De ce Poulidor du Hard rock mélodique, ces sessions ne symbolisent-elles pas, au final, sa carrière mi-figues milles-raisins. (la faute est voulue).
L'ex chanteur de Rainbow, et intermittent du spectacle chez Malmsteen et Deep Purple nous gâte cette année. Après le nouveau Sunstorm, et le Live in Boston 1985, voici une 3ème sortie, une compilation de ses diverses sessions tribute effectuées tout le long de sa carrière, et pas avec n'importe qui, ni auprès de n'importe qui.
Aussi, on peut se demander si ces sessions ne symbolisent pas, au final, sa carrière, faite de haut et de beaucoup moins haut.
On le sait, JLT est un grand chanteur, mais n'a jamais réussi à être une star : LE chanteur d'un groupe, allant même à être choriste de studio – ce n'est pas péjoratif - pour Mickael Bolton, Cher et tant d'autres. Souvent placé, mais rarement gagnant, ce Poulidor du hard rock mélodique aura postulé auprès de quasi tous les grands groupes, dont pour certains il reprend les titres ici et ailleurs.
Aussi, cette compilation nous explique ce pourquoi au final : sur la qualité de sa voix, mais aussi de ses choix de carrière.
Acte I : Sur la qualité de sa voix - Choix de voix :
Cette compil nous dévoile sa progression vocale, qui paradoxalement fut l'inverse de la courbe descendante de son succès, probablement lié aux choix de carrière, voir Acte II.
Au début de carrière, de Fandango à Rainbow, JLT propose une voix lisse, puissante et aiguë.
Fin 70, et début 80, c'est la mode du hard fm, avec des groupes comme Foreigner et Journey. L'américain d'origine italienne suit donc le train : sa voix se trouvant entre les 2 chanteurs, sans avoir le côté magnifiquement éraillée de Lou Gramm, ni la puissance lyrique de l'unique Steve Perry. Mais le chanteur au timbre marquant, se défend au point de se faire recruter par un certain Ritchie Blackmore, pour remplacer le grand Ronnie James Dio, et l'insouciant Graham Bonnet dans Rainbow, le temps de 4 albums, puis Ian Gillan, David Coverdale et Glenn Hughes dans Deep Purple pour 1 album.
Toujours placé, mais toujours numéro 2, voire davantage ! Faut avoir un don pour jouer dans ces groupes tout de même : et ses fabuleuses interprétations de Street of dreams, Can't let you go, True hurts, et Fire in the basement l'attesteront. Mais difficile donc de reprendre le répertoire d'aussi grands chanteurs, et ce malgré cet évident talent. Une moindre puissance (que beaucoup aimerait avoir - tout est relatif) et d'une certaine tessiture vocale originale par rapport à ses prédécesseurs, amènera le grand Jon Lord à dire de lui que c'est un excellent chanteur de cabaret, mais non de stade.
Vexé, conscient des critiques et influencé par les chanteurs de la Stax, Joe Lyn Turner va faire muer sa voix, à partir de Deep Purple, en se transformant en clone, en plus faible mais tout de même, de Paul Rodgers, Otis Redding, voire Bon Scott par moment, tout en conservant son timbre chaleureux.
Et c'est ce timbre, bluesy crooner qui en fait un excellent chanteur de ballades, qui nous donnera envie de suivre sa carrière.
A l'inverse, ses tentatives d'imitation le décrédibiliseront quelque peu, tout en saluant cette capacité hors normes : Paradoxal que ce je t'aime moi non plus.
Joe Lynn Turner passera donc pour l'imitateur universel. Il y arrivera souvent en studio, plus difficilement en concert et sur la durée, où sa voix sur scène est souvent couverte par la musique et les amplis, d'où la remarque du claviériste de DP.
Après avoir aussi sorti 2 conseillés albums de reprises nommés simplement ''Under Cover 1&2'' (de Free, du Rainbow de Bonnet, du Whitesnake de Coverdale, …), Cette compilation reprend à son tour ce constat.
L'homme postulera parmi certains, et reprend ici du Van Halen, du Led Zeppelin, du Iron Maiden, du AC/DC (Back in black), du The Doors, Queen (Fat bottomed girl), etc … que du lourd !
Faut avoir UNE voix pour reprendre ce répertoire.
Oui mais voilà : difficile d'avoir le fun non chaland mais hypnotique d'un David Lee Roth (Dance the night away), le blues lyrique d'un Robert Plant, ou le sex appeal d'un Jim Morrisson (Riders on the storm) ... C'est donc là que l'on comprend pourquoi il a rarement passé le seuil des auditions. Parce qu'on comprend que le chanteur n'est pas au niveau des titulaires, parfois vocalement, jamais niveau charisme, poussant un certain ridicule à garder un look de dandy qui ne veut pas vieillir. Et bien sûr, il faut faire un effort sur-humain pour oublier les versions originales – est-ce possible dans le cadre du parfait et mythique Babe I am gonna leave you de LZ, pour ne citer qu'un exemple ? …
Pourtant, c'est là aussi qu'on voit son ''Power'' : il arrive même à imiter Robert Plant, Bon Scott et aussi Steven Tyler (Let the music to the talking). Et si on veut bien faire cet effort d'omission des VO, il nous bluffe littéralement. Incroyable. Quelle belle performance vocale !
