Depuis bien longtemps déjà, la Suède était un de mes objectifs de voyage. Un prétexte musical était attendu avec impatience, lorsque nos amis picards, Xavier et Véronique, nous signalèrent fin mai, leur envie d'assister aux deux derniers concerts de la tournée d'automne du SRB.
En janvier dernier le site officiel de Marillion annonçait huit étapes, dont cinq weekends et trois soirées ; une tournée qui débutait par un weekend préparatoire à Manchester le 9 juin, avant de reprendre en septembre pour se terminer donc ce 8 octobre à Stockholm. Entre-temps, une neuvième étape a été intercalée au De Bosuil, le 7 septembre (encart en fin de récit).
Steve Rothery amène son groupe à Stockholm pour la première fois, pour deux soirées durant lesquelles sont prévus deux programmes différents ; le samedi une interprétation complète de "Misplaced Childhood", le dimanche une interprétation complète de "Clutching at Straws". Les deux programmes étant étoffés de morceaux de "Script for a Jesters Tear", de "Fugazi" ainsi que de l'album solo "The Ghosts of Pripyat". Ce week-end s'annonce ainsi inoubliable avec une rétrospective des débuts de MARILLION qui célèbre par ailleurs ses 40 ans !
Avec ma p'tite Fée, nous n'avons pas longtemps hésité à saisir cette belle opportunité. D'autant moins que les frais se sont avérés relativement raisonnables. Le ticket d'entrée deux jours à moins de 91 €, le vol aller/retour revient à moins de 79 € chacun et les trois nuitées sur une péniche (le Red Boat) pour 116 € chacun.
Notre premier contact avec les transports suédois est séduisant : l'Arlanda Express est un train très confortable, silencieux et rapide. Sur un cadran visible pour tous les voyageurs, s'affiche la vitesse qui pointe à 188 km/h ! On est loin de l'offre de notre RER B ! Pour moins de 37 €, nous voilà propulsé dans le centre de la capitale. Une fois surmontés les aléas inhérents à la découverte d'un réseau étranger (…), nous découvrons des couloirs et des rames de métro offrant une propreté, un confort dont ferait bien de s'inspirer la RATP. L'application SL offre un forfait, valable 72 heures sur tout le réseau (métro, bus, tram et bateaux) pour moins de 29 €. En contrebas du Mariaberget, le bateau-hôtel qui nous attend à quai, flottant sur la mer Baltique, s'avère confortable et convivial. Le salon de détente et de restauration surplombe les chambres ; la nôtre offre une vue sur l'hôtel de ville de Stockholm dont nous sommes séparés par les flots de la mer Baltique. Sur notre gauche on peut voir la plus fameuse des quatorze îles de la cité, Gamla Stan. Que du bonheur ! Je ne m'attarderai pas ici sur nos sensations ressenties pour cette magnifique ville, ce serait hors sujet ; je dis juste qu'en ce qui me concerne la visite du musée ABBA s'imposait absolument.
En quittant Paris avec ses quelques vingt-six de degrés, nous pouvions nous attendre à devoir subir un choc thermique. Avec une dizaine de degrés, celui-ci aurait pu être moins brutal sans le vent particulièrement cinglant qui accentue terriblement la sensation de froid. Mais n'en voulons pas à Eole qui nous a permis en contrepartie de flâner entre terre et mer, sous un ciel bleu limpide pendant tout le séjour ! Et puis il cessa de souffler lundi, notre dernier jour au cours duquel nous pûmes admirer les sites et paysages en toute décontraction.
LES CONCERTS
Le Klubben (https://fryshuset.se/konserter/) est une salle célèbre à Stockholm pour de nombreux concerts ainsi que des événements sociaux et d'entreprise. Situé à Mårtensdalsgatan 2-8, son accès est à un petit quart d'heure à pied de la T-station Gullmarsplan. Il affiche une capacité de 170 places assises et peut accueillir jusqu'à 800 personnes (ce dernier chiffre me semble surestimé, mais bon…). L'affluence ce soir est importante, néanmoins ce n'est pas annoncé complet.
