| ENGLISH VERSIONEntretien avec Jerry G. Hludzik (chant + basse).
Avec Deep 6, les américains de DAKOTA sont de retour avec ce qui restera
sans doute comme l'un des meilleurs album AOR de l'année. Le chanteur
Jerry Hludzik revient sur la longue histoire de ce groupe dont la réputation
n'est plus à faire auprès des fans de rock mélodique.
Salut
Jerry. Avant de commencer, félicitations pour le nouvel album. C’est
assurément l’un des meilleurs album AOR de l’année
pour moi. Es-tu satisfait du résultat final ?
Jerry G. Hludzik: Salut Cédric
et Rockmeeting. Ravi que tu apprécies l’album. Nous sommes vraiment
très heureux de voir comme Deep 6 est accueilli partout dans le monde.
Nous avons eu droit à un vrai parcours du combattant pendant plus de
18 mois. Il y a bien quelques mixes que j’aimerais refaire, mais c’est
le commun de tout projet. Mais globalement, oui, je suis content du résultat.
Je pense que c’est vraiment dommage qu’aucun
gros label de rock mélodique ne vous ait signé pour ce disque.
J’ai entendu dire que vous aviez été en contact avec Frontiers
avant de sortir Deep 6. Est-ce vrai et pourquoi cela n’a-t-il pas abouti
?
Oui, nous étions tout proche de conclure avec Frontiers. Nous aimions
la direction empruntée par le label et nous pensions que DAKOTA correspondait
parfaitement. Toutefois, en fin de négociation, nous avons respectueusement
décliné l’offre. La porte n’est pas fermée
pour autant, et nous aurons peut-être l’occasion de travailler avec
eux dans le futur. Actuellement, nous sommes également en contact avec
quelques labels japonais à propos d’une licence de distribution
pour Deep 6 vers le début de l’automne (septembre/octobre).
Pourquoi avoir appelé cet album Deep 6 ? Etiez vous à
ce point pessimistes quand vous avez enregistré l’album ?
Non, au contraire… c’était juste une sorte de slogan que
quelqu’un a sorti au cours de l’enregistrement, et on l’a
gardé. C’est vrai qu’il y a beaucoup de connotations dans
le titre Deep 6, et je peux voir d’où vient ta question…
Six pieds sous terre, oublie ça, mais Deep 6 signifie un peu 'mort'.
On a pris l’habitude d’incorporer le numéro de l’album
dans le titre des cds de DAKOTA. Little Victories présentait un gros
‘V’ sur la pochette, comme ‘5’. Quelque part dans Deep
6, il y a aussi un nombre caché :). En fin de compte, Deep 6 est simplement
un petit coup sarcastique porté à quelqu’un en particulier,
dans le business de la musique, qui souhaitait nous voir au fond du trou. Ca
montre également que nous sommes loin d’être morts ou supersticieux
concernant l’interprétation que les gens ont du titre. On a même
ajouté un treizième titre !?! Nous n’avions peur de rien…
Bien
que le titre soit plutôt sombre, la musique est un véritable rayon
de soleil et je dois dire que je me sens vraiment bien à chaque fois
que j’écoute l’album. Un bon mélange entre AOR émotionnel
et Westcoast, je trouve. Comment est-ce que tu décrirais personnellement
ta musique ?
Avant tout, je suis vraiment touché que tu apprécies la musique,
et que tu la décrives comme tu le fais, comme quelque chose qui te rend
heureux. Ca me donne le sourire, et je me dis que nous avons fait notre boulot
! C’est du rock mélodique classique, avec un soupçon de
West Coast et de bonnes accroches mélodiques qui restent facilement en
tête. C’est notre manière d’écrire, ça
vient comme ça. On est forcément influencé par ce dont
on se nourrit, et de tout temps j’ai toujours écouté de
la musique chantée avec de bonnes structures mélodiques et des
refrains dont on se souvient plus de 3 minutes après la fin de la chanson.
J’espère que Deep 6 correspond à ce que j’ai décrit.
