhi et le marquis de Sade. Mais le groupe demeure culte, au point de remplir trois Olympia, alors qu'il n'a pas sorti le moindre album studio depuis douze ans".

Mais par un concours de circonstances, poussé par des pressions amicales et bienveillantes, j'ai pu obtenir deux tickets (mieux vaut être accompagné dans ce genre d'aventure) pour être placé en mezzanine face à scène pratiquement au niveau de la table de mixage : place idéale à l'Olympia. A ce stade, je m'étais convaincu de m'être déplacé pour vivre un grand moment. Mon impatience allait grandissante au contact des amis retrouvés sur place.

Un présentateur nous annonce une première partie assurée par Robert Fripp seul. A ce moment précis, je me suis soudain rappelé d'une fâcheuse expérience : le Monsieur avait été invité par PORCUPINE TREE (au même endroit) pour ouvrir sa soirée. Des minutes interminables à le deviner dans le noir en train de bidouiller ses outils ; j'avais bien cru me décrocher ma mâchoire pour de bon ce soir-là. Nous étions nombreux à être restés consternés devant cette prestation énigmatique et décevante au regard de la réputation du musicien.
Et bien ce soir, c'est encore pire : il ne s'est même pas donné la peine d'être sur scène !!! Une bande son affligeante nous laisse tous perplexe…et moi très inquiet pour la suite. Comme le commente avec bienveillance un de mes amis, ce fut "une interminable demi-heure d'introduction de la Fripouille avec ses Frippertronics".
Les lumières se rallument dans l'incrédulité visible sur la plupart des visages. Qu'est-ce qu'il a osé nous faire, là ?

Lorsque l'éclairage (basique) se focalise sur la scène compartimentée, les trois batteurs Gavin Harrisson, Pat Mastelotto, Bill Rieflin, sont alignés devant. Les quatre autres musiciens sont alignés en fond de scène surélevée ; le bassiste Tony Levin, le flutiste/saxos Mel Collins, le guitariste/chanteur Jakko Jakszyk, et le flegmatique Sir Robert Fripp himself impassiblement installé sur un siège dans son coin. Tout ce beau monde ne bougera pas de son réduit.

En dépit de mon appétit sincère, je ne suis toutefois jamais parvenu à trouver la porte d'accès de cette musique qui s'aventure dans des contrées à la fois rock psychédélique, jazz fusion et musique contemporaine.
Ce n'est qu'au bout d'une heure de concert que "Epitaph" est parvenu à m'accrocher avec son atmosphère éthérée et l'apport sublime du mellotron. Mais très vite l'humeur retombe dans l'incompréhension. Quelques minutes plus tard j'ai refait surface avec "Starless", à mon sens le moment fort du concert. Mais pour ensuite me perdre de nouveau dans les méandres de leurs délires impénétrables. Il me faudra attendre un final de solo à trois batteries pour me régaler, puis un rappel avec l'indispensable et magnifique "21st Century Schizoid Man".

Ces musiciens sont talentueux mais hélas je n'ai pas su percevoir leur message ; ils m'ont donné le désagréable sentiment de se faire plaisir chacun dans leur coin dans une quasi-totale cacophonie affligeante. Habituellement, j'apprécie beaucoup les plages d'improvisation rock ou jazzy ; en l'occurrence ils étaient certes concentrés, appliqués sur leur pupitre mais en déconnection avec ce que mes oreilles étaient capables de percevoir.
Les admirateurs de la soirée me disent que j'aurais dû formater mon oreille ; un peu comme une femme qui aurait dû planter la photo d'un type devant elle plusieurs semaines avant d'être éventuellement séduite en le voyant ... Moi, je préfère le coup de foudre, ou au moins la séduction naturelle.
Alors certes, Mel Colins excelle à son pupitre avec ses nombreux instruments (flute traversière, saxos de plusieurs tonalités) et Tony Levin démontre également une très grande maitrise de ses basses (basse, stick, ou contrebasse électrique). Bill Rieflin pose parfois ses baguettes pour jouer du mellotron.
Quant à Gavin Harrisson (que j'avais déjà vu sur scène plusieurs fois lorsqu'il était au sein de feu PORCUPINE TREE) son jeu est toujours aussi impressionnant, d'une précision et d'une subtilité hallucinante ; un pur bonheur. Lors des interventions de trois batteries son autorité m'est apparu comme le tambour-major !
Mais ces observations objectives ne m'ont pas aidé à communier. Ceux qui suivent mes récits ici savent que je suis plutôt bon public, mais là je n'ai pas pu. Trop hermétique, peu de points d'accroche, peu d'harmonie encore moins de mélodies.
Je ne pense pas devoir regretter ultérieurement mon ressenti sur cette soirée ; je n'étais tout simplement pas réceptif à leur univers, ce qui ne veut pas dire que je n'apprécie pas ce groupe et ce qu'ils ont produit par ailleurs ! J'aime vraiment beaucoup "In the court", mais ce n'est tout simplement pas ce que j'ai entendu ce soir. Ou trop peu.
A écouter l'enthousiasme du public, je pense cependant être passé à côté de la plaque et c'est très désagréable. Je vais tâcher de privilégier dans ma mémoire les meilleurs moments (car objectivement j'en ai toutefois ressenti).


PROGRAMME
Larks' Tongues in Aspic, Part One (Larks’ Tongues in Aspic)
VROOOM (THRAK)
Suitable Grounds for the Blues (Others)
Radical Action (To Unseat the Hold of Monkey Mind) (Others)
The ConstruKction of Light (The ConstruKction of Light)
Pictures of a City (In the Wake of Poseidon)
Epitaph (In the Court of the Crimson King)
Interlude (Others)
The Light of Day (reprise de Jakszyk, Fripp and Collins)
Banshee Legs Bell Hassle (Live at the Orpheum)
Easy Money (Larks’ Tongues in Aspic)
The Letters (Islands)
Sailor's Tale (Islands)
Hell Hounds of Krim (Others)
One More Red Nightmare (Red)
Starless (Red)

RAPPEL :
Devil Dogs Of Tessellation Row (Others)
The Court of the Crimson King (In the Court of the Crimson King)
21st Century Schizoid Man (In the Court of the Crimson King)

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