Quatorzième album pour les anglais de MARILLION ! Que
de chemin parcouru par ce groupe insolite : de leurs débuts étincelants
avec Fish à l'aube des années 80 jusqu' à la géniale
et libre plénitude créatrice de l'ère Hogarth (il remplace
le géant écossais à partir de 1989), ils auront su s'affranchir,
au fil du temps, des modes et des courants musicaux pour se forger une identité
qui leur est propre, semblant même s'éloigner de la mouvance progressive
dans laquelle on les range un peu trop facilement. Un luxe à la hauteur
de leur talent si singulier, un talent relayé par des fans dévoués
qui vivent en totale osmose avec ces musiciens d'exception ! C'est d'ailleurs
avec le frémissement de l'exaltation que ce public averti attend le successeur
de l'excellent Marbles (mais les "autres" sont également
invités à partager l'effervescence suscitée par cette nouvelle
livrée marillioniène !). Alors qu'en est-il de ce Somewhere
Else ? Eh bien, après un premier survol de l'album où je
suis resté un peu circonspect par rapport à une carence assez
manifeste de mélodies entraînantes, j'ai enfin pu saisir la moelle
de ce disque : il s'est révélé à moi un peu comme
la Vierge Marie le fut à Bernadette Soubirous ! Assez soudainement, dans
l'intimité privilégiée d'une écoute au casque !
Et là, j'ai pu mesurer toute l'intelligence dont ils ont su, une fois
de plus, faire preuve. Comme je le disais, n'allez pas chercher des refrains
faciles ou des envolées sirupeuses, car Marillion s'est débarassé
du postulat de base d'une chanson qu'est la mélodie. Le groupe, s'est
élévé, avec une audace toute naturelle, au niveau supérieur
de l'art : celui qui tend à dire que c'est profondément et tout
simplement beau ! Ce "beau" qui est au-dessus de tout et qui transforme
cette fameuse mélodie en un fluide qui vous parcourt les membres de la
tête aux pieds en vous faisant chavirer le coeur et les sens. A l'écoute
de ces dix titres, vous rencontrez une musique à la fois généreuse
et mélancolique, qui vous caresse, qui vous berce, qui vous donne l'impression
de vivre une expérience aquatique surnaturelle comme porté dans
la poche de liquide amniotique maternelle : lieu d'échanges et de vie
à l'instar de ce disque ! C'est enfin la douce sensation d'être
couché dans l'herbe d'un pré, et d'un regard absent suivre la
lente course des nuages qui ponctue le ciel bleu. Cette nouvelle facette du
groupe, particulièrement intense et d'une émotion toute viscérale
me rappelle un peu l'énigmatique Afraid Of Sunlight mais s'éloigne
des titres les plus chantants et les plus spontanés qui ont jalonnés
leur carrière jusqu'à présent (excepté le morceau
Most Toys, super mais un peu seul dans son contexte...). Toujours
est-il qu'ils ont trouvé avec ce Somewhere Else un liant et
une consistance qui apporte une couleur particulière à leur travail
et qui dénote une propension à la discussion et au partage d'idées
au moment de la conception. Tout y est impeccable : les sonorités utilisées,
la production, le chant pur de Steve Hogarth, les interventions discrètes
mais lumineuses du guitariste, l'ouvrage tout en retenu et en élégance
de la section rythmique, les ambiances parfaites dessinées par Mark Kelly
aux claviers, et la sobriété générale qui émane
de ces 52 min de bonheur. Chapeau bas messieurs, vous prouvez que vous êtes
capables de perdurer dans l'excellence, simplement en attaquant la musique sous
un angle différent et sans renier le style qui vous caractérise
! La classe !
Highlights : See It Like A Baby, Most toys, Somewhere Else, No such
Thing, The Wound, Faith...
Tracklist :
01. The Other Half
02. See It Like A Baby
03. Thank You Whoever You Are
04. Most Toys
05. Somewhere Else
06. A Voice From The Past
07. No Such Thing
08. The Wound
09. The Last Century For Man
10. Faith
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