LE SAMEDI 7 OCTOBRE - [19h15-21h20] -
Ouverture des portes à 18h00. L'accueil est courtois mais strict. On est prié de se dévêtir, le vestiaire est imposé moyennant 3,50 €. Mon air surpris et agacé n'a pas convenu à la Viking de service ; je ne la contrarie pas longtemps car elle m'indique le comptoir avec fermeté.
Après cet exercice imposé, nous parvenons toutefois tous les quatre à nous placer à la barrière, entre les pupitres de la basse et du chant.
Pour sa tournée, Steve Rothery (guitare), s'est entouré de bienveillance et de talents ; Dave Foster (notamment guitare de Big Big Train depuis 2020, de Mr. So & So (1989-2015), de Panic Room de 2015 à 2018), Yatim Halimi (basse de Panic Room de 2010 à 2018), Riccardo Romano (claviers de Ranestrane), Leon Parr (batterie, de Mr. So & So (1989-2015), de SRB, mais aussi de Marillion durant le Cruise To The Edge de 2014) et Martin Jakubski (chant de StillMarillion).
Tous, sont au service du Monsieur et de sa Musique, mais chacun pourra s'épanouir et montrer ses capacités, dans une bonne humeur visible et constructive. Loin de tout égocentrisme, Steve n'omettra pas de saluer ses compagnons de route après leurs interventions.
Le concert débute avec un quart d'heure de retard, mais sa durée n'en sera pas altérée. A tout seigneur, tout honneur ; la soirée s'engage avec trois des sept titres de son album "The Ghosts of Pripyat" paru le 21 septembre 2014. Une démonstration de toute la sensibilité et la technicité du Maître. Très vite, je réalise que le reste du groupe n'est pas un simple faire-valoir, mais un véritable support de qualité. Le duo de guitares entre Dave et Steve sur "Morpheus" est un pur régal !
L'acoustique de la salle est excellente et la sonorisation est juste assez puissante pour rester audible, sans protection auditive. Pas d'écran, mais un lumineux dispositif d'éclairage n'aura de cesse de mettre en valeur tous les musiciens. Ce qui me permettra notamment de saisir quelques belles images.
Fidèle à son attitude humaine déjà reconnue, Steve rend hommage à un admirateur de longue date, connu de beaucoup en fosse ; Norbert Stefani décédé récemment. Pour ma part, j'avais juste échangé quelques mots avec lui lors des conventions, et je l'avais encore aperçu lors du dernier NOTP au pied de la Loreley. Steve choisit de lui dédier "Summer's end".
Bien évidemment, le public accueille le second volet de la prestation avec l'exaltation inhérente à des admirateurs de l'ère "Fish" de Marillion ! L'intégrale de "Misplaced Childhood", paru le 17 juin 1985, nous enivre vite, à tel point que nous ne voyons pas le temps passer !
Un voyage dans le temps, bien évidemment maîtrisé par le Maître des lieux, mais tellement bien soutenu par ces excellents musiciens. Car certes, regards et auditions se portent en priorité sur Monsieur Rothery dont le talent et la sensibilité ne peuvent qu'émouvoir et ébahir. Mais la grandeur d'un Maitre c'est aussi de promouvoir ses disciples, ce qu'il concède avec une modestie qui l'honore. Les accords de basse de Yatim Halimi et de claviers de Ricardo Romano sont d'une fidélité et d'une qualité remarquable. Le plaisir de ces deux-là à interpréter ces chansons de légende est évident. Ricardo, expansif et sincère admirateur de Marillion depuis toujours, chante et danse dès qu'il en a l'occasion ! A son côté droit, les frappes de Leon Parr accentuent sans doute encore son enthousiasme.
Au chant, Martin Jakubski semble rêver les yeux ouverts. Il est imprégné du personnage, ce qui le rend tout simplement excellent ; ce monsieur réussit le redoutable exercice qui consiste à exprimer sa propre personnalité, son propre timbre, sans dénaturer les chansons, dans un respect total de l'esprit de tous les morceaux. Rappelons que Martin s'est forgé une belle expérience depuis 2008 avec StillMarillion et qu'il accompagne le SRB depuis le milieu des 2010's. Sa prestation lors du fameux "swap the band", l'après-midi du 24 mars 2019, pendant la Convention, avait marqué les esprits. Pour faire bonne mesure, il convient d'ajouter que ce passionné éclectique est aussi le chanteur de Maiden Scotland !
