Il y avait à l'aube des années 90 une vague de groupes qui
cherchaient à redonner du sang neuf à la scène des 80's
en la libérant des poncifs qui commençaient à l'étouffer.
Cette nouvelle école tentait un virage en douceur vers plus de sobriété
dans le son et les arrangements - préfigurant un peu le rock moderne
tel qu'on le connait aujourd'hui - tout en conservant un sens aigu de la mélodie.
On citera des groupes comme Arc Angels, The Red House, Poorboys, ou encore
Gun, King Swamp, voire même Diving For Pearls et Tall Stories qui apportaient
eux aussi un souffle nouveau à l'AOR par la fraicheur de leurs productions.
Hélas pour ces musiciens, la roue avait déjà commencé
à tourner, le public - guidé par les médias - voulait
un chamboulement total, et la plupart des efforts de ces groupes souvent très
inventifs s'avéreront vains. On peut également citer dans cette
catégorie les américains de NEVERLAND, dont ce premier album
avait tout pour séduire, mais qui hélas ne recevra pas le soutien
promotionnel nécessaire pour percer comme il le méritait. Triste
sort pour un groupe qui arrivait d'emblée avec un album sans faille
et un chanteur de tout premier ordre, à la voix délicate et
hyper expressive. Neverland tentait en quelque sorte un croisement entre AOR
et hard bluesy, et le résultat était pour le moins étincelant.
Forts d'un talent d'écriture assez exceptionnel, Dean Ortega (chant),
Patrick Sugg (guitare) et leurs amis se surpassaient en composant 11 titres
variés, à la fraîcheur toujours aussi tonifiante près
de 15 années après leur mise en boîte. Lorsque Neverland
penche plus vers l'AOR comme sur les superbes Running On, Cry All
Night ou Mama Said, le style n'est pas sans rappeler
celui d'un NUCLEAR VALDEZ, soit un rock mélodique à la fois
sobre dans son orchestration et incroyablement riche mélodiquement
et d'un point de vue émotionnel. L'émotion ne quitte du reste
jamais cet album, même quand le ton se fait plus hard rock comme sur
My Opinion, Talking To You ou encore le très 70's
For Your Love ; on pense ici plus à une sorte de BLACK
CROWES finement dégrossi, et Dean Ortega montre alors souvent une facette
plus hargneuse de sa palette vocale, tout en conservant cette étonnante
classe qui transpire de tout ce disque. Malhreusement, l'aventure Neverland
ne s'éternisera pas, le groupe se séparait peu après
avoir défendu l'album en tournée. On parlait alors de problème
relationnels entre le groupe et Ortega. Celui-ci ne sera d'ailleurs pas rappelé
lors de la reformation éphémère du groupe en 1996 avec
l'album Surreal World, laissant sans doute un grand vide (je n'ai
toujours pas écouté ce disque, assez décrié, si
j'en crois l'avis des fans). On retrouvait sa trace la même année
sur le premier album de TRIBE OF GYPSIES (mené par le guitariste de
Bruce Dickinson, Roy Z), puis dans REVOLUTION CHILD dont le style n'a plus
rien à voir avec l'excellence et la subtilité de Neverland.
De leur côté, Patrick Sugg et le batteur Scott Garrett se retrouvaient
à la même époque au côté du chanteur de THE
CULT dans Holy Barbarians, puis dans un projet sans lendemain (pas d'album
à ma connaissance) mené en collaboration avec le plus jeune
fils de Frank Zappa, Ahmet : SLEEPS 9.
Highlights : Mama Said, Cry All Night, Running On, 10.000 Years,
Lean On Me, Talking To You, Take Me Higher...
Tracklist :
01. Running On
02. Cry All Night
03. Take Me Higher
04. Drinking Again
05. 10.000 Years
06. Lean On Me
07. Mama Said
08. My Opinion
09. Time To Let Go
10. Talking To You
11. For The Love