Depuis un peu plus d'un an, des âmes bienveillantes avaient attiré mon attention sur des vidéo musicales diffusées sur YouTube, montrant ce surdoué des claviers. Evidemment impressionné par le personnage, il est cependant difficile de suivre tous les artistes ; celui-là, comme d'autres, avait vocation à poursuivre ses prestations à mon insu.
J'avais bien vu vaguement qu'il passait en Europe pour quelques dates, mais mon calendrier était déjà bien chargé et j'avais donc délibérément négligé ce concert.
Toutefois, en discutant sur les réseaux sociaux j'ai pressenti le danger de manquer une soirée présentée comme, je cite : "Le 1er concert en France du "Jimi Hendrix de l'Orgue Hammond" !". Je me suis donc donner pour objectif d'arriver à temps au New Morning ce dimanche soir, après mon retour du Spirit of 66 par des routes encombrées, même si cela relevait de la gageure. Malgré tout, je parviens à me présenter à l'entrée où patiente une petite quinzaine de mélomanes sous une bruine glaciale de nuit hivernale. En dépit de la raison de notre présence ici, nous ne pouvons ignorer l'excitation des rues alentour ; notre public s'étoffera à l'issue de la finale de la coupe du monde de football.
LE SITE : Situé au 7-9 rue des Petites-Écuries, au cœur du 10ème arrondissement de Paris, dans les locaux de l'ancienne imprimerie du journal Le Parisien, le New Morning est en fait un club dont la programmation est dédiée principalement au jazz. Il a été fondé en 1981 par Eglal Farhi, une franco-égyptienne, journaliste enseignante, puis directrice du club. Depuis le décès de cette dernière en 2010, il est dirigé par sa fille Catherine Farhi. Des artistes de renom s'y sont produit tels que B. B. King, Prince, Didier Lockwood, Chet Baker, Pat Metheny, Dizzy Gillespie… Pour ma part, j'avais découvert ce bel auditorium le 14 mai 2014, à l'occasion d'un concert atypique en ces lieux, celui du groupe de hard rock espagnol ELDORADO.
Cet établissement dispose d'une capacité de 500 places. (Ce soir, il restait de la place)
Lorsque les portes s'ouvrent enfin, je pensais naïvement pouvoir me procurer un ticket d'entrée au guichet, mais non. Il m'est demandé d'en commander un sur internet (26 €), de le télécharger puis de montrer le code barre. Drôle d'époque décidément ; sans mon portable je ne pouvais tout simplement pas participer au concert !… Le temps que j'accomplisse la procédure, évidemment tous les autres me passent devant… Mais bon, ce n'est pas bien grave car la configuration de l'auditorium offre de bonnes conditions d'écoute et de positionnement. Une fois admis, j'aurais pu me placer au bord de la scène, au pied du clavinet, mais je préfère rester un peu en retrait, en me calant sur la gauche, du côté dudit pupitre.
ROSAWAY [19h45-20h35].
Ce duo français, mais anglophone, fondé en 2017 exprime une musique qualifiée d'électro-pop-jazz et se compose, d'après les sites consultés, de musiciens anonymes officiant sous les pseudonymes "Rachel" et "SteF" ; une présentation rapide en fin de prestation ne m'a pas permis d'entendre les patronymes. On n'en saura pas davantage.
Ils ont enregistré trois monoplages, "Walk" (2019), "Midnight" (2021), "Freedom" (2018) et deux mini albums (4 titres) "Stranger" (2019) et "Dreamer" (2020).
Une excellente sonorisation a permis au duo de s'exprimer de manière audible. Les pupitres de micro, flûte et batterie furent constamment perceptibles. Pour la petite partie de la scène qui leur était dévolue, le duo dispose d'un éclairage tamisé, mélange de blanc chaud et blanc froid, mais cependant suffisant pour distinguer les musiciens.
Le duo montre un certain gout pour la mise en scène ; les deux acolytes se présentent dos à dos, lui, est coiffé d'un large chapeau rouge écarlate et elle, dotée ma foi d'une jolie plastique, est en soutien-gorge.
Sur le plan musical, très vite, je perçois ce qui va m'agacer. Comme beaucoup, j'apprécie mieux ce que je comprends. Or, je ne comprends pas ce recours à une boite à sons ; à la rigueur je le tolèrerais mieux pour des musiciens de trottoir ou de métro. Oui, je suis de la vieille école ; ma conception d'un concert, c'est un musicien, un instrument, ou l'inverse. Un instrument pour plusieurs musiciens, ou un musicien pour plusieurs instruments. Remplacer ces deux éléments par une machine me parait incongru et surtout sans âme.
Cependant, je parviens à surmonter cet écueil, et à apprécier cette musique à la fois légère et dansante, alliant effectivement électro, pop, et jazz avec une certaine élégance. "Rachel" dispose d'une belle voix au timbre rappelant souvent le gospel ou la soul. Très à l'aise et expressive avec sa flûte traversière elle dégage une personnalité captivante et intense. Quant à "SteF", il occupe son poste de batteur avec une admirable ferveur, une belle énergie. L'ensemble produit une ambiance entrainante.
Au final je suis donc assez séduit par la prestation, mais compte tenu du concept j'aurais juste donné une obole dans leur panier en osier, avant de me précipiter pour attraper mon métro.
