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dream theater paris la seine musicale 26 01 2020 le live report

Plus que jamais, de nos jours les artistes ont besoin de la scène pour exister.

Certes, la scène fut et restera le plus souvent une raison d'être pour la plupart des musiciens, mais l'évolution du marché du disque et la très faible ouverture d'esprit des média français rend cet exercice désormais quasi vital pour survivre. Je me permets donc de me montrer perplexe sur la répétition du concept "une soirée avec …" auquel beaucoup d'artistes semblent désormais attachés. Moi-même au début je trouvais enivrant d'assister durant toute une soirée à un concert de Steven Wilson, d'Anathema ou de Dream Theater… Mais avec le recul je me dis aussi que bon nombre d'artistes seraient ravis de bénéficier d'une invitation à se faire connaitre…

Sur les douze concerts précédents auxquels j'ai pu assister, seuls quatre m'ont permis de voir d'autres groupes invités ; la découverte de Spock's Beard (07/04/2000), puis de Pain of Salvation (07/02/2002), et Periphery (03/02/2012) et, dans le cadre de ProgNation (04/10/2009), Unexpect, Bigelf, et Opeth.

Me voilà donc de nouveau taraudé par un sentiment partagé ; une belle et longue soirée s'annonce avec Dream Theater, sans la pollution d'un groupe d'ouverture qui aurait pu être mal choisi, mais aussi sans une potentielle découverte musicale ...

Bon, c'est un débat. Un de plus dans notre microcosme de passionnés … Mais ce n'est pas cette question qui pourrait parvenir à ternir ma bonne humeur à l'ouverture des portes de La Seine Musicale à 17h30. Quelques cinq mille personnes s'engouffrent avec nous dans le superbe auditorium…

DREAM THEATER [acte I : 19h00-19h55 / acte II : 20h15-21h45].

Petit rappel de présentation de ce fabuleux groupe américain trop peu reconnu dans nos contrées : John Petrucci (guitares, chœurs), John Myung (basse, chapman stick), demeurent les deux membres fondateurs du groupe créé en 1985, puisque qu'un certain Mike Portnoy (batterie) a souhaité en 2010 partir butiner vers d'autres plantes aux saveurs plus métalliques…

James LaBrie (chant, percussions) est toujours là ; pourtant il venait de les rejoindre depuis 1991, lorsque son destin de chanteur a bien failli tourner court. Il convient de rappeler pour la compréhension du présent récit que lors de vacances à Cuba, le 29 décembre 1994, il fut intoxiqué par un plat de crevettes contaminées ; les vomissements successifs ont gravement abîmé ses cordes vocales. Ses capacités furent d'autant plus altérées qu'il ne suivit pas les conseils de son médecin et s'obstina l'année suivante à prendre la route pour la tournée "Awake"… Sans le soutien du reste du groupe, il aurait pu abandonner car les dix années suivantes nécessitèrent une patiente rééducation. La tessiture de sa voix ne sera cependant plus jamais aussi performante ; la bienveillance de ses compagnons et celle du fidèle public permettent de tolérer quelques limites ressenties ici et là.

C'est désormais, Jordan Rudess (claviers, depuis 1999) et Mike Mangini (batterie, depuis 2011) qui complètent cet ensemble.

Cette succincte énonciation serait incomplète sans un nouvel hommage à Atco Records, dirigé par un certain Derek Shulman ancien membre du groupe de rock progressif légendaire Gentle Giant, grâce auquel DT a pu attirer au moins l'attention d'un public de mélomanes avertis. Nonobstant cette relative confidentialité, DT semble se satisfaire de ne pas s'exprimer dans les stades. A vrai dire, nous aussi !

Par la grâce d'une âme éclairée, je fus un peu poussé à me rendre au Zénith (Paris 19) le 7 avril 2000, pour m'assurer de mes premières impressions ressenties à l'écoute de "Scenes from a Memory" qui était paru en novembre 1999. Je me souviens qu'à l'époque je m'accrochais davantage à Angra, un groupe brésilien également talentueux (mais dont la cohésion ne survécut pas aux prémices d'un succès pourtant dessiné).

