Vers 1968, le guitariste Brian May et le batteur Roger Taylor jouent dans un groupe semi-professionnel, Smile, avec Tim Staffell, bassiste-chanteur. Farrokh "Freddie" Bulsara, plus tard Freddie Mercury, est alors l’ami de Tim Staffell au Ealing Art College, et quand ce dernier quitte Smile pour un autre groupe, Humpy Bong, en 1970, c’est Freddie qui pousse Brian May et Roger Taylor à continuer l’aventure avec lui, en suggérant un nouveau nom, QUEEN. Le groupe utilise plusieurs bassistes, Mike Grose, Doug Bogie ou encore Barry Mitchell, sans trouver le définitif. Ce n’est qu’en février 1971 que John Deacon est embauché, pour le début de l’enregistrement de leur premier album. Deux années plus tard, et après pas mal de difficultés dues au peu de moyens dont disposait le groupe, ce premier album éponyme sort chez EMI, la pochette étant dessinée par Freddie. La critique de Gordon Fletcher, du magazine Rolling Stone, est plutôt favorable : « leur premier album est superbe, il s’agit d’un début au dessus de la moyenne ». L’accueil du public s’avère nettement moins enthousiaste, le single Keep Yourself Alive ne se vend pas très bien, heureusement que la situation s’améliorera par la suite, et l’album sera reconnu à sa juste valeur plus tard. Et ce n’est que justice, car le combo faisait avec cet opus une entrée en force, en établissant carrément, en ce début des années 70, une nouvelle façon d’exprimer le hard rock, alors que la composante anglaise était déjà bien étoffée et diversifiée, avec Led Zeppelin, Deep Purple, Black Sabbath et autres… Et tous les ingrédients qui feront plus tard le succès planétaire du groupe sont déjà là, même si les influences des groupes du moment restent perceptibles, ce qui est le cas de Modern Times Rock'n'Roll, chanté par le batteur Roger Taylor, qui du coup a un petit air de LED ZEPPELIN, et la ballade The Night Comes Down, qui sonnent un peu vieillot. Mais sur d’autres, tout est déjà en place, le côté hard rock débridé sur Keep Yourself Alive avec les guitares acérées de Brian May, les titres un peu fous qui jouent avec les tempos, comme Doin' All Right ou plus encore Liar, les chœurs si caractéristiques très présents et en contraste avec le riff heavy sur Son & Daughter. Toute la créativité du groupe s’exprime aussi pleinement sur Great King Rat et le superbe solo final de Brian, et plus encore sur My Fairy King, véritable petit chef d’œuvre intemporel alliant piano classique, la voix androgyne de Freddie déjà à son zénith et les chœurs. A noter aussi le court mais magnifique instrumental en clôture : Seven Seas Of Rhye. Et au final une superbe entrée en matière d’un groupe qui démontrait ici qu’il possédait toutes les qualités pour devenir très grand.