La scène Stoner connaît un nouvel engouement grâce, entre autres, à l’éclosion de formations talentueuses parmi lesquelles, QILIN. Dans la mythologie chinoise, découvrir un Qilin est toujours un bon présage. Alors, laissez-vous tenter par ce groupe français et sa musique instrumentale addictive.
Rencontre avec Thomas Vachy (lead guitare) et Benoît Caillet (basse).
Pour commencer, pouvez-vous revenir sur la genèse du groupe ?
Benoît : nous sommes un groupe parisien qui s’est formé en 2015. J’ai rencontré les musiciens du groupe par le biais de petites annonces publiées sur internet. D’abord Clément, notre ancien guitariste, ensuite Thomas (guitare) puis Mathieu (batterie). Notre line up est stable depuis 2016 avec l’arrivée de Frédéric en remplacement de Clément. En 2017, nous avons donné notre premier concert au Klub à Paris pour l’anniversaire d’un ami.
En 2020, nous avons publié notre premier album « Petrichor » mais le covid nous a empêché de tourner comme nous l’aurions souhaité. Début 2024 nous avons sorti notre deuxième album « Parasomnia ».
Votre nom vient d’une créature de la mythologie chinoise, le Qilin. Pourquoi ce nom ?
Le nom nous est venu après les premières compositions issues de nos jams. On s’est aperçu que notre musique était à la fois lourde mais aussi planante. Nous avons donc cherché un nom qui pourrait coller à notre musique qui se situe à la croisée des chemins car nos influences sont très variées. A la fois stoner, doom et bluesy, black metal mais aussi psyché et post metal.
L’idée était de retranscrire cela dans un nom simple. Le QILIN cochait toutes les cases car c’est une créature chimérique composée de plusieurs animaux. C’est aussi une figure de la mère nature qui m’a fait penser à Princesse Mononoké, l’œuvre de Miyazaki, où la représentation de la nature peut être majestueuse mais aussi effrayante. L’image que renvoie le QILIN à la fois apaisante, sereine mais sauvage en même temps nous a plu.
Vos influences sont très variées au sein du groupe. Comment arrivez-vous à trouver un équilibre ?
En tâtonnant (rires)
Thomas : les influences de chacun se ressentent dans notre façon de composer. En tant que lead guitare mes influences viennent du Metal, du Post Metal voire du Black Metal. Fred, notre deuxième guitariste, est plus dans un style bluesy, stoner rock. Mathieu a un jeu à la fois puissant et subtil. Quant à Ben, il est davantage influencé par le Doom et le Stoner. Tout cela s’imbrique pour donner naissance à notre musique.
Benoît : l’idée est de proposer un rendu cohérent et qui colle à l’ambiance. Il nous arrive de nous vautrer mais on ne vous fait pas écouter le résultat (rires). Mais ça se passe bien car nous sommes raccords et nous avons trouvé notre mode de fonctionnement. QILIN est une hydre à deux têtes, Tom et moi proposons des idées et ensuite chacun apporte sa pierre à l’édifice.
Votre musique, totalement instrumentale, a un aspect hybride. A la fois sombre et lumineuse, envoûtante et entraînante. Est-ce un équilibre que vous recherchez à atteindre quand vous composez ou est-ce un processus naturel pour vous ?
Cela se fait naturellement. Il y a des compositions qui restent très sombres, très doom mais généralement on écrit plutôt des morceaux qui sont un équilibre entre les deux facettes.
Comment se déroule le process de composition ? Est-ce que les titres sont le fruit de longues improvisations ou est-ce que chacun apporte des idées bien structurées ?
Thomas : cela dépend. Nous avons deux manières de travailler. Soit je propose une composition avec toutes les parties de guitares et ensuite nous la travaillons ensemble en répétition. Ce processus est intéressant et inspirant car il permet de voir évoluer la composition. Ben peut aussi apporter des idées riffs que l’on va développer. Mais une jam peut être aussi le point de départ d’une composition.
Benoît : lorsque la compo est quasi prête, on réfléchit au titre à donner en fonction de ce que nous évoque l’ambiance de la musique. Par exemple, le début de « Lethean Dreams » du dernier album, très vaporeux et aqueux nous a apporté l’idée du monde des rêves ou d’une rivière en été.
La musique instrumentale permet de donner libre cours à son imagination. Pour autant, « Parasomnia » le titre de votre nouvel album fait référence à des troubles du sommeil. Cette thématique est reprise au niveau de l’artwork du disque et dans plusieurs titres (« Lethean Dreams », « Innervision »). Simple fil conducteur ou concept album ?
Benoît : on ne veut pas forcément aller sur le concept album. Le groupe doit être cohérent dans sa démarche et proposer un univers, un cadre dans lequel les auditeurs peuvent se plonger. Notre idée est de lancer un thème et, ensuite, l’auditeur est libre d’imaginer ce qu’il souhaite. Comme notre musique est instrumentale, elle permet à chacun d’avoir son propre niveau de lecture. C’est la force de ce que nous proposons aujourd’hui.