Je ne m'attarderai pas sur la monumentale claque reçue ce soir-là. D'ailleurs, je m'en suis si peu remis que l'idée de fêter le 20ème anniversaire de "Metropolis Pt. 2: Scenes from a Memory" m'émeut tout particulièrement par avance ! C'était le début de la collaboration de Jordan Rudess derrière les claviers, qui est donc toujours là. Mais, pour que la fête fût humainement totale, au-delà des compétences honorables de Mike Mangini, Mike Portnoy sera le grand absent …

Comme tout ancien combattant, on aime bien commémorer les anniversaires même s'ils entretiennent aussi une certaine mélancolie au regard de ce temps qui passe et qui ne reviendra plus… La dernière prestation parisienne de Dream Theater, le 12/02/2017, fut l'occasion de fêter le 25ème anniversaire de leur second opus, "Images and Words". C'était déjà une légitime raison de convoquer les admirateurs. Mais cette fois, il s'agit de commémorer ni plus ni moins que LE chef d'œuvre du groupe. Selon mes capteurs réceptifs (oreille, peau, poils,..), il s'agit d'une œuvre intemporelle, magistrale, à la hauteur des plus grands opus conceptuels de l'histoire de la Musique. SFAM fait successivement pleurer, frémir, transpirer, sauter, hurler de plaisirs ; ces harmonies sublimes, ces ruptures rythmiques, ces atmosphères dépaysantes et contrastées, ces démonstrations de talents individuels au service d'une musique transcendante, tout porte cet opus au firmament des Œuvres musicales.

Ce récit a vocation de relater succinctement mes modestes impressions sur ce concert. Il ne prétend à aucune objectivité journalistique. Mais fort de mon intérêt pour leur dernier opus "Distance over Time" paru en mars 2019, et dudit anniversaire, j'admets volontiers qu'il eût fallu une grosse catastrophe pour que ces artistes me déçoivent vraiment.

Dans ce formidable écrin que constitue La Seine Musicale, la qualité de la sonorisation était entre les seuls doigts de l'ingénieur du jour… J'étais positionné dans les tout premiers rangs, légèrement excentrés sur la gauche, plutôt en face de Myung. De ce point d'écoute, j'ai ressenti quelques frayeurs auditives avec une batterie parfois excessive, mais heureusement cette impression se dissipa assez rapidement. Le son de la voix ne m'est pas toujours paru audible, mais les autres auditeurs semblent en avoir ressenti différemment ces effets. Toujours ce difficile choix de positionnement entre bien voir des premiers rangs ou mieux entendre au pied de la console de sons… Il n'est pas certain que le balcon fut l'idéal, même dans cet auditorium.

Un éclairage particulièrement lumineux et flamboyant permit aux yeux et aux objectifs de saisir de magnifiques effets scéniques. Le fond de scène était constitué d'un écran extra large sur lequel se sont succédés images et mini film bien entendu en rapport avec les thèmes futuristes de "Distance Over Time" durant l'acte I, puis en rapporte avec SFAM durant l'acte II.

La scène, assez classique est constituée d'un surplomb pour la batterie, entouré d'une passerelle à laquelle LaBrie accéda à volonté par deux rampes d'escaliers latéraux. Petrucci les empruntera uniquement de son côté, mais par contre il se déplacera souvent vers notre côté pour notre plus grand plaisir.

La mobilité de Rudess, avec son clavier inclinable et orientable à volonté ainsi que son clavier portable, est moins inhabituelle que celle du "joyeux-drille" Myung. Etant dans la perspective des deux musiciens, j'ai pu mesurer les contrastes de leurs attitudes ! Alors que l'exubérant claviériste ne manque pas une occasion de se dévisser de son piédestal, le bassiste demeure très concentré, "habité" par sa partition. Il reste dans un cercle imaginaire assez restreint, dont il ne sort que très rarement. Il se permit toutefois (ô étonnement) de basculer, à quelques reprises, son vénérable corps dans un geste périlleux allant de l'arrière vers l'avant avec une audace que nous ne lui connaissions pas. Je me moque de son humilité, de son austérité, je ne suis pas gentil, je le confesse. Qui aime bien châtie bien, dit-on ; j'admire pourtant beaucoup l'abnégation de Myung qui tricote sans cesse ses partitions dont l'ombre de celles de Petrucci. A l'excès diront certains, car avec une telle dextérité on l'écouterait volontiers s'exprimer davantage que durant les trop rares soli qui lui sont concédés …


Bien entendu au-delà des observations futiles portant sur l'attitude des musiciens, j'ai surtout pu confirmer toute la virtuosité de chacun de ces artistes. Les quelques limites vocales de LaBrie ne me paraissent pas de nature à nuire notablement à l'ensemble, d'autant moins qu'elles furent beaucoup moins pénalisante durant l'acte II. Fait notable, les chœurs étaient autrefois assurés par Mike Portnoy et par John Petrucci ; désormais ce dernier les assure seul. L'apport harmonique de Rudess est indéniable, il apporte un soutien appréciable à la rythmique de Myung et Mangini pour accompagner les prouesses admirables de John Petrucci.

