Quatorze années d’attente, un coût de
20 millions de dollars, soit l’album le plus cher de la planète
rock, quatorze studios différents utilisés pour l’enregistrer,
et le voila enfin, le précieux objet qui a déclenché toutes
les polémiques. C’est en effet en 1994 que Chinese Democracy
fut annoncé, mais après une épuisante tournée mondiale
de près de 200 dates dans près de 30 pays de la planète,
et après luxe de crises d’ego, le groupe éclata en 1996,
avec le départ de Slash qui entraîna avec lui Duff McKagan et Matt
Sorum pour former Velvet Revolver. Seul aux commandes, Axl engage alors un grand
nombre de musiciens, Bumblefoot (guitare solo), Richard Fortus (guitare rythmique),
Dizzy Reed (piano, claviers, percussions, chœurs), ou les intérimaires
Buckethead (guitare) et Robin Finck (guitariste de N.I.N). D’autres encore
ont pris part à la réalisation sur une partie limitée de
l’album, ainsi Paul Tobias, guitariste rythmique, sur quatre titres, le
claviériste Chris Pitman, deux titres, ou en tant que simple invité,
Dave Navarro, Brian May, les parties de guitare de ce dernier ayant finalement
été effacées, créant une mini polémique sans
vraiment de conséquences, Brian ayant réagi à l’évènement
avec un « fair play » très britannique. Cette longue attente,
faisant de l’album une véritable arlésienne, avec luxe de
fuites entretenant le suspense, se concrétise dans le forum de Rockmeeting,
avec un topic de plus de quarante pages ouvert dès le début de
l’année 2006, cristallisant toutes les impatiences d’une
part, puis les déceptions de ceux qui attendaient un bis repetita des
années glorieuses, et qui ont rapidement été déroutés
par la capacité de création d’Axl. Car le frontman ne s’est
pas contenté d’un simple « copier-coller » des productions
d’antan, mais fait littéralement preuve d’une inventivité
débordante qui fera date, même si elle est pour l’instant
un peu masquée par les habitudes d’un consumérisme instantané.
En effet nombre de chroniques et de réactions ont été comme
souvent rédigées dans la précipitation, passant un peu
à côté de la profondeur de l’œuvre, qui se dévoile
au fur et à mesure des écoutes. Le temps constitue toujours un
redoutable allié pour différencier un album auquel on accroche
d’emblée et dont on peut se lasser assez vite, de celui dont les
premières écoutes laissent perplexe, et qui finalement dévoile
graduellement une œuvre qui traversera beaucoup mieux le temps. Il s’agit
exactement de cela ici, cette fameuse production, très chronophage et
gourmande en dollars, aboutit finalement à une richesse des sons rarement
poussée à un tel degré, sans pour autant conduire à
un quelconque déficit de mélodies, elles sont au contraire très
attractives, à l’exception des Scraped et Riad
N' The Bedouins, pour moi un peu en deçà. Au niveau instrumental,
s’il en est encore pour regretter Slash, la plupart des amateurs de guitare
seront comblés tant la galette regorge de soli et de riffs, la liste
pléthorique des musiciens en témoignant par ailleurs. La ballade
Madagascar montre que les claviers n’ont pas été
négligés. Quant à la prestation d’Axl, elle reste
éblouissante, une voix unique, véritable « trademark »
du son des Guns, c’est bien lui qui assure la continuité, même
en l’absence des anciens. Alors bien sûr cet investissement énorme
et cette prise de risque ne se révèlent pas aussi payants que
la stratégie d’autres dinosaures, comme AC/DC, qui se sont contentés
d’appliquer de bonnes vieilles recettes. Mais à défaut de
raz de marée commercial, il reste une œuvre riche et atypique, qui
fera le bonheur de tout ceux pour qui hard rock est d’abord synonyme d’innovation
et de créativité.
Highlights : Better, Chinese Democracy, There Was A
Time, I.R.S., Madagascar, This I Love, Street Of Dreams, Street Of Dreams
Tracklist :
01. Chinese Democracy
02. Shackler's Revenge
03. Better
04. Street Of Dreams
05. If The World
06. There Was A Time
07. Catcher In The Rye
08. Scraped
09. Riad N' The Bedouins
10. Sorry
11. I.R.S.
12. Madagascar
13. This I Love
14. Prostitute
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