Si en plus, comme moi pour Bruce Dickinson, vous n'aimez pas les chanteurs originaux – ça peut arriver – il parvient même à vous faire préférer sa version à l'originale (Two minutes to midnight qu'avec Ritchie Kotzen ils dynamitent).
Et puis l'homme est entouré de fines gâchettes qui valorisent son talent - on ne peut pas être un chanteur moyen, quand acceptent de se joindre à la fête les Mickael Schenker, Phil Collen, Steve Lukather, Red Beach, Ritchie Kotzen, Steve Morse, Leslie West, Tony Franklin, Pat Torpey, etc … qui régalent, et se font plaisir grave.
Steve Morse étale tout son talent, Kotzen explose à lui seul le duo de Maiden, etc …
D'ailleurs pour ses albums solos, il aura su s'entourer aussi de guitaristes comme Al Pitrelli, Chris Caffery, Joe Bonamassa, … Sacré carte de visite !
Acte II : Choix de carrière - Choix de voie :
Alors, même si second couteau de grand talent, pourquoi sa carrière a faibli jusqu'à avoir du mal à organiser une tournée sur son seul nom, à l'inverse d'un Glenn Hughes et d'un Graham Bonnet, même si ceux-ci œuvrent dans des petites salles, mais œuvrent quand même ?
Avec 3 albums de reprises déjà donc, l'homme sur scène, fera la double faute : il privilégiera toujours les reprises des autres. Au point d'avoir fait fuir un Glenn Hughes, déjà connu pour être instable, pour leur projet commun Hughes-Turner Project, pourtant non dépourvu de qualités, et qui aurait pu le (les) faire rebondir, surtout quand des Steve Vai, John Sykes et Paul Gilbert s'invitent sur leurs 2 albums ; Turner voulant imposer des set-list de reprises, quand l'autre ex de Deep Purple voulait privilégier une set-list de leur création, ou du moins de reprises de leur propre passé, ce qui était plus logique.
Car forme de désaveu, Turner poussera le vice jusqu'à privilégier le répertoire des autres chanteurs de Rainbow et DP, davantage célèbres que lui, au détriment du sien. Quasiment jamais, il ne reprendra des titres de son album Slaves and Masters avec DP, alors qu'il reprendra les standards des autres MK, comme Smoke on the water, Highway star ou Burn ; il reprendra davantage mais à peine des titres de son propre répertoire dans Rainbow, ou Malmsteen ; et ne défendra jamais ses pourtant très valables titres de sa dizaine d'albums solo.
Vice après vice, il formera, le temps d'une tournée, un tribute band à Rainbow, nommé Over the … Rainbow, (soudain, un arc en ciel passe) avec d'anciens membres et le fils du brillant guitariste. Ben voyons rien que ça ! Mais faut bien manger, les temps sont durs pour tout le monde.
On comprend mieux alors, sa grande déception de ne pas avoir été rappelé par le maestro pour la réformation (épisodique?) de Rainbow cet été 2016.
Au final, que ce soit en studio ou sur scène, ce remplaçant de luxe n'aura été qu'un tribute band à lui seul. A trop Turner le bouton du juke box, il aura fini par perdre le minimum d'intérêt d'une fan base, (dont, fidèle, je fais partie) voire le respect. Faut pas exagérer sur le manque de respect, mais c'est pour expliquer.
Aujourd'hui Glenn Hughes et Graham Bonnet, en priorisant leur carrière solo, quitte à peiner, mais aussi en ne reprenant que leur titres de leur ancien groupe, auront su garder l'estime des fans. Ils semblent d'ailleurs retrouver un certain intérêt.
Que cela ne vous empêche pas d'aller le (les) voir, ni d'écouter cette compilation avec le recul nécessaire. Car bien évidement, on passe un excellent moment avec tous ces classiques, si on n'est pas un extrémiste de la VO. Ça joue grave avec tous ces guests de haut niveau et, Joe Lynn Turner assurant toujours excellemment. Et puis comme Poulidor, on l'aime bien JLT.
Superbe voix donc, mais hélas, dans une voie de garage … band.
(garage avec belles bécanes et voitures tout de même qu'on est nombreux à lui envier)
Label : | Cleopatra Records |
Sortie : | 2016 |
Production : | n/a |
Discographie : |
Rescue You (1985) |
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