Ce dernier rappelle avec brio aux jaloux que la virtuosité n'a jamais été dans l'Histoire de la Musique, et ne sera jamais l'ennemie de l'Harmonie avec un ensemble, ni de l'ennemie de la Mélodie. Dans Dream Theater, le talent est mis au service de l'émotion, mais avec une telle dose qu'elle peut incommoder les oreilles les plus délicates. A l'instar des différentes audiences dans la musique classique, où certains sont plus enclin à écouter de la musique de chambre et d'autres sont plus enclin à s'émouvoir avec des orchestres symphoniques au service d'un ou plusieurs soliste(s), il faut savoir apprécier ce déluge de notes avec lesquelles le bienheureux auditeur peut s'envoler ! Le public présent ce soir l'aura bien compris puisque les ovations déjà fortes durant l'acte I, sont devenues phénoménales durant l'acte II.

L'acte I fut composé de six titres, dont quatre issus de "Distance Over Time" ; (un cinquième sera interprété au rappel). L'exerce traditionnel de l'auditeur de base (que je suis) consistant à déplorer l'absence de tel ou tel titre ou de tel album pourrait me faire errer dans les méandres insondables, alors je me déclare relativement satisfait. Honneur à l'opus le plus récent, logique. Le superbe opus "Black Clouds" est évoqué avec un titre, c'est déjà très bien !

Et puis, très honnêtement, je dois avouer que j'attendais principalement l'acte II. Manifestement, je ne n'étais pas le seul dans cet état d'esprit ! En effet, c'est de nouveau une monumentale bouffée d'émotions qui envahit l'auditoire à chaque titre. Une démonstration d'une telle qualité que j'en oublie l'absence du batteur d'origine (et ce n'est pas rien de l'avouer !). Il serait vain pour ma modeste plume de vouloir détailler la multitude des impressions ressenties, il suffit au curieux d'écouter le CD ou, mieux, de visionner le film du concert enregistré à New York le 21 avril 2001 ! A cet égard, je me permettrais juste de déplorer l'absence d'un chœur gospel, qui aurait encore ajouté (si cela fut encore possible) un degré d'enthousiasme.

Je me permets juste de souligner les moments qui m'ont paru culminer cette seconde partie de soirée ; "Home" qui m'a fait oublier mon arthrose cervicale et a même bien failli me briser la nuque et "The Spirit Carries On" avec un public particulièrement participatif, chantant les paroles, les lampes de portables contribuant à une atmosphère féérique. J'en ressens encore les frissons.


PROGRAMME

Acte 1:
Untethered Angel (Distance Over Time 2019)
A Nightmare to Remember (Black Clouds & Silver Linings, 2009)
Paralyzed (Distance Over Time 2019)
Barstool Warrior (Distance Over Time 2019)
In the Presence of Enemies, Part I (Systematic Chaos, 2007)
Pale Blue Dot (Distance Over Time 2019).
Acte 2 (Metropolis, Part 2 : Scenes From a Memory) (1999) :
Act I: Scene One: Regression
Act I: Scene Two: I. Overture 1928
Act I: Scene Two: II. Strange Déjà Vu
Act I: Scene Three: I. Through My Words
Act I: Scene Three: II. Fatal Tragedy
Act I: Scene Four: Beyond This Life
Act I: Scene Five: Through Her Eyes
Act II: Scene Six: Home
Act II: Scene Seven: I. The Dance of Eternity
Act II: Scene Seven: II. One Last Time
Act II: Scene Eight: The Spirit Carries On
Act II: Scene Nine: Finally Free.
Rappel :
At Wit's End (Distance Over Time 2019).

A l'échoppe je n'aurai cédé à aucune tentation ; j'aurais bien pris celui à l'image de SFAM mais il n'avait pas les dates au verso.

Premier concert d'un calendrier 2020 qui s'annonce déjà dense, celui-ci constitue à n'en point douter une soirée particulièrement mémorable ! Je plains sincèrement ceux qui ne parviennent pas s'émouvoir avec une telle musique … En tout état de cause, le public qui m'entoure pour sortir de l'auditorium est heureux (certains diront béat), et c'est bien ce que nous sommes venus chercher par ces temps tourmentés…




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