C’est du Dakota, c’est ce que nous savons faire. Je pense que nous
ne sommes pas loin du compte.
Je crois que tous les membres de Dakota chantent sur l’album.
Comment décidez-vous qui chantera sur une chanson ?
Etant donné que Bill Kelly avait quitté le groupe, je chantais
sur les deux précédents albums - Last Standing Man et Little Victories
– car j’étais la seule voix familière qui restait.
Nous pensions que c’était la transition la plus sage pour commencer.
Sur Deep 6, nous avons décidé que Rick, qui a une très
belle voix, devrait s’essayer au chant sur quelques titres. La plupart
du temps, nous sentons qui est le plus à même d’interpréter
la chanson, et c’est souvent l’auteur du titre.
Votre précédent album est sorti il y a environ trois ans.
Avez-vous travaillé sur Deep 6 durant toute cette période ?
Non, seulement pendant 18 mois avec quelques interruptions. De nombreux problèmes
nous ont retardé. Des problèmes de matériel aux accidents
de voiture dont Jon et moi avont été victimes, la production a
été mise en suspens pendant plusieurs mois à un moment.
C’était une période très frustrante pour moi, mais
j’ai appris à être patient non seulement pour ça,
mais aussi pour tout le reste dans ma vie… donc c’était plutôt
une bonne chose finalement.
J’ai noté que votre ancien partenaire Bill Kelly est revenu épauler
le groupe pour quelques chœurs. Comment êtes-vous parvenus à
l’impliquer à nouveau dans Dakota ?
En août 2002, Kelly et moi nous sommes retrouvés après de
nombreuses années de séparation (après plus de 17 ans de
collaboration). Nous sommes restés en contact depuis… nous avons
discuté sur un projet commun, mais ça a pris encore une année
avant de le retrouver à chanter avec Dakota ! C’était la
première fois qu’il nous rejoignait Rick et moi-même en studio
depuis les sessions de Runaway en 1983. On a pris beaucoup de plaisir ce jour
là. Beaucoup de sensations sont revenues… toutes bonnes ! Kelly
pourra jouer un plus grand rôle sur le prochain album si il le désire.
Peut-être qu’il chantera quelques leads sur le prochain cd de Dakota,
peut-être même une collaboration Hludzik/Kelly attendue de longue
date ! La porte est grande ouverte. C’est à lui de voir, mais nous
serions ravis de l’avoir avec nous !
Bill Kelly, Jerry Hludzik et Rick Manwiller
Bill Champlin (de CHICAGO) fait aussi des chœurs comme il le faisait
déjà sur le précédent cd je crois. Comment l’avez-vous
rencontré ?
Bill est super, c’est un plaisir de travailler avec lui, et il est toujours
là pour nous. Nous l’avons rencontré en 1983 lorsqu’il
avait fait quelques chœurs sur Runaway. Depuis cette époque, nous
sommes restés en contact et sommes devenus amis. Il a également
chanté en duo avec moi sur Little Victories. Je vois Champ au moins deux
fois par an quand CHICAGO passe dans notre région. Ca finit toujours
en un gueuleton qui se prolonge jusqu’au petit matin. Ou si je suis en
Californie, nous nous arrangeons pour réserver un peu de temps pour nous
voir. Je vais passer une semaine là-bas en mai, et je suis sûr
qu’on y fera un truc sympa. Bill a toujours fait du bon boulot sur les
albums de Dakota sur lesquels il nous a honoré de son talent. Cet été
je verrai CHICAGO avec Earth Wind & Fire en juin et à nouveau en
juillet pour quelques jours. Peut-être qu’on aura le temps d’écrire
un peu ensemble. Son fils Will est également un très bon compositeur
/ guitariste avec une superbe voix comme son père. On a déjà
parlé d’essayer de le présenter à mon fils Eli pour
monter un groupe ! Je te tiendrais au courant sur le nouveau Chicago, mais Bill
a terminé un nouvel album de Sons Of Champlin, donc tu peux déjà
attendre celui-ci !