Yatim, Leon, Ricardo, Martin … De bien belles histoires. Mais, "last but not least" comme disent les anglais, nous avons tout particulièrement remarqué le talent immense de Dave Foster. Ce n'est pourtant pas la première fois que je le vois sur une scène (Panic Room le 24 mars 2017, Luna Rosa, le 25 mars 2017; Dave Foster Band le 18 mars 2023, Anneke Van Giersbergen le 14 juillet 2023). Mais là, j'ai vraiment réalisé sa sensibilité et sa technicité pour accompagner dignement le grand Steve. Plus qu'un soutien, il a réellement fait écho aux soli du Maître. Lui aussi, comme les autres complices de la scène, laisse paraitre un bonheur évident d'être là, son talent n'a d'égal que sa modestie sincère et émouvante. Ma p'tite Fée a ressenti la même admiration pour le Monsieur que nous ne regarderons plus jamais de la même manière désormais !
Cette intégrale de 1985 est suivie d'un retour dans les années 1982 à 1984 qui accentue encore le bonheur de l'auditoire ! Les inconditionnels s'unissent avec les convaincus par le spectacle dans une ovation particulièrement exubérante pour chaque titre ! Toujours un grand plaisir de partager l'enthousiasme de ce public si particulier qu'est celui de MARILLION ; beaucoup connaissent et chantent par cœur les chansons.
Franchement, je suis bouleversé et admiratif de cette prestation ; je m'attendais à de la qualité, mais pas à ce point. Je trouve là l'occasion de racheter mon mépris pour ce groupe à cette époque-là. Je me souviens amèrement avoir eu la main sur mon portefeuille pour acquérir le ticket d'entrée du concert que MARILLION donna à Bercy, le 14 décembre 1987. Je regrette encore aujourd'hui cette coupable mollesse, en punition une douloureuse amertume me torture après chaque Convention et après chaque concert du groupe.
Le programme n'était pas une surprise car Steve l'avait annoncé publiquement sur les réseaux sociaux, mais il n'en demeure pas moins que chaque annonce de titre ce soir a été bruyamment acclamée !
Le rappel achève de nous séduire avec deux titres emblématiques des années 80.
Ces plus de deux heures sont passées à une vitesse folle, mais ce n'est pas grave ; demain on aura droit à une seconde ration !
PROGRAMME
- Morpheus (The Ghosts of Pripyat, 2014)
- Old Man Of The Sea (The Ghosts of Pripyat, 2014)
- Summer's end (The Ghosts of Pripyat, 2014)
- Pseudo Silk Kimono (Misplaced Childhood, 1985)
- Kayleigh (Misplaced Childhood, 1985)
- Lavender (Misplaced Childhood, 1985)
- Bitter Suite (Misplaced Childhood, 1985)
- Heart Of Lothian (Misplaced Childhood, 1985)
- Waterhole (Expresso Bongo) (Misplaced Childhood, 1985)
- Lords Of The Backstage (Misplaced Childhood, 1985)
- Blind Curve (Misplaced Childhood, 1985)
- Childhoods End ? (Misplaced Childhood, 1985)
- White Feather (Misplaced Childhood, 1985)
- Assassing (Fugazi, 1984)
- Jigsaw (Fugazi, 1984)
- Freaks (face B du monoplage "Kayleigh", 1986, B'Sides Themselves, 1988)
- Incubus (Fugazi, 1984).
RAPPEL :
- Garden Party (Script for a Jester's Tear, 1983)
- Market Square Heroes (monoplage, 1982).
L'esprit enchanté, insensibles au froid baltique, nous ne tardons pas à rentrer dans notre foyer flottant, pour mieux nous préparer aux autres émotions qui ne manqueront pas de nous bouleverser le lendemain.
