
Grosse actualité pour Donny McCaslin dont le nouvel album Lullaby For The Lost parait simultanément à I Can't Give Everything Away (2002-2016) de son ex-employeur David Bowie. L'américain fut son saxophoniste sur Blackstar, l'ultime offrande du Thin White Duke, fonction qui lui a permis d'exploser à l'internationale.
Jazzman de son état, McCaslin a toujours été déterminé à aller au-delà des concepts jazz, jazz-rock, fusion ou de toute autre étiquette qu'on voudrait attribuer à sa musique, élevant les canons du genre dans une nouvelle dimension. Coltrane et Zeppelin, Joe Henderson et The Police guidant son imagination, l'intrépide musicien n'a de cesse de repousser les limites, développant par là même une carrière audacieuse. Si c'était du rock, on pourrait parfois penser à Nine Inch Nails. En ce sens, il s'agit d'un cheminement naturel pour celui qui a joué un rôle central dans le Blackstar suscité, signant les arrangements et une grande partie de l'univers sonore, empruntant de ce fait à cette expérience émotionnellement percutante. McCaslin a enregistré Lullaby For The Lost avec ses collaborateurs de longue date, Jason Lindner aux claviers, le bassite Tim Lefebvre, Ben Monder à la guitare (tous trois ont aussi joué sur Blackstar) et Nate Woods derrière les fûts (The Calling, Snarky Puppy et Chaka Khan).
Wasteland commence avec le saxo ténor planant sur un lit d'électronique grandissant en intensité. Le cosmique Solace, aux entournures pop progressives - 7'14 de "gentilles" montagnes russes - se compose de trois sections mêlant calme et turbulence. Le cuivre est à nouveau au premier plan avant que la mélodie monte et descende et qu'il lance un solo agressif dans la seconde section pour aboutir à un mur sonique strident. Sur le bien nommé Stately, le saxophone flotte au dessus de la guitare de Monder et les claviers de Lindner dans un îlot de calme. Le moteur tourne à plein régime dans Blonde Crush, Nate Woods ne relachant la pression à aucun moment, le groupe le suivant à un rythme effréné. Celestial se pose en exemple du son de LFTL. On nage en plein jazz rock avec une ligne de basse teintée Weather Report, un sax à l'avenant et un groove de batterie que n'auraient pas renié Chester Thomson ou Billy Cobham. Le début de Tokyo Game Show démarre comme un jeu vidéo (!), McCaslin enfermé dans un riff répétitif, Lefebvre venant alimenter la mélodie d'une basse tournante; l'impression étant donnée de recevoir de plus en plus d'informations au fur et à mesure de l'avancée du morceau, un véritable barrage sonore. Lullaby For The Lost présente, plus que sur toute autre pièce de l'album le leader semblant suivre son intuition sans vraiment savoir où ça le mènera - et nous avec ! - la ligne directrice rappelant beaucoup d'autres instrumentaux du genre aux trames basées sur l'improvisation; ce qui pourrait laisser à penser qu'il est ici d'avantage question de musique expérimentale. Comme si cela ne suffisait pas, Kid atteri tel un ovni, tellement différent de ce qui s'est présenté avant, sans aucun lien ou presque. La dernière minute est prétexte à un décollage rock assez surprenant. Aurait dû figurer en bonus track, à la limite. Mercy clos les débats sur un ton "spatial", planant, qui permet de souffler après le dédale de pistes aux détails complexes qui ont mis à rude épreuve notre attention.
Dans le fond, Lullaby For The Lost confirme aller encore plus loin qu'I Want More (2023), développant notamment les contrastes entre les espaces organiques et synthétiques. Mais tel un Sonny Rollins des temps modernes, "pousser de l'avant" est le modus operandi de Donny McCaslin. Dès lors, il n'est guère surprenant que l'ensemble soit si novateur et dépaysant. Cet album ne devrait donc pas décevoir ceux pour lesquels le jazz exigeait un futur. ![]()
Stef B.![]() Plus d'infos à propos de l'auteur ici |
Tracklist :
Wasteland
Solace
Stately
Blonde Crush
Celestial
Tokyo Game Show
Lullaby For The Lost
Kid
Mercy![]()
Line Up :
Donny McCaslin : saxophone
Tim Lefebvre (+ Jason Maron) : basse
Nate Woods (+ Zack Danzinger) : batterie
Ben Monder : guitare
Ryan Dahle : guitare sur Blonde Crush
Label : Socadisc
Sortie : 26/09/2025
Production : Tim Lefebvre
Discographie :
Exile And Discovery (1998)
Seen From Above (2000)
The Way Through (2003)
Soar (2006)
Give And Go (2006)
In Pursuit (2007)
Recommended Tools (2008)
Declaration (2009)
Perpetual Motion (2010)
Casting For Gravity (2012)
Fast Future (2015)
Beyond Now (2016)
Blow (2018)
Jong Metropol Orkest (2022)
I Want More (2023)
Lullaby For The Lost (2025)
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