Parlons à présent des débuts de DAKOTA. Votre
second album – Runaway – est devenu un classique pour les fans d’AOR
au fil du temps. Comment expliques-tu que ce disque ne se soit pas tellement
bien vendu lors de sa sortie ?
On a eu des problèmes avec MCA... L’album ne s’est pas vendu
comme il aurait dû, mais vu les circonstances, ça n’était
pas si mal quand même. Ca commençait à marcher mais ça
a brusquement capoté... Aucune promotion ! On était abandonné
en pleine mer, et à vrai dire, c’était un fichu gâchis.
Une tragédie américaine ! Nous avions d’abord été
signés par le label Full Moon / Warner Bros. L’album était
terminé mais avait été mis de côté pendant
10 mois. Irving Azoff, alors manager des EAGLES et CHICAGO et également
récemment nommé directeur du label MCA, nous avait appelé
pour nous dire qu’il nous signerait, que ça n’était
qu’une question de temps. Donc nous attendions mais quand nous fûmes
finalement signés, ils étaient trop occupés avec des groupes
comme NIGHT RANGER, THE FIXX, les EAGLES ou GLENN FREY pour n’en citer
que quelques uns. Nous nous retrouvions mis de côté au milieu de
tout ça. C’est vraiment dommage car on avait réuni une super
équipe sur ce disque avec Kelly, moi, Danny Seraphine, Bobby Lamm et
Bill Champlin de CHICAGO, Steve Porcaro (TOTO) et plusieurs très bons
guitaristes, sans oublier l’excellent Humberto Gatica à la console.
Nous avons toujours pensé que c’était un album parfait pour
son époque, que ce soit au niveau des chansons, de l’interprétation,
il se passait vraiment quelque chose de magique !
Vous
avez pris un long break après la sortie de Runaway. Pourquoi ?
Après avoir travaillé de nombreuses années ensemble, nous
nous sommes simplement senti vidés, et nous avions besoin de respirer.
1987 a vu l’inévitable se produire, et Dakota a joué ce
que nous pensions être son dernier show au Montage Amphitheatre de Scranton,
devant environ 17.000 fans. Après 17 années passées ensemble,
Kelly et moi avons décidé que nous avions besoin de prendre du
recul et de faire le point sur notre travail. Nous pensions qu’il était
préférable qu’on tourne la page Dakota, et ça a duré
environ 10 ans. Mais nous n’aurions jamais pensé que ça
aurait pris encore 17 ans avant de retravailler ensemble, attendre 2004 et Deep
6 !
Qu’est-ce qui vous a amenés à revenir au milieu
des années 90 ?
En mars 1996, j’ai commencé à avoir des échos en
provenance d’Europe sur le fait que Dakota, en dépit de la faible
promotion aux Etats Unis, était au fil du temps devenu un groupe connu
et respecté, et nous avons finalement signé un contrat de distribution
avec Escape Music pour rééditer The Lost Tracks (légèrement
modifié) sous le titre Mr. Lucky (ESM-005). Le succès reçu
par le nouveau disque m’a amené à contacter Rick Manwiller
pour commencer à écrire à nouveau ensemble, et mettre sur
pied la nouvelle configuration du groupe. Mr. Lucky a préparé
le terrain pour The Last Standing Man, et le cd est sorti en Europe en septembre
1997 et au Japon en février 1998. Est ensuite venu Little Victories en
2000 et maintenant Deep 6 en 2004…
Vos précédents albums ont été réédités
récemment. A combien d’exemplaires sont-ils ressortis, et se sont-ils
bien vendus ?
Nous en avons fait faire plusieurs milliers de chaque titre, remasterisés
et reconditionnés, et oui, ils se sont plutôt bien vendus ! Cependant,
Runaway semble le plus recherché. Il faudra sans doute en refaire une
série.
Deep 6 est sorti sur le label Melody
Blvd. Peux-tu nous en dire plus sur ce label ?
