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pearl jam gigaton nouvel album

En 2020, que sont loin les senteurs des esprits adolescents ! Le vieux fan quinqua est obligé de constater avec humilité que la vague grunge US des années 90 dont il vénérait les protagonistes a perdu cruellement de sa superbe.

Elle qui naguère partit à l'assaut de la planète en la submergeant littéralement comme un énergique tsunami aura au fil du temps accumulé tant d'épreuves qu'elle en aura presque complètement dépéri, agonisant sur les ondes de quelques vieilles radios underground ou accumulant de la poussière dans les bacs d'antiques disquaires. Même si ses fondamentales racines prenaient leur source au sein d'un nihilisme primaire, exutoire archaïque d'un scepticisme s'étant lentement et inexorablement nourri des errances passées d'un Rock malmené par des abus outranciers, cette division musicale insoumise n'aura certainement pas mérité pareil sort sans relever à terme un fier et altier port de tête au-dessus d'une incompréhensive mêlée.

Ces pourfendeurs de la fatalité, ces combattants d'un inexpiable avilissement généré par une insatiable clepsydre dont nul ne peut se départir à moins d'en couper les liens par l'intervention d'une Atropos elle aussi avide de corps, auront certainement pour derniers noms Alice In Chains et Pearl Jam. Et puisque des Moires il est ici question on ne pourra pas éluder l'énigme du dernier album de la bande à Vedder sans remonter aux temps anciens de la cosmogonie et ses gigantomachies. En raison de son statut Pearl Jam devra avec "Gigaton" œuvrer à cette colossale tâche de tenter d'apporter quelques substantielles réponses aux grandes interrogations que le monde ne cesse de se poser, au risque de nous laisser finir comme de vulgaires néo Tantale condamnés à expier les fautes du passé.

"Gigaton" saura aussi dissiper les doutes que nombre de critiques laissaient planer sur les capacités de Pearl Jam à proposer un album digne d'intérêt plus de 30 ans après ses débuts. N'en déplaise aux cassandres et autres voyants de mauvaise augure, "Gigaton" me semble un album plaisant et à haut potentiel que nonobstant mon indécrottable attraction pour les compositions de ses géniteurs, je vais tenter de vous décrire objectivement ci-après.

Débutant avec pondération avant de laisser place à une hardiesse enjouée les deux premiers titres de la galette sauront attirer les adeptes de sons garage. "Who ever said" et "Superblood wolfmoon" puisque c'est d'eux dont il est question, rappellent d'emblée que les musiciens aux mannettes sont des techniciens maîtrisant pleinement leur art. Rythmique pulsatile (Jeff Ament, basse; Matt Cameron, toms) amenant des accords de grattes stridents et en coups de sabre (Mike McCready, guitar solist; Stone Gossard, guitars) sur des mélodies imparables qui viennent en phase soutenir le chant si particulier d'Eddie Vedder. Entrée en matière rassurante et vivifiante pour le fan qui perçoit déjà les versions live qui ne manqueront pas de venir on tour (où l'on croira avec optimisme d'une reprise prochaine des activités musicales live une fois ce satané virus à couronne éradiqué…). Ce tempo rapide aux racines punk/garage refera surface en milieu de galette avec les non moins intéressants « Never destination » et « Take the long way » aux mélodies également réussies. 

Sur "Dance of the clairvoyants" avec un son mat et ses guitares distordues sera évoquée une référence à la new-wave autistique renaissante de la fin des années 80, siècle passé, tant son accroche pulsatile à la basse est pourvoyeur de soubresauts mnésiques. Etrange morceau dont Pearl Jam n'est pas coutumier, mais délicieusement décalé par son approche stylistique. Sur le site officiel du groupe la référence à Talking Heads est mentionnée, Vedder semblant être un fan de David Byrne (pour les plus jeunes je ne saurais trop recommander d’aller jeter une oreille sur « Psycho ‘qu’est ce que c’est’ Killer » que les new-yorkais avaient pondu dans un délicieux franglais en l’an de grâce 1977 en pleine vague punk…).

"Quick escape" quant à lui sur un rythme saccadé permet à Vedder de faire une sorte de bilan environnemental et de balancer sur le locataire actuel de la Maison Blanche "...To find a place Trump hadn't fucked up yet", dans un tour du globe s'achevant …sur Mars ("And here we are, the Red planet") en regrettant la non conscience écologique du monde actuel ("...and we think about the old days, Of green grass, sky and red wine"). Paroles d'un réalisme saisissant en ces temps de confinement généralisé...

« Gigaton » propose également des titres plus calmes. Que ce soit sur "Alright" aux tonalités intimistes ou "Seven o'clock" dont le mid-tempo entraîne l'auditeur vers un chorus empreint de couleurs musicales mêlant synthé et sonorités métalliques. Que ce soit encore avec « Buckle up » ou encore et surtout la formidable ballade acoustique « Comes then goes » sur laquelle Vedder réalise une performance incroyable seulement soutenu par une gratte sèche sur 6 minutes de long. Où on sera inéluctablement conduit à se souvenir de la bande son du film « Into the wild » (Paramount, 2008).

Deux derniers titres nonchalants vont clore ce « Gigaton » sans réelle surprise (« Retrograde », « River cross ») et peuvent faire office de bonus (si on m’avait demandé mon avis –lol) pour ceux/celles qui n’en auraient pas eu suffisamment plein les esgourdes.

Au final, « Gigaton » rassurera les fans quant à la bonne santé musicale du quintette de Seattle. Inspiré, varié, mélodique et techniquement irréprochable, ce 11ème album démontre cette faculté à rebondir qu’ont les grands combos, logiques avec leur ligne directive, cohérents avec un passé qu’ils ne renient pas, contemporains et modernes sans tomber dans la caricature. Un album solide et comprenant quelques titres taillés pour la scène, quand les temps seront venus de rouvrir salles de concerts et festivals…Up the irons !



Tracklist :
1. "Who Ever Said" 5:11
2. "Superblood Wolfmoon" 3:49
3. "Dance of the Clairvoyants" 4:26
4. "Quick Escape" 4:47
5. "Alright" 3:44
6. "Seven O'Clock" 6:14
7. "Never Destination" 4:17
8. "Take the Long Way" 3:42
9. "Buckle Up" 3:37
10. "Comes Then Goes" 6:02
11. "Retrograde" 5:22
12. "River Cross" 5:53 



Line Up :
Eddie Vedder - chant, guitare rythmique (depuis 1990)
Mike McCready - guitare solo, choeurs (depuis 1990)
Stone Gossard - guitare rythmique et solo, choeurs (depuis 1990)
Jeff Ament - guitare basse, choeurs (depuis 1990)
Matt Cameron - batterie, percussions, choeurs (1998-présent)


Label : MonkeywrenchRepublic
Sortie : 27/03/2020
Production : Josh Evans

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