Comment vous est venue l’idée d’aborder ce sujet des troubles du sommeil ?
Thomas : l’idée est venue de « Lethean Dreams » qui avait un titre de travail différent mais aussi de « Tayir Alfiniq ».
Benoît : notre idée est de proposer des compositions qui invitent au voyage et celui-ci se fait de différentes manières. Pour « Petrichor », l’album précédent, nous étions plus dans un voyage au sein d’un monde imaginaire peuplé de diverses créatures. Avec « Parasomnia », on précise davantage notre propos et nous avons pensé que le monde du rêve était intéressant à explorer. Cette idée a influencé un bon tiers des compositions de l’album. On se plie au cadre que nous avons fixé mais on se donne aussi le droit de dépasser ce cadre.
A t’entendre, on peut penser que vous avez fait des « concessions » par rapport à votre idée de départ.
En soit, le fait de définir un thème est une concession. Nous essayons de nous focaliser sur un thème précis et cela nous a influencé dans l’écriture des dernières compositions écrites pour l’album. Je pense notamment à « Innervision » et « Boros » qui ont été écrites après avoir trouvé la thématique de l’album.
Thomas : je ne vois pas cela comme une concession mais plutôt comme un fil conducteur qui évite de nous éparpiller.
Benoît : Oui et nous pouvons très vite nous éparpiller (rires)
La formule que vous avez adoptée vous confère une grande liberté pour exprimer et véhiculer des émotions. Mais pensez-vous que le chant pourrait vous permettre de toucher un plus large public ?
Benoît : c’est ce qu’on nous dit souvent mais nous avons un peu la tête dure (rires)
Thomas : on nous dit aussi souvent le contraire (rires)
Benoît : oui, on entend tout et son contraire. Aujourd’hui, nous n’avons toujours pas décidé si nous intégrerons un chanteur ou non mais la porte reste ouverte.
Thomas : peut-être qu’il y aura, dans l’avenir, des collaborations qui pourraient surprendre nos auditeurs.
Benoît : si nous devons intégrer du chant, cela se fera de façon très occasionnelle. L’idée n’est pas de devenir un groupe avec un chanteur mais nous ne nous priverons pas de cette opportunité si nous estimons qu’il serait pertinent d’ajouter du chant à une composition.
« Parasomnia » marque une nette évolution par rapport à « Petrichor » sorti en 2020. Dans quels domaines avez-vous le sentiment d’avoir progressé le plus ?
Thomas : nous nous sommes bien améliorés sur la façon de structurer les morceaux. On nous a parfois dit que nos enchaînements entre les parties étaient un peu trop « convenus » sur « Petrichor ». Nous avons travaillé sur cet aspect avec « Parasomnia » afin de gagner en cohérence dans les changements d’ambiances.
Benoît : « Parasomnia » illustre aussi l’expérience acquise depuis la sortie de notre album précédent. Nous avons évolué dans notre manière de composer comme le disait Thomas. Le fait d’aller dans un vrai studio pour enregistrer « Parasomnia » nous a aussi beaucoup apporté et nous y avons gagné en « professionnalisme ».
La scène Stoner connaît un nouvel engouement. Avez-vous ressenti cet enthousiasme à l’occasion de la sortie de votre album et des concerts qui ont suivi ?
Benoît : totalement. Globalement, il y a beaucoup de nouveaux groupes très qualitatifs et qui apportent un peu de fraîcheur au style. A notre niveau, l’accueil qui a été réservé à « Parasomnia » n’a rien à voir avec celui que nous avons connu avec « Petrichor ». Le sortir en plein covid n’a pas aidé mais je pense surtout que « Parasomnia » est vraiment supérieur à tout point de vue.
Votre album va connaître une nouvelle vie puisque la version vinyle sera disponible à compter du 25 octobre. Ce format va permettre de mieux apprécier l’artwork signé Sylvain Sangla. Un mot à son sujet ?
Benoît : nous sommes ravis que Sylvain nous ait proposé son aide car le résultat correspond vraiment à l’idée de départ. Il s’est fait aider de l’IA dans son travail. Cette approche n’était pas évidente compte tenu des débats qui existent autour de l’utilisation de l’IA. Mais ce qui nous a rassurés est que Sylvain l'utilise comme un outil de support. Il a passé des heures à retravailler les images. Nous sommes plutôt satisfaits car cette technologie n’a pas été utilisée comme une finalité mais comme une aide pour poser des bases.
Thomas : nous avons été transparents sur ce sujet. C’était la meilleure solution pour proposer un rendu final de qualité car nous n’avions pas le budget nécessaire pour faire appel à un artiste. Il y a vraiment eu beaucoup de travail de la part de Sylvain afin de parvenir à ce résultat.