Scott Sosebee et Dakota ont travaillé main dans la main sur les projets
du groupe depuis plusieurs années maintenant, donc nous avons décidé
de poursuivre notre collaboration. Il nous avait été très
précieux lors de la réédition de nos albums en cd. Le label
est basé aux Etats Unis, avec un type extra aux commandes.
Quel
regard portes-tu sur l’industrie du disque ?
Les radios US passent vraiment de la merde à mon avis. Le monde et les
orientations musicales ont changé de façon drastique. Le hip hop
et le rap ont pris le dessus et ne lâcheront pas l’affaire. Rob
Thomas et MATCHBOX 20 sont à mon avis le seul lien qui reste avec la
musique mélodique que nous avons connue. Il semble qu’elle ait
disparu. Aujourd’hui, les multinationales font marcher des labels qui
ignorent tout sur la manière de développer un artiste sur la durée.
Ils ne sont intéressés que par l’argent facile. Ils se disent
que si un artiste s’essoufle vite de nos jours, ils en trouveront un autre
au coin de la rue. Internet est pour ainsi dire le seul moyen qui nous ait permis
de revenir. Bien que Deep 6 ait reçu de bonnes critiques, avec un style
de musique qui correspond au goût d’une infime partie du public
mondial (et vous vous reconnaitrez tous), c’est une lutte sans fin. L’industrie
que nous avons connue par le passé, quand nous étions représentés
par CBS et MCA, s’est volatisée ! Il revient aux groupes qui font
cette musique, aux fans de cette musique, aux sites web et magazines comme le
tien, de conserver la machine en état de marche. Nous ne remporterons
pas la course, mais au moins nous sommes encore tous dans cette course grâce
à la passion et l’amour de ce que nous faisons pour continuer.
Ca en vaut la peine, tu ne crois pas ?
Dans une récente interview, j’étais à la
fois surpris et ravi de trouver JADED HEART parmi les groupes que tu apprécies
particulièrement. Quel genre de musique écoutes-tu chez toi ?
Oui j’aime le titre Africa de JADED HEART. Je l’ai entendu sur la
radio italienne Live 365 AORMANIACS. J’aime aussi le groupe STREET TALK…
je crois que le morceau s’intitule Made For Paradise. J’aime aussi
beaucoup les vieux albums de TOTO et les deux derniers avec Simon Philips à
la batterie. Nous avons travaillé avec quelques membres du groupe sur
Runaway. Ces deux dernières années, j’ai écouté
très peu d’albums du fait que nous travaillions sur Deep 6, et
aussi parce que les radios américaines sont déprimantes !
Pour
finir, qu’y a-t-il de prévu pour Dakota prochainement ?
Eh bien pour le moment on assure la promo pour Deep 6. On négocie également
une possible tournée, ce qui serait la première depuis longtemps.
Ce serait sympa. Le groupe est très fort sur scène, il l’a
toujours été. Le nouvel album est prévu pour le printemps
ou l’été 2005. Le premier volume d’un best of est
également au programme, et Rick et moi réfléchissons à
des projets solo. Très très chargé quoi !
Tu veux ajouter quelque chose pour les lecteurs de Rockmeeting ?
Nous apprécions tout ce que les fans peuvent nous dire que ce soit par
téléphone, emails ou par les chroniques sur les sites web qui
font vivre ce style de musique. Nous travaillons dûr pour vous proposer
la musique que vous aimez. Il semble que nous soyons parvenus à apporter
notre pierre à l’édifice pour garder cette musique en vie
si on en juge par les critiques très enthousiastes que nous avons reçues
à propos de Deep 6. On aimerait beaucoup venir en France pour nous produire
en concert électrique ou acoustique dans un futur proche ! Je voudrais
également remercier Rockmeeting pour le soutien et les choses très
positives écrites sur Deep 6. Il y a de l’espoir pour que ce soit
le début d’un long parcours ensemble, pour ton site et Dakota !
Photos individuelles (de haut en bas) : Jerry, Rick Manwiller, Jon Lorance
et Eli Hludzik.
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© Rockmeeting.com - Mai 2004
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