Difficile d’aborder EMERY sans un minimum de précaution, tout aussi difficile de le classer, au point qu’il faudrait déposer un brevet de nouvelle appellation : Emo/Prog. Ceux d’entre vous qui seraient prêts à franchir le pas et écouter pour la première fois du Emo, ici, pas de structure binaire, pas de caisse claire sur chaque temps, pas plus de couplet, refrain, couplet, refrain, chorus instrumental, fin. Habituellement décrit comme un groupe de pop rock alternatif ou parfois de melodic hardcore, ces dénominations me semblent bien restrictives. Il est vrai que l’incorporation d’éléments « screamo », à dose restreinte, contraste avec le chant traditionnel, mais la sensibilité mélodique prend majoritairement le pas sur la férocité que l’on retrouve dans le hardcore ou le métalcore, ici, cette juxtaposition est donc le plus souvent anecdotique. D’emblée, il ne vous faudra pas qu’une seule écoute pour saisir cette œuvre. Aujourd’hui, j’ai la conviction d’avoir le plus bel album Emo de 2005, il m’aura fallu tout ce temps pour digérer une telle complexité, une telle diversité, une telle variété, je ne tarirais pas d’éloges ! Lorsque Emery signe en 2001 chez Tooth & Nail Label pour réaliser leur premier album The Weak’s End en 2004 et The Question en 2005, avec la collaboration de Ed Rose à la production, ils ont la certitude d’avoir composé quelque chose d’inattendu et de peu commun. Les accoutumés du genre retrouveront tout de même leurs marques, vocaux en canon, doubles parfois triples, alternance de guitares saturées, racées, chevalines et de son clair profond, rythmiques à contre temps quasi continuelles, et ici et là quelques « scream » hargneux surlignent une certaine mélancolie des lyrics. Mais Emery, c’est encore autre chose, je reprends mon appellation de Emo/Prog, pas un couplet, pas un pont, et parfois même les refrains n’adoptent la même ligne musicale. So Cold I Can See My Breath est le hit parfait et le seul titre de l’album à avoir une structure relativement simple, les choses se corsent avec Playing With Fire avec son intro peu conventionnelle puis ses changements de plans complexes qui pourtant coulent de source ; Returning The Smile , intro « screamo » pour le titre le plus émouvant de l’album, tout simplement du génie ! Puis le politiquement incorrect, Studying Politics le second hit stupéfiant et brutal, aux ambiances plombées, sans heurter, tout comme le superbe Left With Alibis And Lying Eyes aux changements de structures aussi étonnants que subtiles, étonnant tout autant Listening To Freddy Mercury à la rythmique complexe et aux enfantins la la la la sur fond de screams destroy ! Intro de piano bastringue western avec Between 4th And 2th Street, fondu enchaîné vers The Terrible Secret comme le nom l’indique : terrible ! Avec ses guitares tour à tour saturées, son clair, pour de multiples plans habilement équilibrés. Deux ballades pour finir, In A Loose Situation et le très émouvant In A Win Situation, un travail collectif énergique et inspiré qui frise si souvent la splendeur.