Benoît : cette approche est aussi cohérente avec ce que nous sommes car nous recherchons toujours à expérimenter au sein de QILIN.
Envisagez-vous de sortir une version vinyle de « Petrichor » ?
Thomas : ce n’est pas vraiment possible car la durée de l’album est trop longue pour tenir sur un seul disque. Cela nous coûterait donc trop cher à réaliser.
Avez-vous pensé aux contraintes imposées par le format vinyle quand vous avez commencé à travailler sur « Parasomnia » ?
Benoît : oui, clairement. Depuis nos débuts, nous avons beaucoup de demandes pour sortir des vinyles car c’est un format très apprécié par les fans de stoner doom. Nous nous sommes dit qu’il faudrait aller dans ce sens et faire plaisir à notre public.
Est-ce que cette contrainte de durée a généré une frustration car vous avez peut-être été contraints d’écarter des compositions par manque de place ?
Benoît : non c’est même le contraire car il nous restait un tout petit peu de place ce qui nous a permis de composer « Innervision » qui est sur le disque. (ndr : peu de place effectivement puisque sa durée est de 1’37).
Cette édition comportera aussi un lien pour télécharger votre prestation aux Smoky Van Sessions (voir vidéo plus bas). Comment avez-vous eu cette opportunité et comment avez-vous vécu cette session ?
Benoît : la scène stoner française est très petite ce qui permet de faire rapidement le lien entre différentes personnes. Parmi les groupes qui ont fait ces sessions figure RED SUN ATACAMA qui sont des amis. Ils nous ont mis en lien avec les équipes de Smoky Van Sessions avec qui nous avons sympathisé. C’était vraiment génial de pouvoir jouer dans de telles conditions, au bord d’une falaise au soleil couchant. Notre son en plein air prenait toute sa dimension et c’est aussi ce que j’ai beaucoup apprécié. Ce cadre a permis à notre univers de prendre une autre ampleur. En plus, nous avons eu la chance d’être hébergés par Corinne qui est membre de l’équipe et que nous remercions vivement.
Thomas : cela a été une très belle expérience. Vraiment un super souvenir.
La session a été filmée à Fécamp. Qui a choisi ce cadre ?
Benoît : l’idée est venue de Mathieu notre batteur qui est originaire de Normandie. Fécamp offre un cadre magnifique avec ces falaises. La municipalité a été très sympathique et nous a donné les autorisations nécessaires pour jouer. Et comme nous jouons assez fort, mieux vaut avoir l’autorisation pour faire du bruit (rires).
Est-ce que cette expérience vous a donné l’envie de réaliser une vidéo pour un titre de votre album ?
Benoît : cette idée est toujours dans un coin de notre tête mais ce serait plutôt un clip d’animations comme cela se fait beaucoup aujourd’hui. Ne pas apparaître dans la vidéo serait aussi plus en phase avec notre approche car je ne nous vois pas nous ‘mettre en scène’ dans un clip.
Thomas : j’ai la même manière de voir les choses. Le fait d’être un groupe instrumental joue aussi beaucoup dans cette approche.
Benoît : notre démarche s’inscrirait davantage dans celle d’un groupe instrumental comme MY SLEEPING KARMA qui propose toujours des vidéos basées sur des animations.
La musique sur disque, c’est bien mais rien ne vaut le live. Sur quelles scènes peut-on vous voir prochainement ?
Benoît : nous jouerons à Paris, au Glazart, le 31 octobre avec NIGHTSTALKER et RED MOURNING. Le lendemain, vendredi 1er novembre, nous serons à l’affiche du Westill Festival (44 - Vallet) aux côtés de NIGHTSTALKER, DOZER ou encore GREENLEAF. En décembre, nous avons prévu de jouer le jeudi 5 à Rouen aux 3Pièces avec les locaux de MASSUE. Et enfin deux dates en Belgique, à Anvers le vendredi 6 décembre et le lendemain à Liège. Nous serons avec le groupe APEX TEN pour ces deux concerts.
Thomas : c’est l’année des premières fois : premier festival, première venue en Belgique donc pas mal de responsabilités (rires).
Benoît : nous espérons que ces opportunités vont nous permettre d’élargir notre public car notre groupe est encore méconnu. Les groupes qui se produisent dans des grandes salles sont toujours mis en avant mais il existe une scène underground très active avec des groupes qui se produisent dans de petits endroits et c’est souvent l’assurance d’une bonne soirée. Alors, pour 2025, nous espérons qu’il y aura encore plein de premières fois pour QILIN.
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Line up :
Benoît Caillet (basse)
Thomas Vachy (lead guitare)
Frédéric Bonneau (guitare)
Mathieu Guibert (batterie)
Discographie :
Petrichor (2020)
Parasomnia (2024)
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