LE DIMANCHE 8 OCTOBRE [19h05-21h05]
Ouverture des portes à 18h00. Cette fois je ne cherche pas à négocier le port de mon gilet dans la salle, ce serait peine perdue. Je préfère garantir ainsi notre place, encore à la barrière, mais cette fois en face des pupitres de Riccardo et de Dave…
Etonnamment, ce second concert débute aussi par "Morpheus" ; faut croire que Steve affectionne tout particulièrement ce titre. Ça tombe bien, car il est loin d'être lassant ! Et puis nuance ; hier placés au pied du bassiste, aujourd'hui nous assistons à l'interprétation au pied de Dave, ce qui me permet d'observer de plus près son excellent jeu et son enthousiasme.
Car l'enthousiasme n'est pas qu'en fosse ; tous ces musiciens arborent le sourire de compagnons d'une route qui s'achève ce soir. Steve répète, comme hier, qu'il demeure heureux de commémorer avec son public les quarante ans de Marillion en reprenant sa première ère.
Après une excellente interprétation de "White Pass", le SRB aborde le thème principal de ce soir; l'intégrale de "Clutching at Straws", paru le 22 juin 1987. L'ambiance monte immédiatement d'un cran, ce qui ne semble pas vexer Steve, sans doute habitué à cet engouement un peu plus ciblé. Son origine britannique lui confère ce flegme si caractéristique, jusque dans sa manière de s'exprimer. Artiste, certes, mais anglais !
Le son et l'éclairage étant du même acabit que la veille, l'auditoire va pouvoir de nouveau voyager aisément dans le passé, mais cette fois vers la fin d'une époque, l'année 1987. Sans doute parce que souvent entendu, "Warm wet Circles", "White Russian", "Incommunicado" et "Sugar Mice" auront été pour moi les sommets du plaisir sur cette séquence.
A l'instar de la veille, la fin du programme recadre le curseur sur les années 83 et 84 et permet au public d'exulter de plus belle. "Grendel" était peut-être le titre le plus attendu. Encore que… De toute façon, nous étions tous constamment à la fête ce soir.
Mes observations de la veille sur la qualité des interprétations par les musiciens sont les mêmes, je ne me vautre donc pas dans la redondance. Pas de fioriture, pas d'oreillettes, pas de bidouilles, ni de piste préenregistrée ; bref, des musiciens, des instruments, qui produisent de la Musique dans la tradition de l'Art, avec toute sa complexité et sa beauté ; un concert comme je les aime.
- Morpheus (The Ghosts of Pripyat, 2014)
- White Pass (The Ghosts of Pripyat, 2014)
- Hotel Hobbies (Clutching at Straws, 1987)
- Warm wet Circles (Clutching at Straws, 1987)
- That time of the Night (Clutching at Straws, 1987)
- Going Under (Clutching at Straws, 1987)
- Just for the Record (Clutching at Straws, 1987)
- White Russian (Clutching at Straws, 1987)
- Incommunicado (Clutching at Straws, 1987)
- Torch Song (Clutching at Straws, 1987)
- Slainte Mhath (Clutching at Straws, 1987)
- Sugar Mice (Clutching at Straws, 1987)
- The Last Straw (Clutching at Straws, 1987)
- Cinderella Search (Fugazi, 1984)
- Script for a Jester's Tear (Script for a Jester's Tear, 1983).
RAPPEL :
- Grendel (1983, B'Sides Themselves, 1988)
- Fugazi (Fugazi, 1984).
Subjugué par tant d'émotions positives, je me rends à l'échoppe pour voir de plus près le t-shirt (300Kr) de la tournée, qui ne me séduit pas ; les dates sont bien au verso, mais il ne me semble ni joli, ni représentatif. Toutefois, puisqu'il n'en restait plus qu'un à ma taille, je me décide à me le procurer. Je lorgne aussi sur le dvd… C'était omettre que nous sommes en Suède et la vendeuse ne prend ni ma carte visa, ni mes euros. Tant pis pour eux, tant mieux pour ma tirelire. Un peu frustré, à la fois par cette privation et par l'amertume inhérente aux fins de réjouissance.
Nos deux couples bravent les éléments scandinaves pour rentrer à notre antre maritime. Même le vent ne parvient pas à dissiper les étoiles qui constellent notre esprit enchanté par ces deux concerts mémorables en tous points ! Assurément, (puisque nos contrées sont moins propices à ce genre d'évènement) cette escapade nordique a un gout de reviens-y !!
PATRICE DU HOUBLON Plus d'infos à propos de l'auteur ici |
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