JUDAS PRIEST peut être considéré, à juste titre, comme l'un des piliers fondateurs du heavy metal, avec son compère britannique Black Sabbath, puisque la formation du groupe remonte quand même, excusez du peu, à 1967.
La sortie de ce Nostradamus enthousiasme les uns, mais aussi déconcerte une autre partie des fans, un petit retour en arrière ne sera pas superflu pour tenter une explication sur ce phénomène. Pour la petite histoire, le guitariste K. K. Downing et le bassiste Ian Hill sont à l'origine du groupe, et l'idée du nom provient de la chanson The ballad of Frankie Lee and Judas Priest de Bob Dylan. Mais le vrai départ remonte à 1974, avec l'embauche de Rob Halford au chant et Glen Tipton comme deuxième guitariste, et le premier album, Rocka Rolla, qui mélangeait hard rock et rock progressif, puis en 1976, Sad Wings Of Destiny, qui définissait les bases du heavy metal, à base de duels entre les deux guitaristes solistes, formule qui allait être ensuite reprise par nombre de groupes. Cet album incluait le hit Victim Of Changes, qui gardait un aspect assez progressif. Puis avec les années 80, comme nombre de combos formés à l’école des années 70, le dictat des radios FM a amené le combo à raccourcir et calibrer ses titres, sans pour autant perdre en efficacité, au contraire. Ainsi, au printemps 1980, avec British Steel, et un nouveau batteur, Dave Holland, des titres comme Breaking the Law, United, ou encore Living After Midnight connurent un succès immédiat et de nombreux passages en radio. Turbo marqua 1986, avec l’arrivée des synthétiseurs très appréciés dans le FM, et fut accompagnée d’un changement de look, afin de rester dans l’air du temps en pleine époque du glam metal. Turbo fut encore un disque de platine et la tournée se fit à guichets fermés. Nouvelle orientation, vers le thrash metal, en 1990 avec l'album Painkiller et l'arrivée du batteur Scott Travis, grand adepte de la pédale double. Après le départ de Halford en 1991, Judas sortit deux albums avec Tim Owens, avant le retour de Rob, en 2003, et l’album Angel Of Retribution, qui finalement marquait un retour au heavy metal classique, l’album se refermant sur Lochness, un long titre épique de treize minutes, dans la plus pure tradition des années 70, et quelque peu prémonitoire de ce Nostradamus. Cette formidable carrière aux nombreuses facettes montre donc que le propos de certains gardiens du temple des années 80 n’a guère de consistance. Le groupe aurait ainsi trahi, avec cet opus, son propre style, et ne serait plus le « vrai » Judas. Cela démontre bien évidemment une profonde méconnaissance de la longue histoire du groupe, et notamment de la décade 70, mais oui, il y avait une vie avant les années 80 ! Autant rappeler ces quelques évidences avant d’en venir à cet ambitieux double album conceptuel, basé sur la vie du célèbre voyant français Michel de NostreDame, alias Nostradamus.
Pour bien comprendre le mûrissement de cette œuvre, en plus de l’historique ci-dessus, rien de tel que d’avoir l’éclairage du Metal God lui-même, qui, en interview, s’enflamme pour un projet qui, d’après lui, est le fruit de toute une carrière, mais qui a commencé à se concrétiser tout justement avec Lochness, sur Angel Of Retribution. En tant que véritable amateur d’opéra, mais aussi de cinéma, Rob s’est approprié la vie de Nostradamus, déclarant que dans l’écriture, il s’était projeté sur scène, comme un véritable acteur, exprimant toute une palette de sentiments éprouvés par le visionnaire. La vie de ce dernier plus que ses prophéties constitue d’ailleurs l’axe principal du concept. Cette vie, passée aux services des autres en tant que médecin ayant affronté les épidémies de peste, est le contraire d’un long fleuve tranquille, la maladie, et la perte d’une épouse et de deux enfants ayant ponctué de drames la destinée du prophète. Ainsi, la mort rode dans Death, ponctué par les cloches, et Rob endosse le fardeau de toute la misère du monde, Pestilence And Plague et un superbe refrain en italien, et Lost Love apportant leur lot de tristesse. A l’inverse, avec Conquest, il exalte un sentiment d’espoir et d’optimisme. Avec Future Of Mankind, alors que Nostradamus se fait vieux et fragile, voire très faible, Rob se fait le porte parole d’un dernier message : « Vous vous rappellerez de moi quand je serai parti, faites ce que vous voulez de mes prophéties ! ». Au niveau musical, le mid tempo domine largement, chaque titre étant entrecoupé sans interruption d’intermèdes parfaitement intégrés et très mélodiques qui permettent de développer le concept. Le heavy métal classique à base d’échanges de soli flamboyants par la paire Tipton / Downing constitue toujours le noyau, notamment dans les titres les plus rapides comme Revelations, agrémenté de quelques arpèges hispanisantes, ou encore Nostradamus. Mais ce noyau s’imbrique dans des orchestrations symphoniques à base de violons et de claviers (DON AIREY faisant partie des invités), prenant la dimension d’un opéra, parfois de musique de film, une dimension alternant tour à tour des atmosphères paisibles, dramatiques, désespérées, guerrières mais aussi pleines d’espoir et d’optimisme. Halford dépasse son registre habituel en prenant parfois des accents de ténor, démontrant toute l’étendue d’un talent hors normes, éclatant une dernière fois dans le bouquet d’artifice final, Future Of Mankind, dans lequel le message prophétique est agrémenté d’un passage en français, petit clin d’œil à la nationalité du visionnaire.
Nostradamus fera donc date comme ont pu le faire en d’autres temps les opéras rock, Judas Priest sublime la notion de métal opéra, au travers de cette œuvre ambitieuse, bien placée pour s’imposer comme meilleur album de métal de l’année.
Highlights : Titres en gras séparés par des virgules
Label : | Epic |
Sortie : | 16/06/2008 |
Production : | n/a |
Discographie : |
Rocka Rolla (1974) |
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Comments:
Commentaires
Un album d'une richesse inouïe, je continue à l'écouter régulièrement, une sorte d'opéra Heavy-Metal-Prog, j'adorais le Judas Priest classique période "Point of Entry / British Steel / Screaming for vengeance / Defenders of faith"
Mais là je reste sidéré face à une tel œuvre de la part d'un groupe qui va avoisiner 40 ans d'existence!
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