Interview sur
le Parisien, Bernie Bonvoisin toujours corrosif : "Trust ... loin des Zénith, qui sont des déchetteries" !!!
Voir aussi des videos de la
1ere partie de la tournée ICI.
Le Parisien : Le groupe français, reformé après plusieurs années de brouille, est reparti pour une tournée bulldozer. Nous l'avons intercepté près de Rouen.
L'affiche « Au nom de la rage » barre l'entrée de la Traverse, la salle rock de Cléon, près de Rouen, ce jeudi de décembre. Après sept ans d'absence, dont cinq de fâcheries, Trust se reforme et remonte sur scène. Le groupe français le plus hard et politique, héros de la jeunesse révoltée des années 1980 avec ses hymnes « Antisocial », « l'Elite » et « Police, milice », fête son 40e anniversaire avec une longue tournée.
Ses fondateurs, Bernie Bonvoisin et Norbert Krief, dit Nono, le chanteur combattant et le guitariste charmant, racontent les coulisses de leur retour enragé.
Comment se passent vos retrouvailles ?
Norbert Krief. Détendues. L'ambiance est bonne, on prend du plaisir sur scène. Et les salles sont pleines, il y a une attente. On va faire le Hellfest, la Fête de l'Humanité, qu'on n'a curieusement jamais faite.
Bernie Bonvoisin. On fait la démarche d'aller vers les gens, dans des salles appropriées pour le rock, loin des Zénith, qui sont des déchetteries. On a changé toute l'équipe, le management, le tourneur, on travaille avec des gens pros, motivés, ambitieux, ce qui n'a pas toujours été le cas. Chacun a envie que ça marche.
Après cinq ans de brouille, quel a été le déclic ?
B.B. On s'est croisés en juin dernier à une terrasse. On s'est assis et on a parlé. Cela faisait près de dix piges qu'on n'avait pas joué ensemble et on en avait tout simplement envie. Le passé, c'est notre sauce, ça ne regarde que nous. On profite du présent.
N.K. On a tous les deux fêté nos 60 ans, on est plus sages. Et quarante ans de carrière, ce n'est pas rien.
Comment la voyez-vous ?
N.K. La musique, c'est un marathon, pas un 100 m. Et c'est encore mieux de finir un marathon. On nous voit comme un groupe de hard, mais on n'a aucun album qui ressemble à un autre. Le premier, il y a du piano, des choeurs, de la guitare acoustique. Le second est très rock, avec du sax. Le troisième est encore différent, le quatrième avec un orchestre symphonique...
B.B. Et le prochain sera primaire. Sur cette tournée, on joue très primaire, violent. Pas de blues, pas de ballades, pied au plancher.
Comme en 2006, vous revenez pendant une période préélectorale ?
B.B. On ne revient pas exprès, mais évidemment, cela joue. On a de la matière. Je suis encore plus inquiet qu'il y a dix ans. La pauvreté s'accentue, la parole raciste et xénophobe est lâchée, la société est toujours plus cynique... Regardez Wauquiez, qui envoie des pétitions pour que les maires n'accueillent pas les réfugiés. Il a une famille, ce gars ? C'est un chiffon. Tous les soirs, on joue un morceau tout neuf qui s'appelle « F-Haine », écrit à l'arrache, le premier jour de la tournée. Et on dit aux gars : « Réfléchissez ! »
Vous suivez les primaires ?
B.B. Aucun candidat ne parle de culture, cela me rend fou. On est un vieux pays et il faut du sang neuf, des gens de la société civile. Il y en a plein le cul des gars de 70 piges qui sont là depuis quarante ans. Dehors ! Je ne suis pas pour Macron ou NKM mais, au moins, ils ont une position moderne sur le monde.
Trust est-il un groupe politique ?
B.B. Non, on est juste des témoins. Mais la plupart des artistes pensent à leurs ventes de CD et DVD, et se demandent ce que va penser leur public s'ils disent ça ou ça. Sur le terrorisme par exemple, c'est important de s'attaquer au mal, mais aussi de comprendre ses sources.. J'ai réalisé un documentaire sur les enfants syriens (NDLR : diffusé il y a un mois sur LCP). Le cancer du Moyen-Orient, tout le monde sait que c'est le Qatar et l'Arabie saoudite. C'est à ces gens-là qu'il faut avoir le courage de parler. Mais on est gouvernés par des lâches... Et par l'argent.
Un retour sur scène enragé
Trust recommence où il a débuté, dans les petites salles des petites villes, pour retrouver ses sensations, mais aussi jauger sa popularité. En province, elle ne fait pas de doute. La Traverse, à Cléon, est bondée. Beaucoup des 700 spectateurs ont l'âge des fondateurs du groupe. Comme Luc, 60 ans, venu montrer de près à son fils Alexandre, 30 ans, « des légendes du rock qui n'ont jamais fait de compromis ».
Bernie Bonvoisin, le chanteur, ne ménage pas son public. « Vous comptez rester assis ? Ah, ça va pas le faire. Je vous jure qu'on peut aussi chercher des chaises. »
Heureusement, la glace se brise vite à coups de riffs de guitare surpuissants, de rythmique d'enfer et de textes brûlants, comme « F-Haine », une nouveauté dont Bernie Bonvoisin fait reprendre le refrain au public : « La haine est une blonde qui surfe sur la vague marine. » Après une heure quarante-cinq tambour battant, la rage au ventre, toute la salle hurle « Antisocial, tu perds ton sang-froid. » Et dans les gradins, il n'y a plus un seul spectateur assis...
La tournée reprend le 2 mars à Montpellier, le 3 à Avignon, le 4 au Puget-sur-Argens, le 9 au Mans...