Le public s'enthousiasme volontiers et accorde de belles ovations. Quant à moi j'applaudis poliment pour leur talent individuel indéniable.
Titres du programme à déterminer.
LACHY DOLEY [21h-22h40]
Lachlan R "Lachy" Doley est né le 21 avril 1978 et a grandi à Adélaïde (Australie). Chanteur et auteur-compositeur, il a débuté musicalement avec Clayton, son frère ainé qui se chargeait de l'orgue Hammond, pendant que lui se chargeait déjà du clavinet. Ils jouent longtemps ensemble, puis en 2011, Lachy se lance dans un parcours en solo. Il fonde ensuite The Lachy Doley Group en s'entourant d'un bassiste et d'un batteur, avec lequel il enregistre un album qui parait en septembre 2013 sous son propre label.
A ce jour, son trio se compose du batteur Jackie Barnes et du bassiste Joel Burton.
Sa discographie est compliquée à déterminer (entre concert semi-acoustique ou pas, et studio…) mais son album le plus récent est "Studios 301 Sessions", paru le 17 Septembre 2021, chez le label All the Stops. Cette prestation s'intègre dans une tournée européenne comprenant neuf concerts en douze jours, dans sept pays. Ils disposent pour seul chauffeur et technicien de tournée, de Wouter Bakker.
L'acoustique de ce véritable écrin idéal pour les musiciens, a permis de jouir d'une sonorisation parfaitement adaptée à l'atmosphère voulue. Un éclairage tamisé, principalement blanc (chaud ou froid) parfois légèrement irisé, à l'ambiance de club, a mis en valeur les musiciens et leurs instruments avec sobriété mais efficacité. Seul le mur de fond était parfois teinté. La scène n'est pas bien grande, surtout au regard de l'agitation constante de Lachy, mais cela contribue sans doute au trio d'entretenir sa complicité.
Sa prestation est parfaitement conforme à mes impressions issues des visionnages de vidéos. Cet artiste vit totalement et sincèrement sa musique ; on peut dire qu' "il a le blues dans la peau". Il n'en demeure pas moins extraverti et charismatique ; il n'est pas du genre enfermé dans une mélancolie inconsolable. Que nenni, il raconte sa vie, ses émotions. Il tape les mains qui se tendent vers lui, il rit, il sautille vers ses acolytes, quand ce n'est pas sur son siège. Intenable et très expressif, il se dresse debout aux accords les plus énergiques, ou se colle au clavier comme pour approfondir sa tonalité plaintive. Il se penche vers le public pour attiser son excitation, ou vers le levier du clavinet pour accentuer les sonorités guitaristiques.
Jackie Barnes et Joel Burton font preuve de beaucoup de complicité, les regards, les sourires en disent long sur l'ambiance au sein du trio. Les deux soutiens montrent une grande efficacité, alliant finesse et énergie selon les tempi.
Le meneur transmet sa passion avec bonheur. Ce mec est tout simplement réjouissant, avec lui le blues n'est pas triste. Enfin, pas définitivement. Son énergie débordante est communicative. Le public répond avec enthousiasme et entretient ainsi la satisfaction du trio à jouer pour la première fois dans cette salle parisienne.
Parmi douze titres, il interpréta trois reprises des années 70, mais aussi deux titres issus de "Make or Break" 2019), cinq de "Conviction" (2015), un de "Lovelight" (2017) et un de "S.O.S. (Singer Organ Soul " (2013).
PROGRAMME
Stop Listening To The Blues (Conviction, 2015)
Conviction (Conviction, 2015)
Voodoo Child (J Hendrix, 1970)
Give It (But You Just Can’t Take It) (Make or Break, 2019)
Only Cure for the blues is the blues (Lovelight, 2017)
Make It Up (Conviction, 2015)
Use Me (Bill Withers) (Conviction, 2015)
Frankly My Dear I Don’t Give A Damn (Conviction, 2015)
Enchainé avec Just kissed my baby (the Meters, 1974)
A Woman (Make or Break, 2019)
Still In Love (S.O.S. (Singer Organ Soul), 2013).
RAPPEL :
I’m a Man (Spencer Davis Group, 1967).
Pour info, le surlendemain au Spirit of 66 ils joueront : Gimme Some Lovin (Spencer Davis Group, 1967), et Fortunate Son (Creedence Clearwater Revival, 1969) avec comme invité leur roadie Wouter Bakker.
A l'échoppe (qui était restée sans surveillance pendant toute la soirée !!), ce sont les trois musiciens en personne qui se rendent disponibles pour proposer leurs marchandises ; CD, t-shirt, poster. Disponibles aussi pour dédicacer leurs albums (j'en prends deux) et discuter de leur prestation ! Avec un peu de patience, ils posent volontiers pour un portrait. Leur état d'esprit est d'une fraicheur admirable ! Je leur ai dit et je le pense sincèrement : "Be back, the sooner the better !".
A lire les réactions/remerciements des trois musiciens sur leur page Facebook au moment de rentrer au pays, je pense qu'ils auront conservé une excellente impression de leur accueil. On peut raisonnablement estimer les revoir en 2023 !
PATRICE DU HOUBLON Plus d'infos à propos de l'auteur ici |
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